Une étude menée conjointement par le
Laboratoire des sciences du climat et de l'environnement (CEA/CNRS/UVSQ)
et le National Oceanography Centre (Southampton, UK), vient de montrer
que la biomasse des organismes peuplant les grands fonds océaniques
déclinera au cours de ce siècle de près de 38% dans l'Atlantique Nord et
d'environ 5% à l'échelle de l'océan global. Cette diminution s'explique
par une réduction des apports de nourriture depuis la surface de
l'océan. Ces réductions de biomasse touchent notamment des régions de
forte biodiversité comme certains canyons et monts sous-marins. Il est à
craindre que ces changements ne bouleversent le fonctionnement de ces
écosystèmes marins.
Cette étude repose sur
la dernière génération de modèles du climat, en particulier celui
développé à l'Institut Pierre-Simon Laplace, pour évaluer les
altérations du transport de nourriture depuis la surface vers le fond
des océans. Des projections issues de simulations climatiques ont été
combinées à des relations empiriques entre apports de nourriture et
biomasse des fonds océaniques pour estimer l’évolution de cette
biomasse.
De nombreuses études climatiques
suggèrent un ralentissement de la circulation océanique à grande échelle
et une séparation accentuée entre les masses d'eaux de température ou
de salinité différentes – appelée stratification – en réponse à un
climat plus chaud et plus humide dans les hautes latitudes. Cette
interaction entre le réchauffement et la circulation océanique modifie
le cycle des sels nutritifs et conduit à une diminution des premiers
maillons de la chaîne alimentaire océanique. Les ressources nutritives,
constituées de résidus végétaux et animaux, qui chutent lentement au
travers la colonne d'eau de la surface vers le fond diminuent à leur
tour, affectant ensuite les organismes des grands fonds.
Les
modifications de la biomasse ne sont pas homogènes à travers l'océan
profond. Cependant les projections indiquent une diminution de la
biomasse pour la plupart des régions. Les réductions affecteront une
fraction supérieure à 80% des habitats clefs, tels que les récifs de
coraux profonds, les monts marins et les canyons. L'analyse suggère
également une diminution de la taille des organismes, ce qui pourrait
avoir des conséquences sur la pêche profonde et contribuera à accentuer
les effets d'une réduction des apports en nourriture.
Cette étude a été financée par le Natural Environment Research Council (NERC, UK). Elle fait partie du Marine Environmental Mapping Programme (MAREMAP). Elle a associé des chercheurs du National Oceanography Centre (UK), de Memorial University of Newfoundland (Canada), l’université de Tasmanie (Australie), et du Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement (LSCE/IPSL, CEA/CNRS/UVSQ) en France.
Distribution globale des changements de biomasse de la faune au fond de l'océan. Les changements sont exprimés en pourcentages calculés à partir de la variation des biomasses entre aujourd’hui et 2100, rapportée à la biomasse actuelle.