Dans un contexte marqué par la place grandissante des systèmes et objets intelligents (pour la mobilité, l’énergie, le manufacturing, les communications…) ainsi qu’aux données (qu’elles soient issues de l’industrie ou du monde académique) et encore accrue avec la crise sanitaire, le CEA entend contribuer à une transition numérique préservant les intérêts stratégiques, économiques et de souveraineté de la France et répondant aux préoccupations sociétales comme aux besoins scientifiques et industriels.
La révolution industrielle du XIXe siècle a profondément changé la société de l’époque ; la transformation numérique, et l’évolution des usages qu’elle engendre, bouleverse la nôtre depuis les années 2000. Cette transformation s’est même accélérée avec la crise sanitaire et les trois confinements que nous avons connus, marqués par un recours massif aux technologies numériques qui est appelé à se pérenniser. Et des sujets, comme l’accessibilité des réseaux et des équipements, la consommation d’énergie et l’impact environnemental lié aux pratiques numériques, et de façon plus globale la vulnérabilité des systèmes, sont devenus majeurs. Le numérique de puissance (calcul haute performance, traitement de données massives) est depuis de nombreuses années un « outil » indispensable à la réalisation d’un nombre grandissant de programmes du CEA.
Dans sa mission de soutien technologique à l’innovation industrielle, le CEA dispose d’un éventail unique de compétences répondant aux différents enjeux de cette transformation. Irrigués par des recherches fondamentales d’excellence, bénéficiant de plateformes technologiques innovantes, le tout couplé à une culture entrepreneuriale et industrielle forte, ses travaux, portés par plus de 3 000 collaborateurs, couvrent l’ensemble de la chaîne de valeur du numérique : depuis la conception de composants les plus avancés, y compris à l’échelle nanométrique, jusqu’à la mise au point de solutions numériques globales (matérielles et logicielles) intégrant une approche en cybersécurité. Afin de renforcer sa capacité à répondre toujours plus efficacement aux besoins de la société, le CEA a initié, en mars 2020, un exercice de prospective sur ses activités, qui a mobilisé plus de 200 experts issus de l’ensemble de ses directions opérationnelles. Ses conclusions sont attendues courant 2021.
L’activité des équipes du CEA, principalement à la Direction de la recherche technologique et la Direction de la recherche fondamentale, concerne à la fois la R&D sur les différentes technologies numériques, qu'elles soient matérielles ou logicielles, ainsi qu’en amont des recherches plus fondamentales. Trois grands sujets sont ainsi couverts : la microélectronique (matériels), les systèmes numériques (logiciels) et la cybersécurité pour assurer leur protection et leur intégrité (composants comme systèmes).
Microélectronique
En microélectronique, où le CEA s’est investi dès l’origine par ses recherches sur l’atome, des travaux sont menés à la fois sur la conception de circuits intégrés et de dispositifs (objets communicants, imageurs…). Ils concernent également les nanosciences et l’ingénierie quantique explorés autour de deux axes : d’une part, la nano-physique avec l’objectif de maîtriser et manipuler des phénomènes de nature quantique pour en obtenir de nouvelles propriétés fonctionnelles, d’autre part la synthèse, la modélisation et la caractérisation de nanomatériaux, de nano-objets et de nano-dispositifs. Le savoir-faire des équipes du CEA dans les technologies quantiques a fait de l’organisme un des co-pilotes du plan gouvernemental consacré à ces technologies, avec le CNRS et Inria, en association avec les Universités.
Systèmes numériques
Pour les systèmes numériques, le CEA explore plusieurs voies : les technologies de l’intelligence artificielle ; les systèmes cyber-physiques, conçus comme des réseaux informatiques avec des entrées et des sorties physiques (au lieu de dispositifs autonomes) ; les outils et l’ingénierie pour la conception et la validation des systèmes numériques, avec par exemple les plateformes Papyrus (permettant de modéliser « pas à pas » le système informatique à mettre au point) et Frama-C (analyse et preuve de programmes) ; enfin, l’instrumentation numérique où, pour le contrôle non destructif, le CEA occupe une position de « leader mondial » avec son logiciel de simulation CIVA.
Avec le développement grandissant du numérique, la cybersécurité est devenue un enjeu majeur pour les États et les acteurs économiques, et un secteur d’activité en forte croissance avec des acteurs industriels nationaux compétitifs. Parce qu’il est confronté à des problématiques propres de cybersécurité en tant qu’exploitant de ses systèmes d’information (SI) et opérateur de systèmes industriels (ICS), le CEA mène à la fois des actions opérationnelles et de R&D. C’est notamment le cas dans les domaines de la production et de la gestion de l’énergie ainsi que de la sécurité globale.
Sur ce champ, il s’agit d’une part de répondre à ses besoins propres et à ceux de la DGA et de l’industrie française de la Défense (Thalès, MBDA, Naval Group…), d’autre part de mettre au point les technologies (logicielles et matérielles) des futures solutions de confiance qu’attendent les industriels cherchant à sécuriser leurs produits, systèmes et services. C’est cette expertise qui a conduit les pouvoirs publics, en février 2021, à confier au CEA, avec le CNRS et Inria, le pilotage du programme prioritaire de recherche « Cybersécurité » dans le cadre du plan national de relance.
L’implication du CEA dans la transition numérique se retrouve également dans l’expertise qu’il a développée de longue date dans le domaine du calcul haute performance (HPC), notamment sous l’impulsion du « Programme simulation » porté par sa Direction des applications militaires, et par les besoins exponentiels des projets et outils de recherche en génération et traitement de données. Le CEA dispose ainsi, sur son site de Bruyères-le-Châtel, d’un complexe de calcul scientifique parmi les plus importants en Europe au service de la Défense, de l’industrie et de la recherche académique. Le CEA pilote ou participe également aux grandes infrastructures numériques de recherche, notamment en santé avec France Génomique, le CATI ou encore N4HCloud.
Nombreux sont les domaines où le numérique de puissance joue désormais un rôle central. La simulation numérique et le HPC sont utilisés massivement depuis de nombreuses années, par exemple en climatologie pour mieux comprendre les phénomènes météorologiques ou évaluer les risques naturels ; en chimie et en biologie pour explorer les mécanismes du vivant ; en physique des matériaux pour qualifier de nouveaux concepts et éprouver leur robustesse ; dans le domaine de l’énergie pour concevoir les installations de demain ou faciliter la maintenance et la sûreté de fonctionnement des installations actuelles…
En corollaire, l’exploitation des données est déterminante dans la compréhension et l’analyse des phénomènes physiques, chimiques et biologiques. Mais obtenir des résultats fiables et robustes nécessite de disposer de données massives et de qualité. Là encore, le CEA occupe une position particulière car il dispose d’une expertise reconnue dans la production et la maîtrise de telles données : données observationnelles, spatiales, environnementales, de santé, de physique fondamentale, résultats de simulations numériques…
Cette expertise concerne également la reconstitution d’informations sur des données parcellaires ou, plus important encore, par le croisement et l’intégration de données hétérogènes. Ce dernier point est fondamental pour la médecine : c’est grâce à l’analyse croisée de multiples sources de données de santé (génomiques, cliniques, imagerie…), rendues cohérentes et donc interprétables, qu’il sera possible de personnaliser diagnostics et traitements. Cette démarche s’appuie sur des équipes pluridisciplinaires, croisant ingénieurs-chercheurs et datascientists, et des plateformes aussi bien portées vers l’innovation industrielle que la recherche exploratoire (solutions quantiques, électronique ultime).
Fort de l’ensemble de ces compétences au sein de toutes les directions opérationnelles, le CEA a lancé en 2020 avec son partenaire allemand Forschungzentrum Jülich (FZJ), la création d’un laboratoire virtuel Franco-Allemand, AIDAS (AI – Data Analytics – Scalable Simulation) dans le domaine du numérique de puissance afin de renforcer les partenariats sur ces sujets et constituer un acteur de poids à l’échelle européenne.