Plusieurs équipes de l'institut Joliot (plus particulièrement du service de pharmacologie et immunoanalyse) travaillent sur la mise au point de nouveaux tests de diagnostic de la Covid-19 : d'un côté des tests rapides immunologiques, antigéniques ou sérologiques, de l'autre des tests par spectrométrie de masse. Ces derniers pourraient, à terme, être utilisés en milieu hospitalier et dans les laboratoires d'analyse, en complément du test de référence (par PCR) : les molécules détectées (protéines du virus) sont stables ; les réactifs nécessaires sont courants et peu onéreux ; les laboratoires d'analyse, surtout dans les hôpitaux, sont équipés d'appareils de spectrométrie de masse. De plus, certains protocoles sont quantitatifs et doivent donc permettre de quantifier la charge virale.
Exploiter la protéomique pour mettre au point un test spécifique
Des chercheurs du Laboratoire d'étude du métabolisme des médicaments (LEMM) se concentrent sur la mise au point de tels protocoles. En collaboration avec le Laboratoire Innovations technologiques pour la Détection et le Diagnostic (LI2D/SPI/CEA-Joliot ; Marcoule) et l'unité de bactériologie de l'Hôpital Bicêtre (APHP) - Université Paris-Saclay, ils ont exploité les atouts de la protéomique ciblée par spectrométrie de masse pour obtenir un protocole analytique applicable à l'hôpital, ne nécessitant aucun réactif spécifique et capable de quantifier les trois principales protéines constitutives du virus SARS-CoV-2 : la Nucléoprotéine N, la protéine Spike S et la protéine de Membrane M. La détection simultanée de ces trois protéines (contre une pour la plupart des protocoles développés jusqu'ici) confère une très grande spécificité au test.
Travailler sur des échantillons de patients et comparer les méthodes
Des échantillons nasopharyngés ont été collectés chez des patients Covid et ont été testés par trois méthodes afin de comparer, pour la première fois, leurs performances respectives : d'abord par PCR, puis par immunoanalyse (tests antigéniques) et avec le protocole analytique mis au point par le LEMM. Pour permettre une quantification précise, le protocole développé implique le couplage de la chromatographie liquide à la spectrométrie de masse (LC MS/MS ; appareil employé est de type quadripole-Orbitrap). Ce protocole pourrait être facilement transféré à des laboratoires de toxicologie ou de pharmacologie possédant des spectromètres de masse. Les échantillons analysés étaient stockés dans des milieux prévus pour la conservation du virus avant les analyses PCR réalisées ultérieurement : riches en protéines et donc potentiellement préjudiciables pour l'analyse par spectrométrie de masse. De plus, les chercheurs ont évalué, dans ces conditions, la limite de sensibilité et la linéarité des résultats à partir d'un virus purifié inactivé.
Les résultats de leur étude sont publiés dans le Journal of Proteome Research. La méthodologie développée a permis d'atteindre une limite basse de détection à 2000 particules virales/mL à partir d'échantillons nasopharyngés, sans impact significatif des différents milieux de prélèvement et stockage communément utilisés et évalués lors de l'étude. La méthode a permis de confirmer 75% des échantillons positifs par PCR, ce qui la rend plus sensible que d'autres méthodes utilisant aussi la spectrométrie de masse. Le LEMM poursuit ses efforts et vise, d'une part à améliorer la sensibilité de l'approche et, d'autre part à l'adapter pour qu'elle puisse se faire sur des appareils de type MALDI-TOF, disponibles dans la très grande majorité des laboratoires de microbiologie clinique. Ces travaux ouvrent des perspectives importantes en terme de diagnostic pour compléter les tests déjà disponibles, aussi bien pour la quantification de la charge virale que pour la détection des nouveaux variants du SARS-Cov-2.
Schéma des étapes du protocole analytique développé par le LEMM pour diagnostiquer la Covid-19 et quantifier la charge virale d'un patient. © J. Saadi et al., J Proteome Res, 2021
Contacts chercheurs :
François Becher (francois.becher@cea.fr), François Fenaille (francois.fenaille@cea.fr)