La β-thalassémie, « maladie des globules rouges », est une pathologie génétique caractérisée par un déficit total (β0) ou partiel (β+) de synthèse des chaînes de β-globine de l'hémoglobine. Les patients β-thalassémiques majeurs produisent une quantité anormalement basse, voire nulle, de chaînes β-globines et doivent être régulièrement transfusés pour pallier le déficit en globules rouges et en hémoglobine « adulte » (constituée de deux chaînes α-globines et de deux chaînes β-globines).
Les chercheurs du LCSAT (IDMIT) ont développé un vecteur lentiviral exprimant le gène β-globine pour traiter ces patients par thérapie génique. Les résultats cliniques menés entre 2010 et 2019 ont abouti à l'autorisation de mise sur le marché du médicament pour les patients exprimant des quantités non nulles de chaînes β-globines (β+).
Forts de ces résultats, les chercheurs ont poursuivi leurs efforts pour rendre cet outil de transfert de gènes plus efficace, à la fois pour traiter les patients n'exprimant aucune chaîne β-globine (β0), mais également dans le but de réduire le nombre de copies de gène (introduits par le vecteur viral) par cellule, chez l'ensemble des individus traités, et ainsi, diminuer le risque de mutagenèse insertionnelle.
Chez les patients β-thalassémiques, la maturation des cellules érythroïdes (précurseurs des globules rouges) est bloquée, non pas en raison du déficit en chaînes β-globines, mais parce que les chaînes α-globines en excès sont très instables et toxiques lorsqu'elles ne sont pas liées aux chaînes β-globines. Pour cette raison, les individus chez lesquels une ou deux des quatre copies des gènes HBA1 et HBA2 codant pour les α-globines sont non fonctionnelles, produisent davantage de globules rouges que ceux présentant un nombre de copies normal et leurs globules rouges sont parfaitement fonctionnels.
Pour améliorer l'efficacité du vecteur de thérapie génique, les chercheurs ont donc inséré une séquence codant pour un ARN interférent anti-HBA2 dans l'un des introns du gène codant pour la β-globine thérapeutique. Ils montrent que le nombre de copies de gène requis pour restaurer l'équilibre entre les chaînes α et β-globines dans les cellules d'individus β-thalassémiques est près de deux fois inférieur au nombre de copies requis par le vecteur actuellement sur le marché.
En outre, ils se sont assurés que le vecteur est aussi stable que le vecteur d'origine, qu'il produit autant de chaîne β-globines thérapeutiques, et que la quantité de chaînes α-globines ne peut pas être diminuée de plus de 50 % du niveau normal, l'ARN interférent ciblant spécifiquement HBA2 et non pas HB1.
Ces résultats très encourageants laissent entrevoir de nouvelles perspectives thérapeutiques pour les patients β-thalassémiques les plus sévères (β0), ainsi qu'une augmentation du rapport bénéfice/risque pour l'ensemble des patients β-thalassémiques (β+ et β0) traités par ce vecteur.
Cette étude a été réalisée en collaboration avec l'Institut de recherche médicale Hudson (Australie) et l'Université Mahidol (Thaïlande).
Un ARN interférent est un acide ribonucléique simple ou double brin dont l'interférence avec un ARN messager spécifique conduit à sa dégradation et à la diminution de sa traduction en protéine