Le méthane est le troisième gaz à effet de serre [4] de l’atmosphère après la vapeur d’eau et le dioxyde de carbone (CO2). L’augmentation très rapide de ses émissions et des concentrations qui en résulte doit être mieux prise en compte dans les scénarios d’évolution du climat.
Après une période de stabilisation au début des années 2000, une nouvelle augmentation des concentrations de méthane est observée par les réseaux de mesures internationaux depuis 2007, avec une forte accélération depuis 2014.
Sur les différentes sources de méthane, l'étude révèle que :
- Émissions naturelles : Les différentes sources naturelles de méthane (zones inondées, lacs, réservoirs, termites, sources géologiques, hydrates, etc.) sont probablement surestimées.
- Émissions anthropiques, hors émissions de combustibles fossiles : Les activités humaines contribuent pour environ 60 % des émissions totales de méthane dans l’atmosphère, avec une dominance (36 %) des activités liées à l’agriculture (ruminants et culture du riz) et aux traitements des déchets (solides et liquides).
- Émissions fossiles : Le dégazage de méthane (formé il y a plus de 50000 ans) pourrait représenter jusqu‘à 30 % des émissions totales (bien que ce résultat soit encore discuté) avec la répartition suivante : 21 % dus à l’exploitation du charbon, du pétrole et du gaz et 9 % d’origine naturelle (dégazage géologique).
Une évolution des sources de méthane encore mal comprise
Les causes expliquant les variations des concentrations de méthane et cette brusque augmentation depuis 2007 restent très mal comprises. « Il se pourrait que cette hausse résulte d’une augmentation des émissions de méthane liées à l’agriculture. Cependant une augmentation des émissions associées à l’exploitation des énergies fossiles ne peut pas être exclue pour le moment. », précise Philippe Bousquet, professeur à l’UVSQ et co-auteur de l’étude au LSCE.
Une divergence avec les scénarios actuels du Giec
« Les scénarios d’émissions étudiés par les climatologues dans les simulations numériques du climat futur, notamment dans l’objectif de rester sous la barre des 2 degrés de réchauffement climatique global, doivent prendre en compte les émissions de méthane », rappelle Philippe Bousquet. « D’après notre étude, l’évolution actuelle des concentrations de méthane atmosphérique n’est reproduite dans aucun scénario climatique imaginé pour le dernier rapport du Giec : trois sont trop optimistes et le dernier est un peu trop pessimiste4. Il sera donc utile de revoir ces scénarios pour le prochain exercice du Giec. »Acquérir une vision globale du « bilan méthane » de l’atmosphère
Le Global Carbon Project est un projet du International Geosphere Biosphere Programme et Future Earth, qui a pour objectif d’encourager la coopération internationale dans la recherche sur le cycle du carbone. Il produit notamment un rapport annuel comprenant les chiffres des échanges de carbone qui résulte de l’activité humaine, ainsi que leur distribution dans l’environnement. Chaque année, l’ensemble des données est accessible sur le Global Carbon Atlas grâce au soutien notamment de la Fondation BNP Paribas. Disponible en cinq langues (anglais, français, espagnol, chinois et russe) à l’adresse
www.globalcarbonatlas.org« Ce bilan expose l’ensemble des connaissances actuelles sur chacune des sources du méthane, de la plus grande (les zones humides) à la plus petite (comme les hydrates). Il a fait appel aux contributions de plus de 70 collaborateurs, ce qui est rare mais nécessaire car pour traiter complètement le bilan du méthane, il faut intégrer un grand nombre de spécialités scientifiques, eu égard à la grande variété de sources d’émissions de méthane », précise Marielle Saunois, enseignant-chercheur à l’UVSQ et coordinatrice de l’étude.
Selon Marielle Saunois, « il est impératif de continuer les efforts de quantification du bilan mondial du méthane, avec des mises à jour régulières comme pour le dioxyde de carbone car la diminution des émissions de méthane peut être rapidement bénéfique pour le climat [4]. Si on veut rester sous la barre des 2°C, il ne faut pas se contenter de limiter les émissions de dioxyde de carbone, il faut aussi réduire celles de méthane.»
Bilan des flux de méthane dans l'atmosphère © Global carbon project
L'étude a été pilotée par le Laboratoire des sciences du climat et de l'environnement (LSCE) en France, unité mixte de recherche CEA-CNRS-UVSQ, dans le cadre du Global Carbon Project. L’intégralité des données est publiée le 12 décembre sur le Global Carbon Atlas :
www.globalcarbonatlas.org(1) Deux chercheurs CNRS du Laboratoire de météorologie dynamique (LMD, CNRS/Ecole Polytechnique/UPMC/ENS) et du Lerma (CNRS/Observatoire de Paris/UPMC/ENS/Univ de Cergy Pontoise) ont collaboré à cette étude. Le LSCE, le LMD et l’équipe de Catherine Prigent au Lerma font partie de l’Institut Pierre-Simon Laplace.
(2) On parle de puits dès lors qu’il y a destruction par réaction chimique dans l’atmosphère ou piégeage dans le sol.
(3) Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat
(4) La durée de vie du méthane dans l’atmosphère est plus courte que celle du CO2 mais l’effet de serre exercé par le méthane est 28 fois plus élevé que celui du CO2 (sur un horizon de 100 ans).
(5) RCP 8.5 correspond à un forçage radiatif de 8.5 Wm-2 et à une augmentation de la température de plus de 4°C en 2100 RCP (Representative Concentration Pathway) désigne les scénarios du Giec.