L’art pariétal préhistorique
Connaître les civilisations anciennes
MIGRATIONS
Notre espèce (Homo sapiens) est la seule présente sur l’ensemble des continents. Son expansion finale initiée il y a 70 000 ans est l’une des nombreuses migrations du genre Homo. Reconstruire ces voyages est complexe et nécessite une approche multidisciplinaire à la croisée de trois domaines de recherches : l’archéologie, qui étudie les témoignages laissés par les hominidés (outils, fossiles) ; la paléo-génétique, qui reconstitue les parentés entre les espèces humaines ; et la géochronologie qui, grâce aux méthodes de datations radio-isotopiques, va replacer dans le temps ces données.
Les chercheurs du Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement (LSCE) font partie des spécialistes mondiaux de ces méthodes parmi lesquelles la datation au carbone 14 (14C), par l’uranium-thorium (238U/230Th), par le potassium-argon (40K/40Ar) et argon-argon (40Ar/39Ar) ainsi que la thermoluminescence [voir « Les méthodes de datation »]. Ils ont contribué à reconstituer ces migrations qui sont présentées ici en trois cartes.
Les témoignages laissés par les premières migrations sont peu nombreux. On trouve peu de fossiles mais des outils en pierre ou des traces laissées par ceux-ci sur des os. Après une expansion initiale en Afrique entre 2,4 et 2,1 millions d’années [1][1] Sahnouni et al., 2018 Science 362, 1297-1301, les hominidés anciens (e.g. Homo erectus) arrivent en Eurasie entre 2,1 et 1,8 millions d’années [2][2] Messager et al., 2011 Quat. Sci. Rev. 30, 3099-3108; Zhou et al., 2018 Nature 559, 608-612.. Ils colonisent Sangiran en Indonésie vers 1,5 à 1,6 million d’années [3][3] Larick et al., 2001 Proc. Natl. Acad. Sci. U. S. A. 98, 4866–4871.. Les traces des premières migrations en Europe datent de 1,2 à 1,4 million d’années [4][4] Toro Moyano et al., 2013 J.of Hum. Evol. 65, 1-9.; Arzarello et al., 2009 Naturwissenschaften 94, 107–112. et de 1,1 million d’années en France [5][5] Despriée et al., 2011 Quat. Sci. Rev. 30, 1474-1485.. Plusieurs autres vagues de différentes espèces d’hominidés atteignent l’Europe et en Asie plus récemment, entre 1 million d’années et 600 000 ans.
Certaines de ces populations anciennes, évoluent hors d’Afrique et donneront naissance à Homo neandertalensis en Europe, Homo denisovensis en Asie mais aussi à des formes insulaires d’hommes de petites tailles ou « Hobbits » comme Homo floresiensis et, très récemment, Homo luzonensis [6][6] Détroit et al., 2019 Nature 568, 181-185 respectivement découverts sur les îles de Florès (Indonésie) et Luzon (Philippines) (Fig. 3). Les découvertes réalisées sur ces îles montrent que, dès 700 000 ans, les hommes traversaient les mers [7][7] Van den Bergh et al., 2016 Nature 534, 245-248 ; Ingicco et al., 20181 Nature 557, 233-237. et qu’une migration ancienne via la Méditerranée était possible (Fig. 1). Parmi ces espèces régionales issues de migrations anciennes, seule Homo neandertalensis repart en direction du Levant et l’Asie centrale où il croise une autre espèce, africaine elle, Homo sapiens (Fig. 2 et 3). Cette rencontre a laissé une trace (1 à 2 %) dans le génome des Européens actuels [8][8] Prüfer et al., 2014 Nature 505, 43-49.. Cette hybridation a eu lieu plusieurs fois dans le temps et l’espace car 20 à 30 % des gènes néandertaliens se retrouvent dans la population actuelle [9][9] Vernot et Akey, 2014 Science 343, 1017-1021.. En Asie, Néandertal s’est également accouplé, il y a 90 000 ans, avec Homo denisovensis [10][10] Slon et al., 2018 Nature 561, 113-116.
Notre espèce, Homo sapiens, apparaît il y a 300 000 ans en Afrique [11][11] Hublin et al., 2017 Nature 546, 289–292. Les migrations récentes sont bien datées grâce au carbone 14 mais la migration rapide vers l’Asie et Sahul, est encore énigmatique car les datations sont trop imprécises.
La sortie d’Afrique s’est faite, là encore, par vagues. Les premières traces retrouvées datent d’il y a 180 000 et 120 000 ans en Israël et dans la péninsule arabique [12][12] Armitage et al., 2011 Science, 331, 453-456. ; Hershkovitz et al., 20181 Science 359, 456-459. et de 90 à 110 000 ans en Asie [13][13] Michel et al., 20161 J.of Hum. Evol. 101, 101-104.. La population mondiale actuelle est, quant à elle, issue d’une migration plus récente, qui a débuté il y a 70 à 65 000 ans. Homo sapiens parvient en Asie et jusqu’à Sahul en quelques milliers d’années. Il rencontre Homo denisovensis en Asie avec qui il a une descendance qui vit actuellement au Tibet, en Asie du sud-est et en Papouasie [14][14] Browning et al., 2018 Cell 173, 53-61. [15][15] Chen et al., 2018 Nature In press, https://doi.org/10.1038/s41586‐019‐1139‐x.. L'adaptation à la haute altitude de Homo sapiens pourrait être un héritage des Dénisoviens qui vivaient il y a plus de 160 000 ans sur le plateau tibétain (site de Baishiya, Fig. 2) [15][15] Chen et al., 2018 Nature In press, https://doi.org/10.1038/s41586‐019‐1139‐x.. Il y a environ 45 à 40 000 ans, Homo sapiens arrive en Europe. Il y a au moins 24 000 ans, peut-être même avant 28 000 ans [16][16] Vialou et al., 20171 Antiquity 91, 865-888., de premiers groupes traversent la Béringie et arrivent en Amérique [17][17] Bourgeon et al., 2018 PloS ONE 12, (1) :e0169486.doi :10.1371/journal.pone.0169486.. Entamée il y a 18 000 ans, une nouvelle vague de migration atteint le sud du continent il y a 14 000 ans [18][18] Politis et al., 2016 PLoS ONE 11(9): e0162870 doi:10.1371/journal.pone.0162870., achevant ainsi le peuplement de tous les continents.
Glossaire
Hobbits : Hominidés de petite taille (1,1m en moyenne). Terme repris des romans de J.R.R Tolkien.
Sahul : Nom du plateau continental dont les parties émergées sont aujourd'hui l’Australie, la Tasmanie et la Nouvelle-Guinée.
Béringie : Pont terrestre qui a existé à plusieurs reprises dans le temps entre l'Alaska et la Sibérie orientale. Aujourd'hui, un étroit bras de mer appelé le détroit de Béring sépare l’Amérique du Nord de l’Asie.
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