Depuis le 21 novembre 2018, la première expérience mondiale de caractérisation par diffraction des rayons X (DRX) d’un échantillon massif de combustible d’oxyde d’uranium irradié 5 ans dans un réacteur de la centrale EDF de Gravelines est menée avec succès sur la ligne de lumière MARS du synchrotron SOLEIL. L’objet analysé est un échantillon de combustible UO2 de quelques milligrammes , d’une épaisseur moyenne de 50 µm. Il représente une section transverse complète d’un crayon de combustible nucléaire tel qu’il est exploité dans les réacteurs à eau pressurisée français : UO2 enrichi à 4,48 % en 235U irradié en réacteur et refroidi pendant 23 ans. Jusqu’à présent, les équipements existants de par le monde ne permettaient d’étudier que quelques grains de poudre.
Les résultats permettront d’accéder à des informations particulièrement fines sur l’organisation structurale et microstructurale du combustible et l’évolution locale de cette organisation au sein même d’une pastille. De telles caractérisations contribueront à identifier les mécanismes physiques en jeu au sein du combustible afin de les prendre en compte dans la modélisation, et ainsi, de mieux prédire l’évolution de son comportement sous irradiation.
Cette caractérisation par diffraction X sur synchrotron d’échantillon massif de combustible, très irradiant et contaminant fait de cette expérience une première mondiale.
Une ligne de lumière adaptée à la réception de matériaux irradiants
Ce succès est le fruit d’une collaboration entre les équipes du CEA à Cadarache (13) et à Saclay (91) et du Synchrotron SOLEIL (91). Pour répondre à ses besoins, le CEA souhaitait, dès les années 2000, pouvoir bénéficier d’une ligne de lumière « chaude » sur un synchrotron susceptible de recevoir des matériaux irradiants et contaminants. Depuis la construction du synchrotron, les équipes du CEA et de SOLEIL ont investi et travaillé de concert pour construire et adapter les équipements de la ligne de lumière MARS (« Multi-Analyses on Radioactive Samples »).
De nombreuses étapes étaient à franchir pour atteindre cet objectif :
conception de blindages sur mesure autour du poste d’analyse de DRX ;
réalisation d’un porte-échantillon compatible avec le poste d’analyse de DRX de la ligne MARS ;
- conception d’une protection biologique mobile pour transporter et permettre l’accostage de l’échantillon radioactif sur le poste d’analyse de la ligne MARS sans que les utilisateurs ne soient exposés aux radiations ;
- préparation d’un échantillon massif de combustible selon les spécifications requises ;
- obtention de l’autorisation de l’Autorité de Sûreté Nucléaire ;
- sortie de cet échantillon massif du laboratoire chaud (LECA-STAR) en respectant les critères de propreté radiologique.
Photo du dispositif d’analyse de l’échantillon © CEA/SOLEIL
- On appelle « lignes de lumière » les laboratoires des installations synchrotron. Le synchrotron SOLEIL compte 29 lignes de lumière.
- Jusqu’à présent, les équipements existants de par le monde ne permettent d’étudier que quelques grains de poudre. Un échantillon de quelques milligrammes constitue donc un échantillon massif pour les chercheurs.
De la diffraction X à la spectroscopie d’absorption X
La ligne MARS possède également un poste d’analyse par spectroscopie d’absorption des rayons X que le CEA et SOLEIL adaptent également pour recevoir des échantillons irradiants. À terme, SOLEIL, avec sa ligne MARS, sera le seul synchrotron au monde à posséder ces capacités pour la communauté scientifique des matériaux du nucléaire, parmi laquelle les équipes du CEA, qui auront un accès privilégié à la ligne MARS du fait des investissements réalisés dans ces équipements.
L’échantillon est préparé à partir d’un crayon de combustible (1 cm de diamètre / 4 mètres de long, schéma à gauche), les chercheurs ont réalisé une tranche du combustible (milieu) et diverses opérations de préparation pour arriver à une lamelle de quelques milligrammes, d’une épaisseur de 50 µm et une largeur de 1 mm. © CEA