Grâce à des méthodes et des instruments de pointe permettant de mesurer de très faibles concentrations de plutonium dans les sols, des chercheurs du Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement (LSCE, CEA/CNRS/Université de Versailles-St-Quentin-en-Yvelines) et leurs collègues du CEA/DAM et de l’Université de Tsukuba (Japon) ont pu montrer que la distribution spatiale des dépôts de plutonium dans les sols de Fukushima était globalement similaire à celle du radiocésium. Par contre, lorsque les sols de la région sont érodés par les puissants typhons auxquels le Japon est fréquemment exposé, le plutonium issu de la centrale accidentée de Fukushima est exporté préférentiellement par les rivières jusqu’à l’Océan Pacifique, car il est concentré à la surface des sols. Les traces infimes de plutonium issu des essais thermonucléaires des années 1960 ont, au contraire, été homogénéisées à travers l’ensemble de la couche labourée des rizières par les pratiques agricoles lors des dernières décennies.
Globalement, les concentrations de plutonium ont diminué de moitié dans les sédiments de rivière entre 2011 et 2014 (passant d’un maximum de 95 fg/g (fg = femtogramme, 10-15 gramme) à 45 fg/g). De plus, la contribution de plutonium issu de la centrale accidentée de Fukushima diminue passant d’un maximum de 30 % du plutonium contenu dans l’échantillon à un maximum de 10 %. Une baisse similaire est observée pour la contamination en radiocésium qui peut s’expliquer par l’érosion importante et l’export sédimentaire générés par les typhons, les glissements de terrain et les travaux de décontamination menés dans la région. Ces opérations consistent à décaper l’horizon superficiel des sols sur 5 cm, qui concentre 95 % à 99 % du radiocésium, et à l’entreposer au sein de sites de stockage temporaires.
La seule exception à cette baisse générale est observée à l’aval de la première zone de la région à avoir été décontaminée, pour laquelle on observe bien une très forte baisse des teneurs en radiocésium (jusqu’à 90 %) mais aussi une augmentation de la part du plutonium émis en 2011 passant de 12 à 39 %, ce qui reste inférieur à la contribution des essais de 1960. Ces résultats montrent qu'une fraction du plutonium peut être remobilisée par des processus différents de ceux qui gouvernent les transferts de radiocésium, et qu'il est probablement véhiculé par des microparticules transportées par des processus éoliens. Il convient désormais d’identifier et de caractériser ces microparticules au vu de la longue demi-vie de certains de ces isotopes et de leur rémanence potentielle dans l’environnement.
L’accident de la centrale de Fukushima Dai-ichi de mars 2011 a conduit à l’émission d’une quantité importante de radionucléides et à leur dépôt sur les sols du Nord-Est du Japon. En plus du radiocésium (134Cs et 137Cs) qui a été émis en abondance, des ultra-traces de plutonium ont été trouvées dans les sols et sédiments de la région. L’étude du plutonium est importante car le comportement de cet élément dans l’environnement peut différer notablement de celui du radiocésium. De plus, les périodes radioactives de la plupart des isotopes du plutonium (jusqu’à 376 000 ans) étant globalement plus longues que celles du radiocésium (jusqu’à 30 ans), le plutonium permet d’étudier le marquage environnemental de l’accident sur une durée plus importante.
Une première étude réalisée en 2014 (Evrard et al., 2014) a permis de montrer que les concentrations de plutonium dans les sols ou les sédiments de rivières de la région de Fukushima sont de l’ordre de quelques dizaines de femtogrammes par gramme d’échantillon. Ce plutonium provient de deux sources : (1) les essais thermonucléaires atmosphériques des années 1960 et (2) l’accident de Fukushima. Pour déterminer la contribution relative de ces deux sources de plutonium qui se trouve dans les sols et les sédiments de cette région du Japon, il faut analyser leur composition isotopique. Pour y parvenir, il est nécessaire de concentrer et purifier le plutonium des échantillons par des méthodes de séparation et purification radiochimiques, puis de réaliser des mesures isotopiques avec un spectromètre de masse par plasma à couplage inductif de haute sensibilité et équipé d’un dispositif de multi-collection des ions. Ces techniques sont maîtrisées par le Département Analyse, Surveillance, Environnement (DASE) de la Direction des Applications Militaires (DAM) du CEA sur le site de Bruyères-le-Châtel (Essonne).
Décontamination des rizières dans le village d’Iitate (Préfecture de Fukushima, Japon) © CEA
Ces résultats ont été obtenus dans le cadre du projet AMORAD (Amélioration des modèles de prévision de la dispersion et d’évaluation de l’impact des radionucléides au sein de l’environnement) financé par le programme des investissements d’avenir en radioprotection et sûreté nucléaire (projet ANR-11-RSNR-0002).