Grâce à ses propriétés uniques, le laser peut concentrer des énergies (relativement) importantes à la fois dans l’espace (focalisation) et dans le temps (impulsions brèves) pour atteindre des intensités gigantesques, capables de changer l’état de la matière, et en dévoiler les secrets. Afin d’utiliser des lasers spécifiques à leurs recherches, les chercheurs jouent sur ces deux critères principaux : la brièveté des impulsions laser, jusqu’à la femtoseconde (10-15 s), pour étudier les phénomènes de physique à très haute intensité, et l’énergie des faisceaux pour la physique à très haute densité d’énergie (plasmas, fusion nucléaire…).
Des lasers pour la fusion
Pionnier dans ce domaine, le CEA a conçu et assemblé, sur le centre du Cesta à proximité de Bordeaux, le laser Mégajoule (LMJ) précédé par la Ligne d’intégration laser (LIL), pour étudier la fusion par confinement inertiel.
La Ligne d’intégration laser, un prototype
Vue extérieure du bâtiment du laser Mégajoule (LMJ). © P.Labèguerie/CEA
Le laser Mégajoule délivrera une énergie lumineuse pouvant atteindre 1,8 million de joules.
La Ligne d’intégration laser avait une longueur de 150 m, une largeur de 70 m et une hauteur de 23 m.
Prototype de quatre faisceaux laser du laser Mégajoule, la LIL a été développée et mise au point pour en valider les choix technologiques et physiques (optiques). Depuis sa mise en fonctionnement en 2002 et jusqu’à son arrêt en 2014, la LIL a permis d’optimiser l’ensemble de la chaîne laser en vue de son utilisation au sein du LMJ. La méthode d’alignement, le lissage des faisceaux de lumière ou encore la fiabilité des composants ont été évalués et améliorés en vue d’une utilisation, à coût minimal, dans la future installation. Les premiers diagnostics pour le contrôle des futurs faisceaux et ceux du dispositif de mesures pour les expériences de physique y ont été mis au point. Au départ prototype, la LIL est devenue, de par ses caractéristiques, un grand instrument de physique pour la recherche ; elle a été utilisée pour mener des expériences préfigurant celles qui seront réalisées avec le LMJ.
Mode de fonctionnement
| impulsionnel |
Durée de l'impulsion
| 1 nanoseconde (10-9 seconde)
|
Energie laser de sortie
| 30 000 joules
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Puissance | 15-60 térawatts (TW)
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Milieux laser
| Milieux laser : verre dopé au néodyme
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Longueur d'onde fondamentale
| infrarouge |
Longueur d'onde de sortie
| ultraviolet |
Le laser Mégajoule
Le laser Mégajoule (LMJ) est une installation majeure du programme Simulation de la Direction des applications militaires du CEA. Cette installation exceptionnelle, dimensionnée pour accueillir jusqu’à 240 faisceaux, sert à étudier, à toute petite échelle, les conditions extrêmes atteintes par les matériaux lors du fonctionnement des armes nucléaires.
Son utilisation doit permettre en particulier :
- de valider les modèles fondamentaux (équations de physique) décrivant la physique du fonctionnement des armes nucléaires, et de vérifier que la modélisation prend en compte tous les phénomènes ;
- de réaliser des expériences mettant en jeu l’enchaînement et l’imbrication de ces modèles. Ces expériences sont essentielles pour démontrer la maîtrise des chaînes de logiciels reproduisant par le calcul le fonctionnement des armes. La validation de la simulation repose sur de nombreuses catégories d’expériences ; les plus complexes conduisent à la combustion d’une microcible contenant un mélange deutérium-tritium porté à 70 millions de degrés (l’ignition).
Le laser Mégajoule délivrera une énergie lumineuse pouvant atteindre 1,8 million de joules. Pour amener l’énergie jusqu’à la cible, une impulsion laser de très faible énergie est amplifiée progressivement, sur une très grande distance (450 m). La chaîne laser se déploiera sur 300 m de longueur, 160 m de largeur, dans quatre halls de 128 m de longueur et 14 m de hauteur.
Caractéristiques du laser Mégajoule LMJ |
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Mode de fonctionnement | impulsionnel |
Durée de l'impulsion
| quelques nanosecondes (10-9 secondes)
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Energie laser de sortie
| 1,8 million de joules
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Puissance | 500 térawatts (TW)
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Milieux laser
| verre dopé au néodyme
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Longuer d'onde fondamentale
| infrarouge |
longueur d'onde de sortie
| ultraviolet |
Le laser Petal
Dans la dynamique d’ouverture et de partage de l’utilisation du laser Mégajoule, le laser petawatt Petal sera implanté auprès du LMJ pour constituer un outil expérimental exceptionnel ouvert à la communauté scientifique civile. L’Institut laser et plasma est le point d’entrée ; il recueille et évalue les propositions d’expériences.
Le laser Petal est un laser de haute énergie et de haute puissance générant des impulsions à 3,5 kilojoules durant 0,5 à 10 picosecondes. Son éclairement peut atteindre 1020 W/cm
2, soit la concentration sur un centimètre carré de la lumière émise par 1 000 millions de milliards d’ampoules de 100 W. Avec cet outil de recherche extrêmement puissant, le champ des études de la fusion contrôlée pourrait être étendu à la physique du noyau atomique et même à des applications médicales. Il permettra de reproduire à une échelle réduite les conditions physiques qui n’apparaissent par exemple qu’au coeur des étoiles, comme notre Soleil, où les mécanismes de fusion sont à l’origine d’un formidable dégagement d’énergie.
Les lasers ELI, européens
ELI (pour
Extreme light infrastructure) est
une infrastructure de recherche associant 40
organismes de recherche européens, dont le
CEA. Elle hébergera quatre lasers les plus
puissants du monde, atteignant une puissance de lumière jamais obtenue sur Terre : 10
18 W en 10-
18 s. Trois sont en cours de construction, en Hongrie, République tchèque et Roumanie. Ils seront dédiés à la recherche fondamentale, la physique des particules, la physique nucléaire, l’astrophysique et la cosmologie.
Des lasers pour la recherche fondamentale
Les lasers ultra-brefs permettent d’étudier toute une série de phénomènes extrêmement rapides, aussi bien physiques que chimiques. Les études portent sur les systèmes atomiques et moléculaires simples, dans lesquels on observe en particulier la dynamique électronique (ce que deviennent les électrons après ou pendant la réception de l’impulsion lumineuse) à l’échelle de temps attoseconde (10-18 s), aux systèmes biomoléculaires complexes (l’ADN par exemple) étudiés à des échelles de temps allant de la femtoseconde à la milliseconde, jusqu’à l’optique relativiste dans les plasmas.
L’interaction entre un laser ultra-haute intensité (UHI) et une cible produit des faisceaux de particules secondaires pouvant ensuite à leur tour être exploités pour de nombreuses applications. © Yuvanoé/CEA
Zones de préparation du faisceau (lumière verte), notamment l’amplificateur du laser PLFA. © P.Stroppa/CEA
Harmoniques générés par l’interaction d’un laser intense dans un jet de néon. © CEA
Expérience utilisant le laser 100 TW de Saclay.
© P.Stroppa/CEA
A l’échelle de la femtoseconde
Les lasers à impulsions femtosecondes (10-15 s) permettent ainsi d’étudier les phénomènes extrêmement fugitifs lors d’expériences de femtochimie, comme des appareils photo dont le temps de pause est suffisamment court pour suivre le mouvement des atomes. En faisant varier le retard entre une première impulsion laser qui déclenche la réaction chimique et une seconde qui en teste l’état d’avancement, le « film » de cette réaction, dont la durée totale est typiquement de l’ordre d’un millionième de millionième de seconde, est reconstitué.
Les lasers ultra-brefs permettent également de développer des sources secondaires, c’est-à-dire issues elles-mêmes de l’interaction du laser avec la matière, ultra-brèves comme des faisceaux d’électrons ou de protons, ou de rayonnement cohérent de courte longueur d’onde.
D’une certaine manière, l’énergie véhiculée par la lumière est transférée, par interaction avec la matière, vers des particules massives ultra-rapides ! Ces particules et ce rayonnement sont utilisés à leur tour pour des études de dynamique électronique dans des gaz et dans des biosystèmes, des solides et des matériaux, ainsi que dans le cadre de recherches médicales (perspectives de traitement de tumeurs cancéreuses par exemple).
Dans un horizon plus lointain, ces mécanismes très efficaces d’accélération remplaceront peut-être les accélérateurs de particules, par exemple au CERN, l’organisation européenne pour la recherche nucléaire dédiée à la physique fondamentale. Les accélérateurs y portent des faisceaux de particules à des énergies élevées puis les font entrer en collision avec d’autres faisceaux ou avec des cibles fixes, afin de découvrir les constituants de l’Univers et les lois de la Nature.
Le principe de la haute-intensité
En concentrant l’énergie de l’impulsion laser sur des temps très courts, les puissances très élevées atteintes permettent d’étudier le comportement de la matière soumise à très forte intensité. Les électrons deviennent relativistes ; autrement dit, leur vitesse devient dans le champ du laser très proche de la vitesse de la lumière dans le vide (environ 300 000 000 mètres/seconde, soit 7,5 fois le tour de la Terre par seconde). Cela a déjà révélé des phénomènes spectaculaires comme l’accélération des particules ou la génération d’harmoniques d’ordres élevés. Ceux-ci sont des rayonnements de lumière cohérents produits par interaction d’un laser intense avec un gaz ou un plasma, et dont la longueur d’onde est un sous-multiple de la longueur d’onde du laser intense. Des rayonnements de courte longueur d’onde (de 2 à 100 nm) peuvent ainsi être obtenus à partir d’un laser émettant dans le proche infrarouge.
Le centre CEA de Saclay va accueillir en 2015 le laser APOLLON, qui sera alors le laser le plus puissant du monde puisqu’il atteindra une puissance de 10 PW par impulsion !
Ceci correspond à la puissance fournie par 10 millions de tranches de centrales nucléaires actuelles, délivrée pendant un temps correspondant à un millionième de millionième de clin d’oeil ! Les scientifiques espèrent observer une nouvelle classe de phénomènes fondamentaux, comme la création lumineuse de paires électrons-positrons (phénomène aussi appelé « claquage du vide ») ou la génération de faisceaux de particules poussées par la lumière elle-même (pression de radiation) !
Les lasers térawatts
Pour réaliser leurs études, les chercheurs du centre CEA de Saclay exploitent et développent des lasers capables de produire des impulsions lumineuses à la fois très brèves (quelques dizaines de femtosecondes) et très puissantes (jusqu’à 100 TW). La brièveté des impulsions laser permet non seulement d’atteindre ces puissances gigantesques pour un faible investissement énergétique, mais autorise également la mise au point d’expériences à grande résolution temporelle.
Le parc laser actuel permet de couvrir un vaste champ disciplinaire, de la femtobiologie à l’optique relativiste. La dynamique de la matière (gaz, solides, plasmas) excitée par la lumière laser y est étudiée jusqu’aux échelles de temps les plus courtes (attoseconde-femtoseconde).
Un pas supplémentaire dans cette direction sera franchi avec le développement d’une nouvelle facilité laser Attolab dès 2015 sur le site de l’Orme des merisiers.
Caractéristiques d'un laser térawatt
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Mode de fonctionnement
| impulsionnel |
Durée de l'impulsion
| 25 femtosecondes
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Energie laser par impulsion
| 2,5 joules
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Puissance moyenne
| 50 watts
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Puissance crête maximale
| 100 térawatts (TW)
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Taux de répétition
| 10 Hertz
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Les lasers à électrons libres
A la différence des autres lasers, les lasers à électrons libres n’exploitent pas les électrons liés au sein des atomes d’un milieu amplificateur, mais des électrons libres issus d’un accélérateur de particules qui sont dirigés vers une structure magnétique périodique. Ils peuvent émettre du rayonnement cohérent depuis le domaine micro-onde jusqu’aux rayons X.