Le glioblastome humain est la tumeur cérébrale primitive2 la plus courante. Elle est particulièrement agressive et de très mauvais pronostic. Malgré un traitement associant chirurgie, chimiothérapie et des séances répétées de radiothérapie, les récidives sont systématiques. Une sous-population de cellules cancéreuses, dites cellules souches de glioblastome (CSG)3, semblent jouer un rôle majeur dans les rechutes en résistant aux traitements.
Des chercheurs de l'UMR Stabilité Génétique Cellules Souches et Radiations (IRCM / CEA-Jacob) se sont intéressés aux capacités migratoires des CSG en réponse aux radiations ionisantes. Ils ont montré que ces dernières stimulent spécifiquement les capacités migratoires et invasives des CSG, et décryptent les mécanismes moléculaires sous-jacents.
Pour cela, ils ont mené des expériences in vitro sur des CSG humaines isolées de plusieurs patients en utilisant des méthodes comme la vidéomicroscopie ou des tests d'invasion cellulaire. Ils ont également fait des études in vivo sur un modèle murin. Les résultats montrent que les radiations ionisantes, à des doses qui ne tuent pas les CGS, stimulent les capacités migratoires de ces cellules, et que cette stimulation reste détectable plusieurs jours après l'irradiation.
Les chercheurs ont ensuite mis à jour la séquence des évènements moléculaires qui génèrent cette stimulation : les radiations ionisantes provoquent une accumulation d'un facteur de transcription4 (HIF1α) dans le noyau des CGS ; l'accumulation de HIF1α entraîne une augmentation de la production d'une protéine (JMY) ; l'augmentation de JMY provoque à son tour une augmentation de la quantité et de l'assemblage des filaments d'actine. Or ces filaments d'actine sont directement impliqués dans la mobilité des cellules, et donc dans la migration des CGS.
Accumulation du facteur de transcription HIF1α dans le noyau de CGS (flèches blanches, en haut) provoquées par des radiations ionisantes, entraînant une augmentation de la production JMY (au milieu), provoquant à son tour une augmentation de la quantité et de l'assemblage de filaments d'actine. Migration des CSG en réponse à des radiations ionisantes, observées in vitro (en bas à gauche) et in vivo (en bas à droite). © L. Gauthier / F. Boussin
Les séances journalières de radiothérapie, prévues dans le traitement de référence des glioblastomes, stimuleraient la migration de cette catégorie de cellules cancéreuses : celles-ci pourraient s'éloigner des zones irradiées et favoriser ainsi les rechutes ultérieures.
Le ciblage thérapeutique du facteur de transcription HIF1α s'avère délicat en raison de son rôle dans la régulation de l'expression de très nombreux gènes. Agir à son niveau risquerait de conduire à de nombreux effets secondaires. En revanche, le ciblage de la protéine JMY pourrait fournir de nouvelles perspectives thérapeutiques pour prévenir la récidive tumorale après radiothérapie.
Ces travaux ont été financés par le CEA (segment radiobiologie), la
Ligue contre le Cancer,
EDF et la
Fondation de France. Une demande de brevet, couvrant l'utilisation d'inhibiteurs de JMY en traitement adjuvant contre le glioblastome, a été déposée.
1 Institut de Radiobiologie cellulaire et moléculaire
2 Une tumeur primitive est la tumeur à partir de laquelle peuvent s'échapper des cellules cancéreuses qui vont former des métastases dans d'autres parties du corps
3 Les CSG présentent des capacités régénératives comparables à celles des cellules souches neurales normales
4 Facteur de transcription : protéine dont la fonction est de moduler l'expression d'un gène.