À l'écoute en continu
Au CEA, les analystes et sismologues du Dase surveillent en permanence la sismicité du globe. Pour la France et les régions voisines, ils se tiennent prêts à alerter la sécurité civile dès qu’un séisme de magnitude 4 et plus se produit, soit environ 30 fois par an. Cette mission d’alerte nécessite l’organisation d’une astreinte : 24 heures sur 24, les scientifiques se relaient pour évaluer les événements sismiques détectés automatiquement par les logiciels. Ils déterminent magnitude et localisation et si besoin prennent l’initiative d’alerter les autorités compétentes (sécurité civile et ministères de tutelle) dans un délai inférieur à une heure.
Dès qu’un signal sismique apparaît, il est détecté, filtré et mesuré. Les algorithmes de traitement du signal
made in CEA s’enrichissent tous les jours de l’analyse des différents signaux significatifs (détection, localisation, magnitude), permettant de réagir de plus en plus rapidement. Ces résultats d’analyse sont consignés dans un bulletin sismique hebdomadaire, consultable sur internet.
Cette expertise trouve de nombreuses autres applications, comme la surveillance, depuis juin 2001, du
TGV Méditerranée pour signaler en temps réel les trop forts déplacements et ralentir ou arrêter les rames en cas de risque. Sur les 240 km traversant des zones à risque sismique, des stations de détection en temps réel, constituées d’un accéléromètre et d’une unité d’acquisition, ont été installées tous les 10 km, à proximité des voies. Les données sont envoyées par fibre optique au PC de Marseille Saint-Charles où elles sont enregistrées et analysées. Le dépassement d’un premier seuil de magnitude déclenche automatiquement un ordre de ralentissement du train de 300 à 170 km/h. Le dépassement d’un second seuil, plus élevé, conduit à l’arrêt des rames. Dans les deux cas, le système interroge les sismologues du CEA qui confirment ou infirment l’alerte. La SNCF décide alors de reprendre le trafic, à vitesse normale ou ralentie et/ou d’inspecter les voies.
Le TGV Méditerranée fait l’objet d’une surveillance sur les 240km du trajet considérés comme zone à risque sismique. © P. Damas
Réseaux d'alerte tsunamis
Un tel système d’alerte est conçu pour détecter un tsunami quand la vague est encore loin des rivages et pour avertir assez tôt la population concernée afin de sauver des vies. Il est composé de capteurs sismiques et de
marégraphes couplés à un système de réception, d’analyse, de prise de décision et d’envoi de messages d’alerte. La réactivité de ce système doit être très rapide, vu la vitesse de la vague (entre 500 et 1000 km/h au large). En 1946, la destruction de la baie de Hilo à Hawaii a décidé les États-Unis à créer dans le Pacifique le premier centre d’alerte des tsunamis, qui restent prévisibles sur la ceinture de feu. En 1965, ce centre a été associé à un réseau international de mesure et d’alerte, et c’est l’Unesco (Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture) qui est chargé de le coordonner.
Le CEA est un centre d’alerte pour la France en Polynésie. Les scientifiques du QG basé à Ewa Beach à Hawaii :
- récoltent des signaux ;
- localisent, analysent et comparent avec les anciennes données ;
- confirment ou infirment le tsunami ;
- déterminent les baies impactées aux États-Unis ;
- préviennent le(s) pays concerné(s) qui décide(nt) d’une évacuation de ses (leurs) côtes si besoin.
La propagation d’un tsunami prend de 10 à 20 heures d’une côte à l’autre du Pacifique, ce qui, en dehors de la zone épicentrale, laisse le temps de réagir. Le séisme de Sumatra a malheureusement montré l’urgence à mettre en place un tel réseau de détection et d’alerte dans l’océan Indien. Depuis fin 2005, tous les pays concernés ont déjà nommé des organismes chargés de recevoir les messages d’alerte et de prévenir les protections civiles. Il leur faut initier en parallèle des
actions de sensibilisation des populations côtières aux risques et aux gestes de survie et sécuriser l’habitat. Car le facteur temps est primordial : la propagation jusqu’à la côte la plus proche, en dehors de la zone épicentrale, n’a pris ici que deux heures.
À ces réseaux de surveillance et ces centres d’alerte doivent être associés des plans de prévention des risques et de secours spécialisés.
En France, les pouvoirs publics et le gouvernement ont chargé le CEA, en collaboration avec le CNRS et le SHOM, de surveiller les côtes françaises. Ils ont pour cela créé le CENALT : Centre d’alerte aux tsunamis. Le CENALT est opérationnel depuis 2012. Il a pour mission d'alerter la sécurité civile en cas de danger détecté en Méditerranée occidentale ou dans l’Atlantique nord-est. Toutes les principales régions exposées sont surveillées. Dans le périmètre méditerranéen, une des failles les plus dangereuses est proche des côtes algériennes. Les chercheurs ont évalué le temps de propagation de la côte algérienne à la côte française à un peu plus d’une heure. En complément de l’alerte en temps réel, il est primordial de mener une étude des zones à risque.
Tous ces réseaux de surveillance et ces centres d’alerte sont inutiles si les autorités et la population ne savent pas comment réagir en cas d’alerte. Il faut donc y associer les
plans de prévention des risques (PPR)
et les plans de secours spécialisés (PSS) et organiser régulièrement des exercices d’alerte et de mise à l’abri, comme actuellement en Polynésie française, au Japon, aux États-Unis et au Chili.
Modélisation de la propagation du tsunami en 2004 dans l'Océan Indien © DR