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Le déclin sans précédent du puits de carbone terrestre


En 2023, l'écosystème terrestre a perdu plus de la moitié de sa capacité d'absorption du CO2 atmosphérique. Cette conclusion d'une étude internationale associant le CEA soulève des incertitudes et inquiétudes quant à la stabilité future du climat. Elle appelle à la prise urgente de mesures.

Publié le 24 octobre 2024

​​Depuis quelques années, la communauté scientifique émet des réserves quant à la capacité des puits de carbone à absorber le CO2 atmosphérique dont les émissions et concentrations ne cessent d'augmenter. Une nouvelle étude internationale se penche sur la situation la plus récente qui soit, celle de l'année 2023, tristement réputée pour être la plus chaude jamais enregistrée.

Plusieurs équipes de recherche, dont celles du LSCE (CEA/CNRS/UVSQ), ont utilisé et analysé différentes sources de données : modèles de végétation dynamique, cartographie des émissions de feux de forêt par satellite, mesures du satellite OCO-2 et émulateurs de modèles océaniques basés sur l'intelligence artificielle. Leur conclusion est sans équivoque : en 2023, les puits de carbone terrestres mondiaux (forêts, sols, végétation) ont connu un déclin spectaculaire.

Précisément : sur la période de 2010 à 2022, le puits terrestre mondial a chuté d'environ 2,04 milliards de tonnes de carbone absorbé chaque année à entre 0,44 et 0,21 milliards de tonnes en 2023, soit une perte de capacité d'absorption de plus de la moitié en seulement un an. Les chercheurs en attribuent la cause à la chaleur extrême de 2023, à un El Niño modéré (phénomène climatique augmentant les températures) ainsi qu'aux incendies de forêt, surtout ceux du Canada.  Autre cause, la sécheresse en Amazonie a entraîné une perte supplémentaire de carbone absorbé.

Une tendance qui pourrait ne pas s'inverser de sitôt

« En 2023, l'accumulation de CO2 dans l'atmosphère est très élevée et cela se traduit par une absorption très, très faible par la biosphère terrestre », explique Philippe Ciais, climatologue du LSCE. « Dans l'hémisphère nord, qui réalise plus de la moitié de l'absorption du CO2, nous avons constaté cette tendance à la baisse depuis huit ans, poursuit-il. Et il n'y a aucune raison de penser que cela va s'inverser. »

En moyenne sur des décennies, l’absorption des émissions de CO2 dans l’atmosphère par les puits de carbone est de l’ordre de 50%, avec une forte variabilité dans le temps. ​Mais, en 2023, la capacité des continents est environ 80% plus faible que la moyenne. Certes, le puits océanique a légèrement augmenté de 0,10 GtC par an par rapport à 2022, principalement en raison de l'El Niño qui a réduit les émissions de CO2 dans l'océan Pacifique. Mais la réduction rapide du puits de carbone terrestre soulève inquiétudes et incertitudes quant à la stabilité future du climat.  

Les incertitudes tiennent notamment au fait que les prévisions climatiques peuvent ne pas tenir compte de tels changements soudains dans les puits de carbone. C'est le cas des modèles du Giec qui ne représentent pas encore les perturbations forestières comme les feux extrêmes qui sont ici identifiés comme une cause principale du déclin du puits terrestre. Cette étude est ainsi importante, par son analyse très détaillée de la situation, pour justement « nourrir » les modèles.

« Pour l'heure, notre collaboration souligne l'importance de renforcer les efforts mondiaux de séquestration du carbone. Elle appelle à la prise urgente de mesures pour protéger et améliorer les puits de carbone, tout en procédant à des réductions drastiques des émissions de combustibles fossiles. Il s'agit d'éviter une nouvelle déstabilisation du système climatique. »

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