Sera-t-il possible un jour de recycler le platine des piles à combustible et de le réutiliser dans d'autres piles, pour construire une boucle fermée ? L'enjeu est de taille : la production mondiale de platine, matériau cher et critique, est concentrée à 90% en Afrique du Sud et en Russie. Les résultats du projet européen Best4Hy, dont le CEA-Liten pilotait un
Work Package, montrent que la voie mérite d'être explorée.
Les chercheurs ont synthétisé des catalyseurs platine/carbone à partir de sels de platine issus du recyclage d'Assemblages Membrane Électrode (AME) vieillis plusieurs milliers d'heures en stack. Puis ils ont intégré ces catalyseurs dans des AME pour évaluation en monocellule de 25 cm2 et en empilement de cellules industrielles de 190 cm2.
Stack de 190 cm2 : 89 à 95% des performances commerciales
« Au cours de ce projet, nous avions déjà caractérisé des précurseurs de sels de platine recyclés, puis qualifié un procédé de synthèse de catalyseur, la réduction par voie polyol, qui nous a fourni un catalyseur de caractéristiques proches des produits du commerce, décrit Christine Nayoze-Coynel, responsable de ce Work Package.
Avec la formulation des encres, leur intégration en AME et les essais en pile, nous avons finalisé une boucle fermée en platine, avec des résultats en performance largement au-delà de nos objectifs. »
Sur pile à combustible monocellule de 25 cm2, les performances obtenues se situent entre 99 et 102 % de celles de l'AME de référence du projet, fabriqué à partir de composants commerciaux. C'est très supérieur à l'objectif initial, qui était à 80%. Sur empilement de cellules (ou short stack) industrielles 190 cm2 conforme au design de la société allemande Ekpo, les performances d'un test de 200 heures fluctuent entre 89 et 95 % de celles d'AMEs commerciaux d'un stack Ekpo. La faisabilité d'intégration dans des designs représentatifs de stack industriels a donc été démontrée.
« Ces chiffres ont été obtenus avec des encres dont le catalyseur était intégralement issu de sels de platine recyclés, ajoute Christine Nayoze-Coynel.
Nous pensions qu'il faudrait incorporer une fraction de catalyseur commercial pour obtenir des niveaux de performance probants. Cela n'a pas été nécessaire, preuve de la qualité du travail des équipes et de l'intérêt du recyclage. »
Des leviers d'amélioration à exploiter
Plusieurs pistes s'ouvrent aux chercheurs pour viser des performances encore supérieures. Par exemple, fiabiliser la qualité des sels de platine recyclés. Cela peut impacter favorablement la synthèse par réduction polyol du catalyseur, pour gagner en reproductibilité et augmenter la charge en platine déposée sur le carbone. Autre exemple, optimiser la formulation des encres, un savant travail de dosage entre catalyseur, liant et solvant.
De même, Christine Nayoze-Coynel estime que des améliorations sont possibles pour l'étape d'enduction grande surface, quand les encres sont déposées sur la membrane électrolyte. Il faudra aussi évaluer ces catalyseurs à base de sels de platine recyclés sur d'autres types de piles et conditions opératoires.
Credit F. Ardito