
Point de vue
Ouverture
CONTEXTE
Comme l’explique si bien Étienne Anheim dans son éditorial, le patrimoine n’est pas seulement une affaire de culture ni le « pré carré » des historiens, des archéologues ou des restaurateurs. Physiciens et chimistes contribuent aussi à sa préservation et sa mise en valeur. C’est le cas notamment au CEA où, depuis de nombreuses années, plusieurs équipes développent et mettent en œuvre un ensemble de techniques et de technologies innovantes, au service de l’art, de l’histoire et de l’archéologie. Leur contribution est déterminante pour faire progresser la connaissance des civilisations anciennes, préserver les vestiges du passé, aider à la prospection archéologique mais aussi comprendre le comportement des matériaux dans le futur, notamment prévoir de manière fiable leur altération.
n le Laboratoire des sciences du climat et de l'environnement (LSCE, unité mixte CEA/CNRS/UVSQ/IPSL) dont certaines équipes travaillent à replacer les événements marquants de l’histoire de la Terre et de l’évolution de l’homme dans un cadre chronologique absolu ;
n le Laboratoire de mesure du carbone 14 (LMC14), rattaché au LSCE, qui est en charge de la réalisation technique de la datation par le radiocarbone (préparation physico-chimique des échantillons et mesures) pour la communauté scientifique nationale. A cette fin, il dispose, depuis 2003, de bancs de préparation et d’un spectromètre de masse couplé à l’accélérateur ARTEMIS ;
n l’Atelier de recherche et de conservation Nucléart (ARC-Nucléart), dédié à la conservation et la restauration d’objets culturels archéologiques, historiques ou ethnographiques en matériaux organiques. Implanté au CEA-Grenoble, il dispose d’installations de traitement de très grande taille pour la conservation des objets, d’un irradiateur destiné aux applications du rayonnement gamma (dont certaines sont toujours uniques au monde) et d’ateliers de restauration ;
n le Laboratoire archéomatériaux et prévision de l’altération (LAPA), formé de la mise en commun d’équipements et de personnels du NIMBE (Nanosciences et innovation pour les matériaux, la biomédecine et l’énergie, UMR 3685 - CEA/CNRS) et de l’Institut de recherche sur les archéomatériaux (IRAMAT, UMR 5060) du CNRS, est spécialisé dans l’étude des systèmes composites constitués notamment de matériaux métalliques, pour des analyses fines de métaux anciens en vue de comprendre les processus de fabrication et les savoir-faire anciens, étudier la circulation des produits métalliques et des objets et, enfin, restaurer et protéger les objets qui en contiennent.
Les techniques mises en œuvre au CEA (datation, analyses métallographiques microsondes et nanochimie, irradiation gamma…) sont, pour la plupart, issues de sa maîtrise du nucléaire. Elles sont soutenues par une R&D de pointe, non seulement destinée à les rendre toujours plus performantes mais également à imaginer de nouvelles approches, qu’il s’agisse de datation ou de traitements. n
Lire la suite (2 min.)
Le Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement utilise différentes méthodes de datation en fonction des objets ou des sites à dater. Toutes sont fondées sur la mesure de radio-isotopes présents à l’état naturel.
Le carbone 14 (14C) est produit par interaction des rayonnements cosmiques sur l’azote 14 (14N) dans l’atmosphère. L’atome de 14C ainsi formé s’oxyde pour former du gaz carbonique 14CO2 qui se mélange au CO2 de l’air. Le 14C entre donc dans la composition de toutes les matières carbonées vivantes et de tous les précipités de carbonate de calcium. A la mort de l’organisme, les échanges s’arrêtent et le 14C absorbé tout au long de la vie commence à décroître selon une période de 5 730 ans. La limite actuelle de cette méthode est aux alentours de 50 000 ans et permet de dater la mort d’une matière carbonée ou la formation de carbonate de calcium.
L’uranium 238 (238U) est un isotope radioactif naturel, présent dans les roches et l’eau par exemple. Dissous dans les magmas ou dans l’eau, il est incorporé dans les minéraux qui se forment à partir de ceux-ci, comme les zircons et les apatites (roches) ; les carbonates marins (coraux, coquilles) et continentaux (stalagmites, planchers stalagmitiques, travertins), ou encore les minéraux en contact avec l’eau, comme l’hydroxyapatite des dents et ossements fossiles. Une fois le système fermé, le 238U se désintègre en thorium 230 (230Th) selon une période de 75 200 ans. La limite de cette méthode est aux alentours de 650 000 ans.
Les minéraux et les roches contiennent une petite quantité de potassium 40 naturellement radioactif (40K). Ce potassium se désintègre en un gaz noble, l’argon 40 (40Ar). Après cristallisation, l’40Ar produit par le 40K contenu dans la roche s’accumule dans le réseau cristallin. La période du 40K est très longue, 1,25 milliard d’années. Cette méthode est donc applicable sur des échantillons de tout âge (1 000 ans à 4 556 milliards d’années) mais est limitée aux minéraux riches en potassium et/ou aux roches magmatiques. La méthode 40Ar/39Ar est basée sur le même phénomène radioactif. La différence est que les échantillons de roches sont irradiés afin de transformer le 39K en 39Ar et permettre une mesure plus précise et avec moins de matériel.
Les méthodes de la luminescence et de la résonance paramagnétique électronique (RPE) ici simplifiées par (TL) sont fondées sur l’accumulation au cours du temps d’électrons piégés dans des défauts du réseau cristallin de l’échantillon sous l’effet des rayonnements ionisants naturels. Le nombre total d’électrons piégés dépend de la dose de radiations absorbées par l’échantillon, également appelée paléodose. Il est proportionnel à l’intensité du champ ionisant (débit de dose naturel) et au temps d’irradiation. Dans le cas le plus simple, lorsque le débit de dose naturel ne varie pas au cours du temps, l’âge de l’échantillon est égal au rapport de la paléodose à la dose annuelle (âge = paléodose / dose annuelle).
Point de vue
Définition