L’intégration de ces sensibilités sera, pour les microscopistes, aussi immédiate que la vision du relief est banale pour nos yeux. «
L’avenir, c’est la vision tomographique », dit Amal Chabli.
Suivre l’exemple de l’imagerie médicale
C’est l’interprétation de l’information issue d’une analyse sous différents angles qui permet d’avoir accès à la 3e dimension.
Des nanoparticules comportant
du platine donnent une surface très étendue multipliant le pouvoir
catalytique de cet élément. © CEA
Surface d'une prothèse (le «
coin correcteur de jambes en X » intercalé sur le plateau du tibia)
constituée d’un biomatériau composite particulièrement inerte. © L.
Mathieu & al. EPFL-LTC/Fond national suisse.
Image de plots de silicium dopé au bore. En créant dans le réseau
cristallin du silicium des « trous » accepteurs d’électron, le bore
favorise le passage du courant électrique. La pointe du microscope étant
légèrement chargée, les plots paraissent en relief (img 1), bien que la
surface du cristal soit rigoureusement plane. Le passage d’un petit
courant (img2) permet de mesurer la conductivité locale. © CEA/N.
Chevalier
Chaque instrument de microscopie possède sa spécificité. Selon qu’il sonde la matière de l’échantillon avec de la lumière, des électrons, des ions ou une pointe de la taille d’un atome, les images qu’il fabrique seront pour le physicien autant de sources d’informations, autant de lucarnes ouvertes sur le monde des atomes.
La palette spécifique d’interactions avec la matière de chaque microscope détermine le contenu en information des images produites. Les progrès accomplis dans les différentes techniques permettent de multiples recoupements, des examens sous tous les angles.
Ainsi, alors que chacun des microscopes donne une image topographique de la surface, certains mettent en évidence la facilité avec laquelle les électrons du courant électrique pourront y circuler, d’autres, la concentration localisée de certains éléments chimiques.
Plus les objets que l’on cherche à caractériser sont ténus, plus les paramètres physiques et chimiques à prendre en compte sont difficiles à saisir. Or, la taille des dispositifs imaginés par les chercheurs diminue : en matière de nanotechnologies, les dimensions se réduisent à quelques millionièmes de millimètre.
À cette échelle, l’organisation des atomes est visible.
Pour le microscopiste, tout se passe en surface, ou presque : cette limite est le terrain de jeu où se dessinent les futures propriétés recherchées. Pour les chimistes, il faut tantôt rendre cette surface très réactive (catalyseurs) tantôt la rendre aussi inerte que possible (prothèse de chirurgie, microélectronique).
Déroulé par l’examen microscopique, ce terrain paraît toujours à « plat » sur l’écran de l’ordinateur, même si l’image affichée donne parfois une indication de relief.
La troisième dimension
La caractérisation ne se satisfait pas de cette vision plane. Il faut tenir compte des informations se rapportant aux propriétés physiques et chimiques. L’ensemble de ces informations représente la véritable troisième dimension de l’imagerie microscopique. Pour Amal Chabli, chef de la plateforme de nano caractérisation du CEA/Minatec de Grenoble, le futur nous donnera un accès direct à cette dimension supplémentaire.
Cette troisième dimension est donc à l'analyse nanométrique, ce que le relief est à notre vision binoculaire : une garantie de pouvoir agir dans le monde de l’infiniment petit aussi efficacement que pour accomplir des gestes complexes dans l'espace. Elle repose sur la possibilité d’intégrer les informations rassemblées en regardant l’échantillon sous les différents « angles » que dispensent les microscopes.
Grâce à cette conquête, il sera possible de diriger sur un matériau des opérations chimiques, magnétiques ou électriques à l’échelle du nanomètre.
Le futur : un microscope à RMN
En même temps que ces efforts d’intégration font naître cette troisième dimension, les techniques s’enrichissent.
Ainsi au centre CEA de Saclay, Olivier Klein, du service de physique de l’état condensé (SPEC) de l’Iramis, travaille sur un nouvel instrument de microscopie utilisant la résonance magnétique nucléaire (RMN). Ce microscope du futur développé en collaboration avec les laboratoires d’IBM permettra de connaître, en même temps que la topographie de surface, la nature des molécules, voire des atomes présents en chaque point. «
Ce sera un peu comme la télévision en couleur, confie Olivier Klein. Ici les atomes de chlore, là des hydrocarbures et ici, des atomes de fer… » Cette technique est si prometteuse que des chercheurs américains ont pu identifier individuellement des électrons au moyen de leur nombre de spin, une grandeur de la mécanique quantique qui a été mise à profit dans nos disques durs par les deux lauréats du prix Nobel de physique de 2007, dont le français Albert Fert, inventeur de l’effet de «
magnétorésistance géante ».
Le Spec de Saclay réunit des spécialistes des très basses températures et du magnétisme à haut champ : tout ce qu’il faut pour pratiquer la RMN à cette échelle !