La chaleur : un secteur énergivore
La consommation de chaleur des secteurs
tertiaire (bâtiments des entreprises) et
résidentiel (chauffage et sanitaire) représente
445 TWh* thermiques par an (370 TWh pour le chauffage et 75 TWh pour l’eau chaude sanitaire) pour la France métropolitaine. Même si les vecteurs énergétiques électricité et chaleur ne sont pas directement comparables**, la consommation électrique est du même ordre (480 TWh électriques).
*le Wh est une unité de mesure d'énergie qui correspond à la quantité produite ou consommée en une heure par une machine d’une puissance d'un watt. 1 TWh correspond à mille milliards de Wh.
** A titre d’exemple, à partir d’un 1 kWh d’énergie électrique et d’une pompe à chaleur on pourrait produire 3 kWh d’énergie thermique. L’inverse n’est pas vrai.
La production de chaleur est à plus de 50 % d’origine fossile
Plus de la moitié des énergies utilisées pour produire de la chaleur sont des
combustibles fossiles (gaz et fuel majoritairement). Contrairement à une idée reçue, seuls
19 % de cette production de chaleur a été produite à partir d’électricité en 2020.
Répartition de la consommation de chauffage en France par source, eau chaude sanitaire (ESC) comprise (2020) :
Décarboner la production de chaleur
Le 4 avril dernier, le
GIEC a de nouveau rappelé l’urgence de
réduire drastiquement l’émission des gaz à effet de serre provoquée notamment par l’usage des énergies fossiles. Pour ce faire et atteindre ainsi les objectifs de neutralité carbone à horizon 2050, la décarbonation de la production de chaleur s’avère indispensable. Comment ?
Remplacer les énergies fossiles par des solutions décarbonées de production de chaleur
On peut tout d’abord remplacer les énergies fossiles servant à produire la chaleur par :
- de l’électricité décarbonée (c’est-à-dire produite par des énergies bas carbone, nucléaire et renouvelables). «
Si l’on reporte toute la production de chaleur sur l’électricité, la consommation hivernale pourrait fortement augmenter. Pour pouvoir gérer cette intermittence saisonnière, le système électrique doit être pilotable et flexible pour pouvoir produire plus d’énergie en hiver qu’en été. Cette gestion saisonnière est aujourd’hui rendue possible en France grâce au nucléaire et aux arrêts planifiés des tranches (arrêt de la production d'un réacteur dans une centrale nucléaire) pour maintenance », indique Arthur Clerjon ;
- l’électrification du chauffage et du couplage avec des pompes à chaleur (PAC), qui permet de faire de véritables économies d’énergie ;
- de
la biomasse, en évitant d’en épuiser les réserves et de générer des émissions de particules dans les zones à forte densité de population ;
- le
solaire thermique, technologie convertissant l’énergie solaire en chaleur, peu développée encore en France ;
- les
carburants de synthèse, à condition de ne pas provoquer des compétitions d’usage, ces carburants étant destinés prioritairement à la mobilité et plus particulièrement au secteur aérien.
Développer des réseaux de chaleur
De nombreux sites industriels ou incinérateurs de déchets produisent indirectement de la chaleur, appelée chaleur fatale, qui est souvent perdue et très peu valorisée. Afin de récupérer cette chaleur fatale, il faut disposer d’un réseau de transport pour acheminer la chaleur des zones de production,
souvent en périphérie des villes, vers les consommateurs. Ce sont ce qu’on appelle
les réseaux de chaleur et il y en a actuellement près de 800 en France, sur des sites industriuels mais également dans des villes comme Paris, Grenoble ou encore Metz. L’énergie délivrée par les réseaux de chaleur est amenée à croître rapidement, comme mentionné dans les objectifs de la la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE).
Stocker la chaleur
Avec le développement des réseaux de chaleur urbains, les stockages de chaleur peuvent également être développés,
comme à Vojëns, au Danemark, où l’on trouve un système de stockage en fosse. Ce type de
stockage saisonnier permet par exemple de stocker un excédent de production venant du solaire thermique ou de l’électricité abondante en été, afin de le consommer en hiver.
Sobriété : rénover et raisonner sa consommation de chaleur
Des actions à l’échelle du citoyen sont aussi préconisées, avec une
consommation plus raisonnée et plus sobre. «
Sans sobriété et modifications des comportements, un effet rebond*** est à craindre : plutôt que réduire la consommation d’énergie, le gain d’efficacité énergétique pourrait au contraire entraîner une surconsommation », souligne Arthur Clerjon.
***Ce terme économique désigne une tendance chez les usagers à augmenter leur consommation d’une innovation destinée initialement à être moins gourmande en énergies et en matières premières que d’autres biens ou usages. Résultat, en surconsommant cette innovation, un effet rebond apparaît, entraînant alors l’effet inverse de celui escompté.
Les contributions du CEA à la décarbonation de la production de chaleur
Pour améliorer l’efficacité énergétique de la production de chaleur et contribuer ainsi à sa décarbonation, le CEA travaille sur l’optimisation du pilotage des réseaux de chaleur afin que ceux-ci soient plus flexibles, locaux et adaptables aux variations de l’offre et de la demande. Le CEA a notamment contribué à un outil de pilotage, DistrictLab-H, permettant une gestion plus efficiente de la production des réseaux de chaleur des villes de Metz et de Grenoble. Le CEA travaille également sur des systèmes de stockage plus flexibles.