En France, le programme Simulation naît en 1996, lorsque le président de la République décide l’arrêt définitif des essais nucléaires et signe le Traité d’interdiction complète des essais (Tice), ratifié en 1998 par la Parlement. Conçu pour permettre de garantir la fiabilité et la sûreté des armes nucléaires françaises sans nouveaux essais, ce programme s’articule autour de trois volets : la modélisation physique, la simulation et l’expérimentation par parties.
Reproduire le fonctionnement d'une arme
La simulation numérique permet de reproduire, par le calcul, les différentes étapes de fonctionnement d’une arme avec une capacité de prédiction largement accrue par rapport à la période où les essais étaient possibles. Il faut d’abord, à partir de l’ensemble des phénomènes physiques impliqués (mécanique des fluides, transport de neutrons…), étudier la façon dont ils s’enchaînent et se couplent, trouver des modèles plus précis et établir les équations mathématiques les représentant.
Une fois le système d’équations posé, il faut analyser également les lois de comportement de la matière (équations d’état,
sections efficaces neutroniques, coefficients de transport…) pertinentes dans ce domaine.
Ces modèles décrivent donc les étapes physiques (calculs d'énergie, de déformation des matériaux, de mélange de fluides, de rayonnements…) à l’œuvre dans une arme.
Des centaines d’ingénieurs informaticiens et numériciens écrivent des logiciels, soit des millions de lignes de codes développées à partir de modèles établis par autant de physiciens et validés
in fine grâce aux expérimentations du passé. Avec les charges nucléaires (l’édifice explosif), dites « robustes », testées en 1995-1996, la France dispose d’une référence expérimentale peu sensible aux variations technologiques. La militarisation (c’est-à-dire l’adaptation de la charge à son emport) peut être alors effectuée sans essai, avec une modélisation des écarts engendrés par cette opération faite par la simulation.
Les modèles sont de plus en plus sophistiqués mais la contrainte de temps reste identique : il faut faire tourner ce simulateur en quelques semaines maximum.
La visualisation sur un « mur d’images » permet un travail collaboratif. © CEA/DAM
Simulation du développement d’instabilités en 3 dimensions effectué sur Tera. © CEA/DAM
Voir aussi
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Injecteur d’électrons de l’installation Airix et radiographie obtenue. © Cadam/CEA |
Phase expérimentale
La garantie de l’énergie et de la sûreté d’une arme nucléaire nécessite d’avoir auparavant validé expérimentalement le « standard de garantie ». Cette validation est obtenue en confrontant les résultats des calculs aux mesures recueillies lors des essais nucléaires passés et aux expériences de validation réalisées sur les installations Epure et LMJ.
L’installation de radiographie Epure, en construction sur le centre de Valduc, sera dotée à terme de 3 axes radiographiques de forte puissance. Sa mise en service avec un premier axe de radiographie permet, depuis fin 2014, de caractériser, avec la plus grande précision, l’état et le comportement hydrodynamique des matériaux, dans les conditions rencontrées durant la phase pré-nucléaire du fonctionnement des armes.
Le laser Mégajoule est l’outil indispensable de validation expérimentale de la phase de fonctionnement nucléaire des armes. Sa mise en service, matérialisée par la réalisation des premières expériences, est effective depuis le 23 octobre 2014.
Validation numérique globale
Après cette validation par parties, la qualité des logiciels sera vérifiée dans sa globalité sur le supercalculateur Tera. Les modèles obtenus doivent reproduire fidèlement certains essais nucléaires passés, dont tous les résultats et données ont été conservés sous forme numérique.
La gestion des données est aussi un point important : chaque jour, la machine produit plus de 3 téraoctets de données, c’est-à-dire de l’ordre d’un pétaoctet (1015 bits) par an. Comme il n’est pas envisageable de perdre les résultats de calculs qui ont duré plusieurs semaines sur des milliers de processeurs, des sauvegardes très régulières sont indispensables.
Depuis 2001, le CEA a ouvert ses puissants moyens de calcul à la communauté scientifique et au monde industriel. Il a mis à leur disposition en 2003 son Centre de calcul recherche et technologie (CCRT) sur le site de Bruyères-le-Châtel. Puis il a initié la création d’une technopole baptisée Ter@tec.