Soigner et curer
L’histoire débute toujours par un constat d’état, destiné à établir la « santé » de l’œuvre ou de l’objet, préalable indispensable à la proposition des opérations de conservation et restauration à mener. Il peut être complété par des études de structure (radiographies, scanners) et de polychromie quand cette dernière est présente, par exemple dans le cas de sculptures en bois peint. Cet ensemble d’informations va permettre de définir les opérations de conservation du matériau en lui-même, puis de sa restauration, qui prendra en compte l’état de l’œuvre après sa consolidation, mais aussi le projet d’exposition de l’objet à restaurer (le lieu, la position, la climatisation ou non du lieu…).
Parmi les objets archéologiques restaurés par ARC-Nucléart, le chaland Arles Rhône 3, enfoui dans le Rhône depuis le Ier siècle après J.-C. : pour des raisons pratiques, il a été prélevé, en plusieurs sections positionnées sur des supports métalliques, qui ont rapidement été rapatriées dans les locaux grenoblois d’ARC-Nucléart. Après nettoyage des sédiments et consolidation grâce aux traitements PEG-LYO et Nucléart mixte pour la proue qui était très dégradée (voir article « Bains de jouvence pour bois abîmés »), les opérations de restauration ont duré environ deux ans. Elles ont consisté à débarrasser le bois de tous les clous métalliques présents, à enlever les concrétions d’oxyde de fer présentes (voir article « Décontaminer le bois ») puis à remonter chaque section du bateau à l’aide de collages, assemblages ou juxtapositions grâce au support spécialement conçu et réalisé à cette fin, avec l’aide d’un chaudronnier travaillant en même temps que les restaurateurs. Des masticages et comblements ont été utilisés pour remplir les lacunes existantes, dans le respect de la déontologie bien sûr, donc avec des matériaux neutres et de manière réversible. Des retouches colorées à l’aquarelle ont permis de faire une réintégration des zones de comblements. Enfin, une restitution d’une partie manquante de la proue a été réalisée en bois neuf « à l'identique », choix réalisé pour les besoins de l’exposition au musée.
Découverte non loin du chaland, une roue de char romain a également été consolidée et restaurée par ARC-Nucléart : la présentation finale de l’objet en position verticale a été rendue très délicate du fait de sa fragilité et de la différence de poids entre le moyeu et les parties externes, mais avec un résultat étonnant qui la replace dans sa position fonctionnelle !
Conserver et restaurer une sculpture polychromée nécessite une phase préalable d’étude de la polychromie, soit par observation et/ou analyses non destructives in-situ, soit sur des micro-prélèvements : des techniques infrarouge permettent de déterminer la nature des éléments minéraux des pigments utilisés, et parfois de dater le repeint, des analyses en diffraction de rayons X identifient la nature des composés (phases chimiques) et des techniques plus poussées utilisant le rayonnement synchrotron ou la fluorescence vont donner des informations plus complètes sur la partie inorganique et organique des matériaux utilisés. Ensuite, des traitements de consolidation plus ou moins localisés sont réalisés à l’aide de résines, pouvant aller, dans les cas de dégradation extrême, jusqu’au traitement Nucléart. Enfin, des opérations spécifiques de nettoyage sont effectuées : dégagement éventuels de repeints grâce à des méthodes chimiques ou mécaniques, comblement de lacunes de polychromie, masticages, retouches et mise sur support pour sécuriser les sculptures.
Dans le cas de La Vierge à l’Enfant de Myans (Savoie), datée du XVIe siècle, de grande taille (environ 1,30 m de hauteur) et monoxyle, l’étude de polychromie a révélé trois repeints : en accord avec ses propriétaires, le choix a été fait de conserver ces couches et de restaurer la surface. A contrario, dans celui de la statue équestre de la Charité de Saint Martin (fin XVIe, XVIIe siècle), le dégagement de polychromie a permis de restituer un groupe sculpté coloré méconnaissable ! n