Deux départements de l'institut Joliot, NeuroSpin et le SHFJ, mènent des recherches qui impliquent la participation de volontaires. Ces recherches dites biomédicales, qui visent à développer des connaissances biologiques et médicales, sont strictement encadrées.
Le recrutement des volontaires ne suit pas la même voie selon que l'on recherche une personne en bonne santé
– on parle de
volontaire sain – ou une personne porteuse de l'affection objet de l'étude menée à l'institut par un médecin investigateur. A NeuroSpin, c'est Christine Doublé qui est en charge du
recrutement des volontaires sains depuis maintenant dix années. Au SHFJ, c'est Céline Clerget qui occupe cette fonction depuis moins d'un an. Les deux « recruteuses » se sont rencontrées pour la première fois début juillet pour échanger sur leurs pratiques respectives. L'occasion de revenir sur cette fonction peu connue au sein de l'institut et de rappeler les spécificités des deux départements.
Vous êtes toutes les deux chargées du recrutement des volontaires, est-ce la seule fonction que vous exercez au sein de l'institut ?
Christine Doublé (C.D.) : Je suis également chargée de communication pour le département NeuroSpin. Je partage mon temps entre les deux activités : environ 60% pour le recrutement et 40% pour la communication.
Céline Clerget (C.C.) : Pour ma part, je suis avant tout infirmière en charge des protocoles de recherche biomédicale au SHFJ. Je m'occupe de planifier les examens, d'accueillir les patients (ou les volontaires sains), de réaliser les injections de radiotraceurs ainsi que les prélèvements sanguins et de tenir à jour les cahiers d'observation et les bases de données des différents protocoles. Je consacre environ 15 % de mon temps au recrutement.
En quoi les études biomédicales sont importantes pour les recherches menées à l'institut ?
C.C. : La recherche biomédicale menée au SHFJ vise à créer de nouveaux outils d'imagerie pour améliorer le diagnostic et l'évaluation des thérapies innovantes dans les domaines de la cancérologie, de la neurologie ou de la pharmacologie. Elle ne peut se faire sans la participation de volontaires.
C.D. : A NeuroSpin, une étude biomédicale peut avoir trois types de finalités. Les études méthodologiques visent à vérifier que les méthodes innovantes d'imagerie et d'analyse des données cérébrales développées au sein du département fonctionnent bien. Les études en neurosciences cognitives visent à comprendre les structures et mécanismes de notre fonctionnement cognitif. Enfin, des études à finalités cliniques visent, par exemple, à mieux comprendre les troubles et maladies liées au neurodéveloppement ou au vieillissement. On peut citer les conséquences neurodéveloppementales de la prématurité, de l'alcoolisation fœtale ou des AVC néonataux, les troubles du spectre de l'autisme ou le trouble bipolaire, ou encore le vieillissement pathologique avec les démences et la maladie d'Alzheimer.
Quel est le profil des volontaires dont vous avez besoin ?
C.D. : Je suis chargée
exclusivement du
recrutement des volontaires sains. Cela ne veut évidemment pas dire qu'aucun volontaire malade ne passe dans les IRM de NeuroSpin : de nombreux patients participent à des études portant sur telle ou telle affection, mais dans ce cas c'est le médecin investigateur de l'étude qui est en charge du recrutement. A mon niveau, des procédures codifiées et sous contrôle des infirmières et manipulateurs radio de NeuroSpin permettent de s'assurer que les personnes pressenties n'ont pas de contre-indications pour passer dans nos imageurs, en particulier aux champs magnétiques plus élevés qu'en milieu hospitalier que nous mettons en œuvre (7T et maintenant 11,7T).
C.C. : Oui, nous aussi,
nous ne recrutonsque des
volontaires sains : des hommes et des femmes qui doivent avoir plus de 18 ans et moins de 65 ans, car ce sont les médecins chargés des études qui incluent des patients.
C.D : A NeuroSpin, cela va du bébé de quelques semaines jusqu'à l'adulte âgé de 80 ans, selon l'étude. Mais le besoin se situe majoritairement entre 18 et 35 ans, pour les études en neurosciences cognitives.
Combien de volontaires sains avez-vous besoin en moyenne chaque année ?
C.C. : Au SHFJ, le nombre est assez faible, de l'ordre de 30 à 40 par an, je pense bien inférieur à celui de NeuroSpin.
C.D. : En effet, chez nous, c'est environ 20 à 30 fois plus, soit près de 900 volontaires par an. En 2022 nous avons recruté plus de 1000 volontaires.
Et est-ce facile de se porter volontaire ?
C.C. : Oui, il suffit de télécharger le formulaire d'inscription sur le site web de l'institut Joliot (https://joliot.cea.fr/drf/joliot/Pages/Entites_de_recherche/shfj/Participer-a-la-recherche_Orsay.aspx) et de le renvoyer à
participants.shfj@cea.fr. Les formulaires sont enregistrés dans une base de données et les volontaires sont ensuite contactés par téléphone en fonction de leur profil et des besoins.
C.D. : C'est également simple de se porter volontaire à NeuroSpin. Nous avons facilité les inscriptions en proposant un questionnaire de pré-recrutement en ligne :
https://groom.cea.fr/groom2/Volunteer/RecruitmentRegistration. A réception du formulaire, les données sont importées sur un intranet pour les sécuriser. Une première vérification a lieu à ce moment-là avant de valider l'inscription. Cette étape est importante car une fois l'inscription validée, le volontaire dispose d'un identifiant lui permettant de consulter notre planning en ligne pour s'inscrire sur nos études en cours en fonction de sa disponibilité sur les créneaux proposés et selon les critères d'inclusion spécifiques à chacune des études. Dans certains cas très spécifiques, l'une des infirmières de NeuroSpin peut revenir directement vers le volontaire pour convenir du créneau le plus approprié.
Vous parlez de critères d'inclusion. Sont-ils très différents d'une étude à l'autre ?
C.D. : Le critère d'âge est celui qui varie probablement le plus d'une étude à l'autre même s'il existe d'autres critères comme la latéralité ou la correction visuelle. Mais surtout, en IRM, il y a des critères spécifiques d'exclusion, comme par exemple, la présence de certains éléments étrangers dans le corps (pacemaker, clips vasculaires, etc.). La prise de certains médicaments comme des anxiolytiques ou des somnifères, ou même certains antécédents personnels peuvent aussi ne pas être compatibles avec telle ou telle étude cognitive ou clinique.
C.C. : De notre côté, la plupart des protocoles nécessitent de ne présenter aucune contre-indication à la réalisation d'une IRM, d'autres requièrent d'être non- fumeur, de ne présenter aucune pathologie neurologique ou encore de ne pas être diabétique.
Comment faites-vous connaitre votre besoin de recrutement ?
C.D. : On peut distinguer deux axes de communication. Nous pouvons d'abord faire une requête dans notre base de données pour trouver des volontaires qui remplissent un ou des critères très spécifiques ou urgents. Nous leur adressons alors un e-mailing pour leur proposer de participer. Mais ils disposent ! il n'y a jamais aucune obligation.
Sinon, nous sollicitons de nouveaux volontaires en communiquant sur les réseaux sociaux de NeuroSpin (facebook et twitter) et en nous appuyant sur des relais, comme par exemple les grandes écoles du plateau de Saclay, l'Université Paris-Saclay ou les entreprises aux alentours du CEA. Nous créons pour l'occasion des supports spécifiques de communication, comme des affichettes. Des appels à volontaires peuvent aussi être diffusés dans des journaux municipaux. Le bouche à oreille fonctionne très bien également ! Tout dépend des critères d'inclusion qui orientent vers les profils que nous recherchons.
C.C. : Au SHFJ notre besoin étant moindre, nous n'avons pas tous ces dispositifs de communication. Généralement la simple diffusion d'une affiche aux personnels des hôpitaux du GHNE (N.D.L.R. Groupe Hospitalier Nord-Essonne dont fait partie l'hôpital d'Orsay auquel est rattaché le SHFJ) suffit.
Un volontaire à NeuroSpin peut participer à plusieurs études, c'est bien ça ?
C.D. : oui
Et au SHFJ, est-ce possible ?
C.C. : oui, c'est aussi possible mais après chaque participation à un protocole de recherche, lorsqu'il y a eu injection d'un radiotraceur, une période d'exclusion est prévue durant laquelle le volontaire ne peut pas participer à une autre étude nécessitant une injection d'un produit radioactif. La durée d'exclusion est définie pour chaque protocole, elle est en général d'un an.
Les données d'inscription des volontaires sont-elles soumises au Règlement Général sur la Protection des Données, le fameux RGPD ?
C.C. : Oui, dans la mesure où nous collectons et traitons des données personnelles, nous nous conformons au RGPD. Nous nous y sommes engagés auprès de la CNIL. Nous avons une déléguée à la protection des données que les volontaires peuvent contacter pour exercer leurs droits (dpd@cea.fr). Le temps de conservation des données dans la base est variable : trois ans si la personne ne participe à aucun protocole, dix ans si elle est incluse dans un protocole.
C.D. : C'est la même chose pour NeuroSpin.
Où se déroulent les études ?
C.C. : Au sein du SHFJ qui est dans l'hôpital d'Orsay. Il est accessible facilement en transports commun, il est proche de la gare d'Orsay du RER B (Se rendre au SHFJ).
C.D. : Les volontaires sont accueillis dans l'espace clinique de NeuroSpin, au sein du laboratoire UNIACT, sur le centre CEA de Paris-Saclay. Plusieurs lignes de bus le desservent (Se rendre à NeuroSpin).
Que fait un volontaire durant sa participation ?
C.C. : Il passe un examen TEP-IRM ou TEP-TDM qui nécessite l'injection intra veineuse d'un radiotraceur. Des prélèvements sanguins veineux sont fréquemment effectués en cours d'examen. Il est parfois nécessaire d'effectuer des prélèvements de sang artériel. Le volontaire est alors conduit dans le service de réanimation de l'hôpital d'Orsay afin qu'un médecin réanimateur effectue la pose d'un cathéter artériel en toute sécurité.
C.D. : A NeuroSpin ce sont surtout des examens IRM, en MEG ou en EEG qui permettent d'explorer finement et de manière non invasive l'activité cérébrale, mais ils s'accompagnent souvent de tests comportementaux et certains protocoles nécessitent un prélèvement sanguin qui est dans ce cas réalisé par l'une des infirmières de NeuroSpin.
Combien de temps dure l'examen ?
C.D. : Le temps de présence à NeuroSpin est d'environ 2h-2h30 pour une durée d'examen d'1h30 environ. Il y a une certaine flexibilité dans le choix du créneau comme je le disais tout à l'heure.
C.C. : Le temps de présence est de 3-4 heures au SHFJ. Et l'examen dure entre 1 et 2 heures. Je précise que les créneaux sont fixés en tenant compte du calendrier de production des radiotraceurs ainsi que de la disponibilité des caméras dont l'utilisation est partagée avec l'activité clinique du SHFJ. Nous n'avons pas la même flexibilité qu'à NeuroSpin.
Les volontaires reçoivent-ils une compensation ?
C.D. : Seuls les adultes reçoivent une indemnité. Elle est variable selon l'examen à réaliser, de 80 à 100 euros en moyenne. Pour certaines études qui comportent notamment plusieurs examens, cela peut aller au-delà. Les enfants sont souvent ravis et récompensés de leur venue par l'expérience assez unique que constitue pour eux la matinée passée avec nos chercheurs.
C.C. : Au SHFJ, l'indemnisation est en fonction du protocole, selon le nombre de contraintes (pose de cathéter, injection d'un radiotraceur, prises de sang…). C'est très réglementé.
Dernière question :est-il possible qu'un protocole soit commun aux deux départements et qu'un volontaire vienne pour une même étude au SHFJ et à NeuroSpin ?
C.D. et C.C. : Oui, c'est déjà arrivé d'ailleurs.