Soigner et curer
On distingue en général : les bois archéologiques qui proviennent du sol et qui ont pu échapper aux insectes et aux champignons lignivores en raison d’un milieu anaérobie mais qui ont toutefois subi une attaque bactérienne avec la disparation plus ou moins prononcée de la matière cellulosique ; et les bois historiques qui ont bénéficié d’une protection vis-à-vis des conditions climatiques extérieures, mais qui ont pu souffrir d’attaques fongiques (pourritures) ou d’attaques par des insectes xylophages (vrillettes, lyctus, capricornes, termites…). Dans tous les cas, les traitements de conservation ont pour principal objectif de consolider la structure fragilisée des bois anciens. Le principe de base est d’utiliser la porosité naturelle du bois, en particulier quand il est altéré, pour y injecter des résines qui, en se solidifiant, vont lui conférer des propriétés mécaniques améliorées.
Si le bois est sec, on utilise des résines acryliques, comme le Paraloïd B72®, dissoutes dans un solvant organique (acétone) pour consolider partiellement les zones proches des surfaces du bois, le plus souvent, au pinceau. Pour des consolidations plus marquées, on procédera localement à des injections de résine époxyde à l’aide d’une seringue. En revanche pour des dégradations très sévères altérant l’ensemble du volume de l’objet, nous sommes contraints d’utiliser une technique de consolidation plus invasive et irréversible avec une résine radio-polymérisable : c’est le procédé « Nucléart ». Cette technique développée par ARC-Nucléart dans les années 70 consiste à imprégner l’objet dans tout son volume à l’aide d’un autoclavage en deux étapes : mise sous vide pour dégazer le bois suivie d’une mise sous pression du bois immergé dans une résine styrène-polyester pour permettre son imprégnation à cœur. A l’issue de l’imprégnation, l’objet est essuyé puis irradié sous rayonnement gamma pour initier la polymérisation et le durcissement de la résine in situ dans le bois.
Le bois archéologique arrive à ARC-Nucléart pratiquement toujours à l’état humide. Pour la consolidation, nous utilisons en général une résine de la famille des polyéthylènes glycols (PEG) qui ont le mérite d’être solides à température ambiante et solubles dans l’eau, permettant une imprégnation du bois par immersion dans des solutions aqueuses de PEG titrées à 30-35 % massique. En plus de la consolidation, il est souvent nécessaire de prévoir une opération de séchage. Malheureusement, les bois archéologiques très dégradés qui ont perdu une bonne partie de leur charge cellulosique ne sont plus en mesure de supporter leur propre séchage à l’air : les parois cellulaires ont tellement été érodées par les attaques bactériennes qu’elles ont perdu leur rigidité initiale. Par conséquent, si on pratiquait un séchage à l’air, les forces capillaires exercées par l’eau sur les parois ramollies engendreraient un effondrement cellulaire généralisé du bois susceptible de provoquer des déformations et des pertes de volume de plus de 50 % ! Pour éviter ce scénario catastrophique, les ateliers spécialisés réalisent le séchage des bois archéologiques gorgés d’eau par lyophilisation sous vide. Avec ce procédé, il n’y a plus d’eau en phase liquide dans le bois après congélation, le séchage étant réalisé par sublimation de l’eau, sans déformation du bois. Contrairement au procédé « Nucléart », le procédé PEG/lyophilisation (PEG-LYO) est réversible car aucune réaction chimique n’est réalisée pendant le traitement : on se contente simplement de dissoudre du PEG dans de l’eau pour le transporter au sein du bois.
Pour des bois archéologiques composites contenant des concrétions minérales ou des métaux sensibles à l’humidité, il est possible d’utiliser le procédé dit « Nucléart mixte » car la résine styrène-polyester est particulièrement hydrophobe. On commence par consolider très partiellement et sécher le bois par PEG-LYO puis on applique le procédé « Nucléart » pour le consolider de manière très significative, tout en rendant le matériau moins sensible à l’humidité. n