Dans la couronne et au-delà : les colères du Soleil
Dans les
couches élevées de l’atmosphère solaire, peu denses, les particules chargées (ions et électrons) sont sensibles aux forces électromagnétiques. Ces forces peuvent être plus fortes que la gravité et maintenir en altitude de la matière, voire l’éjecter de la couronne pour l’envoyer dans l’espace interplanétaire. La couronne peut alors présenter des aspects très divers
traduisant l’activité magnétique du Soleil : protubérances, éruptions solaires ou trous coronaux.
Protubérances et filaments
Les protubérances ou filaments sont des poches de plasma dense et froid (10 000 degrés tout de même !) dans la couronne solaire chaude et diluée. Ces gaz, essentiellement de l’hydrogène, sortent de la surface sous forme de colonnes qui s’éloignent dans l’espace ou reviennent vers la surface du Soleil formant ainsi des boucles. Un champ magnétique intense soulève la matière dense et bloque ses mouvements, conduisant à son refroidissement. Les protubérances peuvent s’élever à des altitudes de plusieurs centaines de milliers de kilomètres.
Éruptions solaires ou éjections de matières coronales
Les éruptions solaires ou éjections de masse coronale ont lieu lorsque les champs magnétiques sont suffisamment forts pour vaincre l’attraction gravitationnelle et éjecter la matière (plasma et gaz neutre) hors de l’atmosphère solaire. Des milliards de tonnes de matière sont ainsi transportées. Elles se caractérisent par la brusque libération d’une énorme quantité d’énergie sous forme de rayonnements (visible, UV, X et radio). L’énergie mise en jeu est considérable, de l’ordre de plusieurs millions de fois la consommation annuelle d’énergie électrique en France.
Vent solaire
Au-delà d’une certaine distance, les forces gravitationnelles sont insuffisantes pour retenir la matière. Celle-ci s’échappe le long des lignes de champ dans l’espace interplanétaire. C’est le vent solaire. Sa vitesse moyenne est de 400 km/s environ. Elle est plus rapide près des pôles de l’astre qu’à l’équateur.
Trous coronaux
Les trous coronaux sont des
régions moins brillantes et plus froides où le champ magnétique permet l’échappement de matière. Dans ces zones, les lignes de champ magnétique ne reviennent pas vers le Soleil mais s’ouvrent radialement par rapport au Soleil.
Le plasma solaire
Dans des conditions de température et de pression extrêmes apparaît un nouvel état de la matière dans lequel la structure atomique elle-même est totalement désorganisée : le
plasma. Au cœur de l’étoile règne une grande agitation parmi les atomes. Ces derniers sont normalement constitués d’un noyau, lui-même constitué de neutrons (de charge électrique neutre) et de protons (de charge électrique positive), accompagné d’un cortège d’électrons (de charge électrique négative). Dans son ensemble, l’atome est électriquement neutre : il comporte autant d’électrons que de protons. À très forte température, l’atome peut perdre ou gagner un ou plusieurs électrons, devenant ainsi un ion chargé, selon le cas, positivement ou négativement.
Au cœur du Soleil, l’énergie est suffisante pour arracher leurs électrons aux atomes d’hydrogène, constitués d’un proton et d’un électron. Les atomes d’hydrogène deviennent alors des ions chargés positivement : on les appelle des protons. Le gaz stellaire se présente sous la forme d’un plasma dense, constitué d’atomes ionisés.
La quasi-totalité de l’Univers se trouve sous forme de plasma.
Le plasma solaire contient des éléments qui sont dans des états d’ionisation différents selon la température et la densité, du cœur à la périphérie. Ces variations stratifient le Soleil en plusieurs couches aux comportements très différents. Diverses méthodes expérimentales et théoriques permettent d’étudier le Soleil, sa composition, sa structure et ses propriétés.
Le plasma
Ce mot est apparu dans les années 1920 avec les travaux sur les gaz ionisés de l’Américain Irving Langmuir, prix Nobel de chimie en 1932. Aujourd’hui, les plasmas sont présents dans notre quotidien avec les écrans de téléviseur à plasma, les torches à plasma ou les tubes au néon.
Les ondes électromagnétiques se répartissent en familles de fréquences et de longueurs d'onde diverses. La répartition de l'énergie des rayonnements se traduit par un spectre électromagnétique qui s'étend des ondes hertziennes (radioélectriques) aux rayons gamma, en passant par les micro-ondes, l'infrarouge, le visible, l'ultraviolet, les rayons X.. © Yuvanoe/CEA
Carte d'identité du soleil
Pendant longtemps, les informations sur le Soleil n’ont été puisées qu’en sa lumière. Nous savons depuis les travaux d’Isaac Newton (1642-1727) que la lumière qui nous paraît blanche est composée de toutes les couleurs, “de toutes les longueurs d’onde” disent les physiciens. Il suffit de regarder un arc-en-ciel ou d’observer une source lumineuse à travers un prisme pour s’en convaincre. Deux siècles plus tard, la spectroscopie naîtra de cette découverte : l’arc-en-ciel, “écharpe d’Iris” pour les poètes, est aussi un spectre solaire pour les physiciens !
Le filament de tungstène d’une ampoule est un bon exemple de corps qui, sous l’effet de sa température, émet de la lumière visible dans une gamme étendue de longueurs d’onde : cela donne un spectre d’émission constitué de larges bandes continues.
Le spectre du Soleil présente des raies sombres superposées à un spectre continu.
© Nigel Sharp/NOAO
En 1814, le physicien allemand Joseph von Fraunhofer (1787-1826), fondateur de la spectroscopie, étudiait le spectre du Soleil et y découvrit la présence de raies sombres superposées à un spectre continu ; chacune correspondait à une longueur d’onde particulière. À l’époque, il n’avait pas les moyens d’interpréter cette curiosité. Les physiciens ont constaté plus tard qu’un gaz, éclairé par une source de lumière blanche, absorbe certaines couleurs. Cette absorption se traduit par l’apparition de raies sombres superposées au spectre électromagnétique : il s’agit d’un
spectre d’absorption.
Comment expliquer ce phénomène ? Tout
-simplement par le fait que l’intensité d’un rayonnement décroît quand
il traverse un milieu matériel auquel il transfère une partie de son
énergie. Or, à une émission ou à une absorption d’énergie correspond une
modification de la structure électronique des atomes concernés ; cela
se traduit par une signature spectrale caractéristique de chaque
élément. Autrement dit, le spectre constitue la carte d’identité
chimique du matériau étudié. Ainsi, c’est à la spectroscopie que l’on
doit la découverte, par l’astronome français
Jules Janssen (1824-1907), d’un élément inconnu à l’époque sur Terre, l’hélium, dont le nom est dérivé du mot grec “helios” désignant le Soleil.
Parmi tous les rayonnements émis par le Soleil, l’atmosphère terrestre ne laisse passer que le visible (avec un peu d’infrarouge et d’UV) et les ondes radio. Il est donc nécessaire, pour mesurer les autres rayonnements (en particulier rayons X et gamma), d’aller au-delà de l’atmosphère terrestre : on utilise alors des instruments embarqués sur des satellites comme Soho.
La production de lumière et de chaleur n’est pas la seule manifestation du Soleil : s’y ajoutent vibration, rotation et magnétisme.