Les cristaux sont des matériaux couramment employés dans la vie quotidienne, comme par exemple les métaux. Connus pour une organisation atomique quasi parfaite, les cristaux contiennent toujours des imperfections, appelées défauts. La concentration et la morphologie de ces défauts cristallins influencent directement les propriétés des matériaux. Mieux appréhender les défauts et leur évolution aide donc à mieux prévoir les modifications de comportement du matériau avec le temps. Connaître cette évolution est particulièrement crucial pour dimensionner au mieux les installations qui subissent un environnement sévère, par exemple une irradiation.
Aujourd’hui, la science des matériaux moderne sait simuler l’apparition et l’évolution de défauts dans un solide cristallin au moyen de simulations numériques à très grande échelle. Cependant, l’immense flux de données générées rend l’interprétation de ces expériences numériques très complexe. Les travaux de chercheurs du CEA, dont les résultats viennent d’être publiés dans la revue Nature Communications le 17 septembre, proposent une démarche innovante et universelle pour surmonter cette difficulté. Cette nouvelle approche est en effet la première à pouvoir s’appliquer à l’ensemble des matériaux à structure cristalline. En offrant une vision continue d’un défaut et de son environnement, elle facilite la description de processus physiques complexes, comme la migration de défauts sous irradiation.
En s’appuyant sur les méthodes de l’intelligence artificielle, ces chercheurs de la direction des énergies et de la direction des applications militaires du CEA, ont mis au point un algorithme qui décrit les distorsions des environnements atomiques locaux occasionnés par les défauts présents dans le matériau. Cette grandeur facilite la localisation automatique des défauts et leur description « hiérarchisée », ce qui permet de distinguer des zones différemment affectées au sein de la structure cristalline.
Cette représentation périodique (un « motif » reproduit à l’infini) montre le niveau de distorsion atteint au sein de la structure cubique centrée du fer par l’insertion de dislocations vis. Les atomes sont colorés en fonction du degré de distorsion atteint : les zones impactées par le champ élastique sont représentées en couleurs sombres. © CEA
Les résultats de cette étude laissent entrevoir des développements très prometteurs pour l’ensemble de la communauté de la science des matériaux. Ces outils numériques conduiront à l’interprétation automatique de grands jeux de données, fournies par exemple par des techniques expérimentales telles que la sonde atomique tomographique, la microscopie électronique en transmission ou le rayonnement synchrotron, méthodes d’ores et déjà utilisées pour sonder la matière. Ces développements peuvent de plus être déployés à d’autres domaines comme la chimie, la biologie ou la médecine, par exemple dans la détection de défauts cellulaires qui caractérisent l’apparition d’un cancer.