L’un des enjeux pour les gestionnaires de réseaux est d’assurer la stabilité du réseau électrique en utilisant le plus intelligemment et frugalement possible les outils à disposition. Différentes solutions entrent alors en jeu : systèmes incitatifs comme les heures pleines / heures creuses, solution de flexibilité comme l’effacement de la consommation de certaines industries ou le pilotage de charges programmables
Les Pompes À Chaleur (PAC) offrent un potentiel intéressant à activer pour l'autorégulation rapide de la consommation – phénomène important pour la stabilité du réseau – lors d'évènements sur le réseau électrique. RTE et le CEA ont mené des études pour confirmer ce potentiel, en vérifier la faisabilité et enfin l'évaluer expérimentalement.
Les consommations résidentielles étaient historiquement sensibles aux conditions de réseau (tension, fréquence). En effet ces charges avaient souvent un comportement résistif (chauffe-eau, fours électriques par exemple), ou fonctionnaient avec des moteurs (machines à laver). Avec l'utilisation grandissante de l'électronique de puissance et le développement de contrôles, cette sensibilité diminue. Or certains appareils de consommation courants peuvent réintroduire cette sensibilité, de manière contrôlée afin d'avoir un impact imperceptible pour le consommateur, et continuer à rendre un service important pour la stabilité et l'exploitation du réseau en temps réel.
Il s'agit là de participer à l'équilibre en puissance du réseau électrique à l'échelle de quelques secondes, en réagissant linéairement aux écarts de tension et de fréquence.
RTE et le CEA à l'INES évaluent ensemble depuis quelque temps déjà cette approche. Nous avons identifié les verrous technologiques ainsi que les appareils pertinents à cibler dans les bâtiments résidentiels et tertiaires.
Les Pompes À Chaleur (PAC) pour le chauffage de locaux ou d'eau sanitaire, ou la climatisation sont ressorties de cette analyse comme particulièrement intéressantes. Le parc installé en France devrait représenter environ 11 millions de PAC d'ici 2030 et ces dernières possèdent désormais très généralement un variateur de puissance comme actionneur de la modulation.
Dans l'étude de simulation à l'échelle du parc de PAC estimé dans toute la France, l'hypothèse retenue est que la PAC à vitesse variable en fonctionnement permet une baisse maximale de 50% de la puissance électrique consommée. C'est ce facteur de 50% qui est appliqué à chaque instant d'une année type pour évaluer le potentiel de modulation au niveau régional et national.
Les études réalisées ont permis de confirmer l'intérêt d'envisager l'introduction de la modulation sensible à l'état du réseau local dans les PACs comme levier d'autorégulation rapide de la consommation, lors d'évènements sur le réseau électrique causant des déviations de fréquence nominale ou tension nominale, pour essayer d'éviter d'atteindre les seuils de délestage.
Les capacités de modulation sensible au réseau, pour des PAC utilisées pour le chauffage/climatisation, sont estimées en simulation à l'échelle nationale à un maximum de baisse de l'ordre de -11GW en début de matinée en hiver et -7,5GW en fin d'après-midi en été, et un minimum de -500MW en fin d'après-midi en intersaison et en été. Auxquelles peuvent s'ajouter -600 MW pour les PAC destinées au chauffage de stock d'eau chaude sanitaire, les Chauffe-Eau Thermodynamiques (CET), en supposant un démarrage simultané de chauffe en milieu de journée.
Le projet s'est ensuite poursuivi avec une collaboration étendue à des fabricants de pompes à chaleur. Elle a permis de vérifier expérimentalement la faisabilité technique de réintroduire une sensibilité artificiellement, par programmation logicielle, dans 3 pompes à chaleur représentatives du parc européen et d'évaluer la sensibilité ainsi obtenue dans divers scenarii réalistes en termes de conditions du réseau électrique mesurées par les équipements au point de connexion, et de thermique aux bornes de la pompe à chaleur.
L'expérimentation réalisée sur 3 modèles de PAC a permis de démontrer la faisabilité technique, l'intérêt de la solution pour apporter une contribution à la stabilité du réseau électrique, et ce sans effet sensible sur le confort de l'usager dans la plupart des scenarii.
Ces résultats ont été portés à l'attention des associations professionnelles européennes des PAC (EHPA et EHI) et des gestionnaires de réseaux électriques (ENTSOE), ainsi qu'à l'instance européenne de coordination du réseau électrique européen ACER pour accompagner l'implémentation de ce type de solutions.
Lien vers la publication :
https://cea.hal.science/cea-04738538
légende : réponse dynamique théorique/mesurée des PAC testées lors
d’une forte chute de fréquence du réseau
légende : vue d’une partie de l’expérimentation - crédit CEA.