Pour que les nouveaux éléments synthétisés au cœur de l'étoile enrichissent l'Univers, encore faut-il qu'ils se répandent dans le milieu interstellaire.
Des étoiles…
Les étoiles dont la masse est à peu près dix fois supérieure à celle du Soleil entretiennent tout d’abord la fusion de l’hydrogène en hélium pendant quelques millions d’années. À la fin de cette période, l’épuisement de l’hydrogène conduit à la contraction gravitationnelle du cœur jusqu’à ce que la température soit suffisamment élevée pour amorcer la fusion de l’hélium en carbone et en oxygène, pendant que l’hydrogène continue sa fusion dans une couche entourant le cœur. Après environ un million d’années, l’hélium s’épuise à son tour et la contraction du cœur permet la fusion du carbone en néon et en sodium, pendant dix mille ans. Suivent ensuite la fusion du néon en oxygène et en magnésium (qui dure une dizaine d’années), puis celle de l’oxygène en silicium et en soufre (pendant quelques années). Finalement, une semaine suffit à transformer le silicium en fer. L’apparition de ce dernier marque le début d’un processus qui aboutira à la destruction de l’étoile.
Le noyau du fer étant le plus lié (son énergie de liaison étant la plus forte), sa combustion ne permet pas de produire l’énergie que l’étoile rayonne inexorablement par sa surface.
Une fois le silicium épuisé et le fer formé, la contraction du cœur reprend, mais, cette fois, la température est si forte que les photons peuvent briser les noyaux de fer. La disparition d’une partie de l’énergie lumineuse diminue la pression centrale et précipite l’effondrement du cœur, attisé par la capture des électrons par les noyaux transformant les protons en neutrons. Cette réaction nucléaire s’accompagne d’une émission de neutrinos, qui emportent la phénoménale quantité d’énergie potentielle gravitationnelle dégagée par la contraction.
En quelques dixièmes de seconde, la matière atteint l’incroyable densité d’un million de tonnes par centimètre cube, l’équivalent d’une plate-forme pétrolière compactée dans le volume d’un dé à coudre !
…aux supernovas
Le cœur de l’étoile, désormais constitué de neutrons, se réduit à une petite sphère d’une dizaine de kilomètres de diamètre : une étoile à neutrons vient de se former, sur la surface rigide de laquelle le reste de l’étoile en effondrement vient s’écraser. La violente compression qui en résulte produit une onde de choc qui remonte à travers les couches externes de l’étoile. Son passage chauffe la matière à des températures supérieures au milliard de degrés et provoque des réactions de fusion qui produisent des éléments lourds, notamment du nickel et du cobalt radioactifs. Quand l’onde de choc atteint la surface, la température s’élève brutalement et l’étoile entière explose, éjectant les éléments qui la composent à des vitesses pouvant atteindre plusieurs dizaines de milliers de kilomètres par seconde. Cet événement, appelé « supernova », marque la mort d’une étoile massive.
Ressource multimédia
Explosion de la Supernova SN2014J
Explosion de la Supernova SN2014J - © ESA/ATG medialab
La supernova SN2014J a explosé en 2014. Grâce aux observations du satellite Integral, de l’ESA, qui détecta les rayons gammas des éléments radioactifs synthétisés durant l’explosion, les astrophysiciens ont eu la preuve que ce type de supernova est bien dû à l’explosion d’une naine blanche accrétant de la matière d’une étoile compagnon.
Cette séquence de vues d’artiste représente ces différentes étapes. L’image 1 montre une naine blanche, étoile dont la masse est voisine de celle du Soleil mais comprimée dans un volume équivalent à celui de la Terre, qui capte la matière d’une étoile compagnon.
Les mesures du satellite Integral suggèrent qu’une ceinture de gaz entoure l’équateur de la naine blanche (image 2).
Cette ceinture gazeuse détone (image 3) et déclenche l’explosion de l’étoile en supernova (image 4). La matière transformée par l’explosion entre en expansion rapide (image 5) et finit par devenir transparente aux rayons gammas (image 6).
Modélisation de supernova © DR
Enrichir l’univers
L’influence des supernovas sur le milieu interstellaire se fera sentir pendant des millions d’années, car cette explosion propulse les noyaux synthétisés durant toute la vie de l’étoile, ainsi que ceux qui furent produits lors du passage de l’onde de choc.
Petit à petit, les supernovas enrichissent ainsi le milieu interstellaire en nouveaux noyaux, qui entreront dans la composition de futures étoiles et de leurs éventuelles planètes.
Absents au début de l'Univers, ces noyaux lourds ne représentent aujourd'hui que 2 % des atomes de matière. Les noyaux rencontrés sur Terre sont quasiment tous issus de la nucléosynthèse stellaire, et le fer ne provient que des supernovas.
Les chercheurs ont longtemps cru que les supernovas offraient les bonnes conditions pour former les noyaux plus lourds que le fer, au moment de l’explosion, lorsque des noyaux lourds sont exposés à un intense flux de
neutrons.
Selon la masse initiale de l’étoile, l’implosion du cœur de fer laisse subsister un objet compact nommé étoile à neutrons. Des modèles développés ces dix dernières années suggèrent que la formation des éléments les plus lourds, comme l'or, nécessite la rencontre de deux étoiles à neutrons pour former un trou noir. Cet événement se manifeste par l’émission d’un flash de rayonnement gamma durant une fraction de seconde, un « sursaut gamma » si puissant qu’il est observable jusqu'à des distances cosmologiques.
La formation de l’or, et plus généralement des noyaux plus lourds que le fer, passerait donc par l’évolution d’étoiles beaucoup plus massives que le Soleil dont l’explosion donne naissance à des étoiles à neutrons, puis par la
coalescence explosive de ces étoiles à neutrons en un trou noir. On comprend pourquoi l’or est cher : il est rare et l’Univers a beaucoup peiné pour le produire !
Nous sommes tous constitués
de poussières d’étoiles.
Les différents types de supernovas
À la classification spectroscopique traditionnelle (avec ou sans hydrogène dans le spectre) s’est substituée récemment une distinction physique caractérisant le mode d’explosion : thermonucléaire ou gravitationnel.
Les supernovas thermonucléaires
Lorsque deux étoiles cohabitent, elles tournent autour de leur centre de gravité commun en un système binaire.
Les supernovas thermonucléaires surviennent dans les systèmes binaires formés d’une géante rouge en fin de vie et d’une naine blanche. La matière de la première peut tomber sur la seconde ; lorsque la masse de la naine blanche atteint 1,4 fois celle du Soleil, elle devient instable, s’effondre et explose.
Toute la matière est dispersée dans l’espace, il ne reste rien au centre de la supernova.
Les supernovas gravitationnelles
Une supernova gravitationnelle correspond à l’explosion d’une étoile massive en fin de vie. L’implosion de son cœur, devenu instable au moment de la combustion du silicium en fer, est rapidement suivie de l’expulsion de son enveloppe. Cet effondrement gravitationnel central libère une fabuleuse énergie (des milliards de fois supérieure à la luminosité de notre Soleil !), essentiellement sous forme de neutrinos. Seul un dix millième de l’énergie totale se manifeste sous forme de lumière visible.
Ces deux variétés de supernovas (thermonucléaires et gravitationnelles) ne produisent pas les éléments dans les mêmes proportions, et ne se produisent pas au même rythme (une thermonucléaire pour cinq gravitationnelles). Les supernovas gravitationnelles produisent en quantité les éléments entre le carbone et le calcium, l’oxygène étant le plus abondant, alors que les thermonucléaires fournissent le fer et les éléments voisins.
Dernières supernovas étudiées
Une supernova peut être visible à l’œil nu depuis la Terre si elle explose dans le périmètre de notre galaxie ou dans les galaxies satellites. Les observatoires et les satellites du monde entier pointent alors immédiatement leurs instruments et leurs détecteurs dans sa direction.
© ESA
C’est arrivé en février 1987 quand la supernova, baptisée
SN1987A, est apparue dans le Grand nuage de Magellan. Elle a permis, en raison de sa proximité d’effectuer une vaste moisson de résultats scientifiques.
Plusieurs rayonnements émis ont pu être observés : la lumière visible, les ondes radio, l’ultraviolet et l’infrarouge. Pour la première fois, un flux de neutrinos a pu être détecté et mesuré.
C’était une supernova gravitationnelle.
© NASA
En septembre 2006, la
supernova SN2006gy, dans la galaxie NGC 1260 de la constellation de Persée, a fait sensation quand elle est apparue dans le ciel.
Son pic de luminosité était cent fois plus important que celui d'une supernova classique et cette luminosité s'est prolongée pendant plus de trois mois. Elle pourrait résulter de l'explosion d'une étoile dont la masse dépasserait 100 fois celle du Soleil.
© ESA
La
supernova SN2014J a été détectée en janvier 2014, fruit d’une explosion d’étoile dans la galaxie du Cigare, à seulement 11,5 millions d’années-lumière de la Terre.
Son étude va permettre de peaufiner les modèles informatiques.