Dans un contexte de transition énergétique et d'incertitude sur la stabilité des prix de l'énergie, l'amélioration de l'efficacité énergétique des procédés industriels est un enjeu crucial pour la décarbonation de l'industrie ainsi que pour sa compétitivité. Cette démarche vise à réduire à production équivalente la consommation d'énergie, et de ce fait les coûts et les émissions de CO2 associés. En France, la
chaleur représente entre
40 et 45 % de la consommation finale d'énergie, soit environ 750 TWh (contre près de 450 TWh pour l'électricité), dont 30 % alimente des procédés industriels.
Un tiers de cette chaleur est
perdue sous forme de chaleur fatale. Une des pistes pour valoriser cette énergie réside dans son captage, puis dans sa restitution prioritairement à l'échelle du même procédé, pour des raisons exergétiques*, en intercalant généralement une phase de stockage pour compenser l'intermittence entre le besoin et la récupération.
L'industrie agroalimentaire est particulièrement concernée par cette problématique, générant à elle seule
30 % de la chaleur fatale industrielle, notamment par l'intermédiaire de procédés tels que la stérilisation. Ces procédés, souvent en batch, impliquent au cours d'un cycle l'enchaînement d'une phase de chauffe, de maintien en température, puis de refroidissement, nécessitant des apports énergétiques importants pour monter et descendre en température.
Une solution est de
récupérer la chaleur lors de la phase de refroidissement, de la stocker en limitant sa dégradation (i.e. la destruction d'exergie), puis de la
restituer lors du cycle de chauffe suivant, directement au sein du procédé. Un des bénéfices supplémentaires de cette approche est la
diminution des besoins en eau du procédé, directement (ex : vapeur injectée pour la chauffe) ou indirectement (ex : eau pour le refroidissement via les TAR** humides).
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Schématisation de la solution de récupération/valorisation de la chaleur perdue dans un procédé batch
Depuis plusieurs années, le CEA-Liten est engagé dans cette thématique de recherche, qui s'inscrit pleinement dans ses missions de décarbonation de l'industrie et de soutien à l'emploi industriel. Fort de son
expertise en ingénierie thermique, acquise initialement dans le domaine nucléaire et développée depuis 20 ans pour l'industrie et les territoires, l'institut dispose d'une
plateforme d'essais expérimentale et d'une équipe pluridisciplinaire capable d'accompagner ses partenaires de la conception de solutions techniques innovantes jusqu'au transfert de savoir-faire, préalablement consolidés par des étapes de modélisation numérique, de caractérisation expérimentale et d'évaluation des optimums technico-économiques et environnementaux.
Dans le cadre d'un projet financé par l'ADEME en 2020, les chercheurs du CEA-Liten ont breveté une
solution innovante de valorisation et de stockage de la chaleur fatale pour les procédés batch de stérilisation des produits alimentaires et pharmaceutiques. Cette solution innovante et compacte, permet de
réduire de plus d'un tiers la consommation d'énergie primaire, souvent du gaz, en se connectant en parallèle des utilités vapeur et eau de refroidissement, sans modifier les conditions de traitement des denrées (barèmes de stérilisation). Cette solution réduit également la demande en eau du procédé ainsi que la thermo-sensibilité de sa source froide à la température ambiante. Un nouveau projet est en cours de montage avec la société GOAVEC, un équipementier français du secteur agroalimentaire et cosmétique entre autres, pour réaliser des démonstrateurs à l'échelle industrielle, en vue d'une commercialisation future.
Cette démarche ne se limite pas au secteur agroalimentaire. Dans l'industrie pharmaceutique, une collaboration avec la
société ACTINI en Haute-Savoie porte sur la valorisation de la chaleur fatale des procédés batch de décontamination des effluents pharmaceutiques, permettant une réduction de plus de 50 % de la consommation de gaz et d'eau, tout en augmentant la productivité et la capacité de traitement du procédé.
Ces initiatives illustrent le potentiel de la valorisation de la chaleur fatale pour améliorer l'efficacité énergétique et réduire l'empreinte carbone dans divers secteurs industriels.
* En thermodynamique, l'exergie est une grandeur physique permettant de mesurer la qualité d'une énergie.
** Les tours aéroréfrigérantes ou TAR, aussi appelées tours de refroidissement, sont utilisées pour refroidir un liquide, généralement de l'eau, à l'aide d'un gaz, généralement l'air ambiant.