Les sursauts gamma constituent les phénomènes les plus énergétiques de l'Univers : ils résultent des plus lointaines explosions d'étoiles massives mais également de la fusion d'objets compacts comme les étoiles à neutrons. D'une durée très fugace, parfois quelques millièmes de secondes, ces éclairs proviennent d'une libération colossale d'énergie, équivalente à celle générée par le Soleil durant toute sa vie. Certains sursauts gamma sont soupçonnés survenir lorsque deux étoiles à neutrons, ou une étoile à neutrons et un trou noir, gravitent l'un autour de l'autre, avant de se rapprocher et de fusionner. D'autres sont liés à la mort soudaine d'étoiles très massives au sein de galaxies lointaines. Cette lumière a parfois été émise alors que l'Univers avait moins d'un milliard d'années. Dès lors, avant d'arriver jusqu'à nous, la lumière de ces astres traverse plusieurs milliards d'années-lumière et se charge ainsi de l'empreinte des multiples époques de notre Univers. Etudier les sursauts gamma contribue ainsi à mieux comprendre la formation de notre Univers.
La fugacité des sursauts gamma rend leur observation très complexe. Au cours de l'explosion, cette brève et intense lueur gamma est suivie en général par une émission de rayons X ainsi que par un rayonnement de lumière visible qui peuvent être observés pendant quelques jours. Pour détecter, localiser et étudier avec efficacité tous ces phénomènes, SVOM (Space-based multi-band astronomical Variable Objects Monitor), possède quatre instruments : deux chinois (GRM et VT) et deux conçus et réalisés par la France :
- ECLAIRs, un télescope X et gamma à grand champ de vue pour détecter et localiser les sursauts gamma dans la bande des rayons X et des rayons gamma de basse énergie. Ce télescope à grand champ couvre un sixième de l'ensemble de la voûte céleste. Il détectera les sursauts gamma et fournira leur position avec une précision d'une dizaine de minutes d'arc, équivalente au tiers du diamètre apparent de la Lune. Le télescope ECLAIRs est développé sous maîtrise d'œuvre du CNES avec des laboratoires français sous tutelles du CEA, du CNRS et de ses partenaires, notamment l'Institut de recherche en astrophysique et planétologie (CNES/CNRS/Université Toulouse III - Paul Sabatier), l'Institut de recherche sur les lois fondamentales de l'Univers (CEA) et le laboratoire « Astroparticule et cosmologie » (CNRS/Université Paris Cité).
- MXT, un télescope sensible aux rayons X de basse énergie pour l'observation des sursauts gamma. Avec son petit champ de vue (57x57 minutes d'arc), il détectera l'émission rémanente des sursauts gamma et en fournira la position sur la voûte céleste avec une précision supérieure à 30 secondes d'arc (soit le diamètre apparent de Jupiter) dans 50% des cas. Il est développé sous maîtrise d'œuvre du CNES, avec le CEA et le CNRS à travers, notamment, le Laboratoire de physique des deux infinis – Irène Joliot-Curie (CNRS/ Université Paris-Saclay)[1]. L'Observatoire de Strasbourg a également contribué à son développement, en particulier pour l'outil de traitement de données du télescope et les bancs de simulation pour les pipelines scientifiques.
Concrètement, quand un sursaut gamma sera détecté par ECLAIRs, le satellite se réorientera en quelques minutes pour viser précisément la zone de l'événement localisé et permettre ainsi aux instruments ayant un champ de vue étroit, notamment MXT, d'observer à leur tour ce sursaut. L'information liée au positionnement du sursaut gamma sur la voûte céleste sera également transmise au sol en moins d'une minute, grâce à un réseau d'antennes déployé tout autour de l'équateur et des tropiques, jusqu'à deux centres de veille établis en France et en Chine. Ces derniers pourront alors lancer des investigations complémentaires et le cas échéant alerter les grands télescopes terrestres afin qu'ils puissent à leur tour s'orienter vers la zone du ciel et observer le sursaut gamma.
Pour compléter les observations faites depuis l'espace, les scientifiques de la mission SVOM disposent d'une panoplie d'instruments d'observation terrestres dédiés au projet. L'une des pièces maîtresses de ce dispositif est le télescope robotique COLIBRI spécialement développé pour l'occasion et fruit d'une collaboration étroite entre la France, où le CNRS, l'Université d'Aix-Marseille et le CNES ont joué un rôle essentiel, et le Mexique (UNAM et CONACHyT). Ce télescope offre des performances uniques en termes de sensibilité, rapidité et couverture spectrale qui le rendent unique au niveau mondial. C'est cette synergie étroite entre le sol et l'espace, couplée au caractère multi-longueurs d'ondes des observations, qui constitue la grande prouesse scientifique et technique de la mission SVOM.
La mission, le lancement, le satellite et les opérations de la mission SVOM sont sous responsabilité chinoise. La conception et la réalisation des instruments et des composantes sol sont partagées entre la Chine et la France. Le CNES est le responsable programmatique de la mission et le responsable technique du projet, maitre d'œuvre des instruments ECLAIRs et MXT, en partenariat avec les laboratoires du CEA, du CNRS et de leurs partenaires qui assurent en outre la responsabilité scientifique du projet.
Philippe Baptiste, président-directeur général du CNES, commente :
« La participation essentielle du CNES à la mission SVOM avec les deux instruments innovants témoigne une nouvelle fois de la force de notre collaboration internationale pour mener à bien des découvertes scientifiques de grande ampleur. Cette mission nous permettra de recueillir des données très précieuses sur les explosions d'étoiles les plus puissantes de notre Univers et ainsi de mieux comprendre sa formation. »
Antoine Petit, président-directeur général du CNRS, indique :
«Je tiens à féliciter les femmes et les hommes, impliqués dans la réalisation de cette mission, en particulier les ingénieurs et les chercheurs des laboratoires du CNRS et de ses partenaires, qui ont œuvré à cette réussite. Le lancement de SVOM dote nos scientifiques d’un observatoire absolument inédit qui sera capable de sonder les phénomènes les plus violents de l’Univers.»
François Jacq, administrateur général du CEA, déclare :
« Le CEA est très fier de contribuer à ce projet spatial en apportant son savoir-faire en terme de conception, d’intégration et de qualification des instruments spatiaux ainsi qu’en portant la responsabilité scientifique de la mission pour la France. Nous avons hâte de recevoir et analyser les premières alertes de SVOM à l’automne, qui vont ouvrir une nouvelle fenêtre sur le moteur des objets les plus énergétiques de l’univers. C’est aussi un magnifique exemple de science ouverte, avec un partage instantané des données avec la communauté scientifique internationale. »
[1]Ont été également impliqués le laboratoire Astrophysique instrumentation et modélisation (CNRS/CEA/Université Paris Cité), l'Institut d'astrophysique de Paris (CNRS/Sorbonne Université), le Laboratoire d'astrophysique de Marseille (CNRS/CNES/Aix-Marseille Université), l'Observatoire astronomique de Strasbourg (CNRS/Université de Strasbourg), le Centre de physique des particules de Marseille (CNRS/Aix-Marseille Université), le laboratoire Galaxies, étoiles, physique et instrumentation (Observatoire de Paris – PSL/CNRS), le Laboratoire Univers et particules de Montpellier (CNRS/Université de Montpellier).