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Le Soleil

Voyage au centre du Soleil - 3


La compréhension de la variation de l’activité magnétique du Soleil permettra, dans les prochaines décennies, de mieux prévoir son impact sur l’environnement terrestre.

Publié le 29 août 2012

Comment ça marche ?

En 1960 furent découverts des mouvements de la surface du Soleil, réguliers et de faible amplitude. Dix ans plus tard, des travaux théoriques montrèrent qu’en réalité ces mouvements ne sont pas que superficiels mais sont aussi le reflet de mouvements globaux qui affectent l’ensemble du Soleil. Celui-ci peut donc être assimilé à une cavité dans laquelle des ondes sonores évoluent à des fréquences très basses, inaudibles pour l’oreille humaine.
En effet, les ondes sonores produites par le Soleil sont décalées de 17 octaves vers les graves par rapport au diapason dont la fréquence a été fixée à 440 Hz : leur fréquence est donc de l’ordre de 3 mHz, ce qui correspond à une période d’environ 5 minutes. Les ondes acoustiques produites en permanence par la granulation de surface, telle la pluie sur la surface d’un tambour, sont un moyen fantastique pour sonder le Soleil dans toute sa partie opaque. L’étude des vibrations du Soleil, qui se propagent depuis la surface et vont se réfléchir sur les différentes couches intérieures, permet de mesurer des grandeurs telles que le profil de la vitesse du son ou celui de la vitesse de rotation. Le son se déplace à une vitesse d’environ 340 mètres par seconde dans l’air que nous respirons ; dans le Soleil, sa vitesse est de 500 kilomètres par seconde au centre et d’environ 7 kilomètres par seconde à la surface.

La compréhension de la variation de l’activité magnétique du Soleil permettra, dans les prochaines décennies, de mieux prévoir son impact sur l’environnement terrestre.

Une onde acoustique pénétrant jusqu’au cœur du Soleil mettra environ une heure pour parcourir l’étoile. Cette onde est très sensible à la matière gazeuse qu’elle rencontre : étudier l’intérieur du Soleil par la sismologie permet donc de suivre in situ l’état et l’évolution du Soleil en permanence et en direct. Tout tourne dans l’Univers et le Soleil tourne aussi sur lui-même, mais de façon différente entre l’équateur et les pôles. On a vu que la surface du Soleil, la photosphère, est parsemée de taches sombres que l’on peut suivre avec le temps : c’est ainsi que l’on mesure à quelle vitesse le Soleil tourne. Il est possible de mesurer que l’équateur tourne plus vite (environ 25 jours) que les pôles (plutôt 30 jours).

Or il y a une relation entre la rotation de surface et les phénomènes magnétiques. On parle de maximum d’activité lorsque le nombre de taches à la surface est le plus grand : c’est la période où l’activité magnétique du Soleil est la plus élevée, conduisant alors à de fortes éruptions solaires. Le satellite Soho est bien placé pour suivre ces phénomènes d’activité puisqu’il peut observer chaque région du Soleil en permanence. En période de forte activité, de grandes régions sombres et des éruptions de matière sont clairement visibles au niveau de la couronne.

La couronne solaire en période de forte activité
La couronne solaire en période de forte activité.
© ESA/Nasa

L’héliosismologie, grâce à Soho, a révélé que cette rotation différentielle de surface se maintenait dans l’ensemble de la région convective (région peu dense représentant 2 % de la masse solaire), puis disparaissait brutalement dans la région de transition située à la frontière entre région radiative et convective. En effet, cette région est le siège de forts cisaillements qui contribuent à la régénération du champ magnétique. Ainsi une grande partie de la masse du Soleil (près de 50 %) tourne en fait comme un corps solide. Les premières observations de modes de gravité privilégient par contre une rotation plus rapide du cœur nucléaire que le reste de la région radiative. Si cela est confirmé, cela signifierait que le Soleil a gardé en son cœur, qui renferme près de 50 % de sa masse, un vestige de la rotation qu’il a acquis lors de sa formation, incluant probablement un champ magnétique fossile.

Comprendre cette activité solaire est devenu aujourd’hui un problème important pour bien maîtriser son évolution à échelle humaine, ainsi que le rôle effectif du Soleil sur l’environnement terrestre. En effet, l’origine des phénomènes magnétiques externes se situe sous la photosphère et sa compréhension passe par la connaissance des mouvements internes de matière jusqu’au centre du Soleil. Les scientifiques imaginent des circulations méridiennes dont la vitesse varie de dizaines de m/s (dans la région convective) jouant un rôle déterminant pour expliquer le cycle de 11 ans à des fractions de microns/s dans la région radiative (supposant alors un tour complet de cette région en milliard d’années).


Satellite Soho à proximité du Soleil
Satellite Soho à proximité du Soleil. © ESA

Le satellite Soho

Soho (Solar and Heliospheric Observatory) est issu d’une collaboration européenne et américaine. Ce satellite a été lancé dans l’espace le 2 décembre 1995 depuis la Floride par la Nasa et s’est placé à 1,5 million de kilomètres de la Terre à un endroit très particulier, appelé point de Lagrange, où l’influence gravitationnelle du Soleil équilibre celle de la Terre.
Depuis cet endroit privilégié, il a pu observer le Soleil sans interruption et dans des conditions de stabilité remarquables. Soho est doté de douze instruments d’observation : trois sont dédiés à la sismologie, les autres à tous les phénomènes de l’atmosphère du Soleil (vent solaire, émissions de particules, éruptions…).
Soho continuera d’observer le Soleil encore pendant plusieurs années, accompagné par d’autres sondes japonaise (HINODE), américaine (SDO) et un microsatellite du CNES, PICARD, pour mieux comprendre l’activité solaire.
Coupe de la rotation interne du Soleil
Coupe de la rotation interne du Soleil obtenue par les instruments Golf et MDI à bord de Soho : les parties rouges tournent plus vite que les parties bleues. L'augmentation de la rotation du cœur, compatible avec les signaux des premiers modes de gravité, reste à confirmer. © SOHO Data


Héliosismologie et simulation

L’héliosismologie est la clé indispensable pour apporter des preuves quantitatives de ces mouvements à grande échelle. Elle s’associe aujourd’hui aux simulations numériques qui tentent de reproduire les observations pour les comprendre. Il est déjà établi que la rotation différentielle de la région convective contribue à la présence d’un champ magnétique dynamo cyclique qui implique l’ensemble de la région convective et la région de transition entre radiation et convection où cette rotation différentielle disparaît appelée tachocline. De la compréhension de cette physique complexe, qui devra décrire comment le champ magnétique s’organise et se régénère, sortira l’explication de la durée et de l’intensité des cycles solaires qui ne sont pas réguliers avec des grands maxima et des grands minima comme le montre la figure de l’évolution des cycles depuis les premières mesures du 17e siècle. Ces études permettront à terme d’estimer l’évolution de l’activité magnétique dans les prochaines décennies. Ceci a deux conséquences importantes : comprendre le Soleil permet de comprendre les autres étoiles, mais aussi comprendre le Soleil permettra de prévoir les phénomènes susceptibles de toucher la Terre, tels que les orages magnétiques pouvant causer de nombreuses perturbations, notamment dans les réseaux électriques et dans les communications radio hautes fréquences ou par satellites.

Le projet Coast

Transport de la chaleur vers la surface du SoleilA gauche, champ magnétique dans une simulation globale non-linéaire de la dynamo convective du Soleil. A droite, Vitesse radiale dans la zone convective turbulente solaire. Cette convection est à l'origine du transport de la chaleur vers la surface du Soleil. © A.S.Brun/CEA


Après l'instrumentation et l'observation, la simulation est la troisième voie de recherche en astrophysique. Les plus belles images de l’astronomie ne donne une vision de l’Univers qu’en deux dimensions. Grâce à la puissance de nouveaux supercalculateurs, les scientifiques peuvent aujourd’hui simuler sur ordinateur la formation et l’évolution des astres avec des détails suffisants pour produire des images « virtuelles » en trois dimensions de très haute qualité.
L'objectif du programme Coast est de modéliser des phénomènes astrophysiques complexes, afin de confirmer les théories actuelles sur la physique des astres et de préparer les futures observations astronomiques. Les principales études qui ont bénéficié de ce programme sont la cosmologie, la physique stellaire, l'étude des disques protoplanétaires et celle du milieu interstellaire.
En physique stellaire, les étoiles sont de grosses sphères de gaz chaud. Elles sont turbulentes avec de nombreux phénomènes de convection, elles tournent sur elles-mêmes et baignent dans un champ magnétique auto-induit.
Le code ASH, soutenu par la commission Européenne via la bourse ERC-StG STARS2, calcule l'évolution des fluides stellaires.

microsatellite du CNES Picard
Le microsatellite du CNES Picard va observer le Soleil à plusieurs longueurs d’onde et va observer ses déformations superficielles. © DR


Mesurer l'activité du cœur à la couronne solaire

Une nouvelle discipline se met également en place pour mieux estimer l’impact de l’activité solaire sur l’atmosphère terrestre. C’est un des objectifs du satellite PICARD qui va venir en appui de Soho, du satellite japonais HINODE et du satellite américain SDO pour traquer et enregistrer l’ensemble des indicateurs d’activité solaire du cœur nucléaire à la couronne solaire. Ces mesures permettront de mieux estimer la réaction de la stratosphère et de l'atmosphère terrestre aux perturbations solaires qui s'amplifient du domaine visible aux domaines UV et X durs. Des travaux conjoints entre modélisation solaire et modélisation climatique en perspective à condition que des observations continues soient maintenues encore pendant une ou deux décennies.

Cette évolution rapide de notre connaissance du Soleil montre qu’un tel plasma inspire de très nombreux travaux théoriques, de modélisations et d’observations avec des implications sociétales nombreuses et passionnantes.