Des chercheurs du laboratoire de « Génomique et Biochimie du Métabolisme », ont développé une approche génomique à haut débit qui démontre, pour la première fois, la grande diversité des activités enzymatiques permettant à une bactérie de fermenter différents types de biomasse végétale. Ils ont appliqué une approche pluridisciplinaire leur permettant d’identifier les différentes enzymes impliquées dans ce processus chez la bactérie Clostridium phytofermentans. Ces travaux, publiés le 13 novembre 2014 dans la revue PLOS Genetics, ouvrent la voie au développement des mélanges enzymatiques et des microorganismes génétiquement modifiés, en vue de la production industrielle de biocarburants et de bioproduits, à partir de la biomasse végétale.
Le LGBM travaille à la caractérisation d’enzymes microbiennes ayant le potentiel de transformer la biomasse cellulosique1 en énergie et bioproduits renouvelables.
Andew Tolonen et son équipe se concentrent principalement sur
Clostridium phytofermentans, une bactérie récemment isolée du sol forestier, qui fermente les débris végétaux en éthanol et hydrogène. L'analyse de la séquence de son génome a révélé que cet organisme possède une formidable diversité d'enzymes (171 au total), pouvant potentiellement modifier et dégrader les polysaccharides végétaux. Les plantes sont composées de plusieurs types de polysaccharides, dont chacun est dépolymérisé par différentes enzymes.
Nous avons montré qu'une des spécificités de
Clostridium phytofermentans est de métaboliser efficacement la biomasse, grâce à sa capacité à décomposer, puis fermenter une grande diversité de polysaccharides. Par une approche intégrant criblage enzymatique, séquençage de l'ARN3 et mesures de croissance, Andrew Tolonen et ses collaborateurs ont constaté que
Clostridium phytofermentans dégrade efficacement de nombreux types de polysaccharides2 végétaux, y compris la cellulose, les xylanes, mannanes, arabinanes, et galactanes. Ils ont ainsi pu identifier les différentes enzymes produites par
Clostridium phytofermentans lorsqu'elle est cultivée sur chaque polysaccharide végétal, en observant la façon dont les gènes sont spécifiquement exprimés lorsque la bactérie dégrade tel ou tel type de polysaccharide. Les 56 enzymes les plus exprimés ont ensuite été purifiés. Parmi ces 56 enzymes, les chercheurs sont parvenus à préciser le rôle de 32 d’entre elles dans la dégradation de la biomasse.
© A.Tolonen/CEA
L'équipe a par ailleurs constaté que la dégradation des polysaccharides nécessite souvent l'action combinée de plusieurs enzymes. Les chercheurs ont alors composé des «cocktails enzymatiques» en combinant différentes enzymes qui opèrent en synergie pour dégrader les polysaccharides végétaux. Cette étude démontre la complexité des stratégies utilisées par les bactéries pour dégrader la biomasse. Ces résultats faciliteront par la suite l'ingénierie des mélanges enzymatiques et des microbes modifiés pour la production industrielle de biocarburants et de bioproduits à partir de la biomasse végétale.
1 Biomasse végétale non-comestible par l’Homme.
2 Polymère de sucres
3 Méthode de séquençage permettant de définir quelles enzymes sont synthétisées dans la cellule étudiée.