Analyse des signaux
Les séismes, les vagues, le vent, les éruptions volcaniques, les tirs de carrière, les trains, la circulation routière, les explosions peuvent chacun provoquer des mouvements du sol, des ondes sismiques. Les signaux seront d’amplitudes et de fréquences différentes en fonction de l’énergie de l’événement, de sa distance et de sa nature. La géologie des milieux traversés par les ondes modifie également leurs caractéristiques…
Lorsque des signaux sont reçus sur les capteurs et transmis au centre de traitement situé au CEA DAM Ile-de-France, à Bruyères-le-Chatel, ils sont analysés automatiquement par des logiciels informatiques pour rechercher l’origine, principalement la localisation et la magnitude du séisme qui les a engendrés.
L’objectif prioritaire est d’alerter les autorités locales et la population le plus rapidement possible. En cas d’événement suffisamment fort, un analyste d’astreinte est automatiquement appelé et apporte son expertise pour affiner ou valider ces résultats, puis prévenir les autorités. Toutes ces analyses sont ensuite archivées dans des bases de données qui sont essentielles pour enrichir notre connaissance en sismologie et pour étudier l’aléa sismique. Le premier objectif du travail d’analyste consiste à reconnaître les
sismogrammes – les signaux utiles –, dans les enregistrements continus. La deuxième étape sera de reconnaître les différentes ondes dans cette séquence constituant le signal enregistré :
les ondes P (primaires) sont des ondes de compression. La propagation de l’onde est parallèle au déplacement du sol qui est successivement dilaté et comprimé. Ce sont les plus rapides, de l’ordre de 6 km/s (dans les couches de terrain proches de la surface), et celles que le sismographe perçoit en premier.
- les
ondes S (secondaires) sont des ondes de cisaillement. Les roches sont cisaillées et travaillent en distorsion, entraînant des vibrations perpendiculaires au sens de propagation de l’onde. Elles sont plus lentes que les ondes P.
- les
ondes L ou R, dites « ondes de surface », se propagent à la surface de la Terre et sont les plus destructrices.
Les ondes sélectionnées sont liées à un événement important: séisme, explosion… Reste à déterminer sa localisation, sa magnitude et sa nature.
© Yuvanoé/CEA
Localisation par les ondes
En réalité,
la reconnaissance du type d’ondes ne suffit pas à localiser l’événement. Il est aussi nécessaire d’identifier le trajet parcouru par l’onde entre l’épicentre et la station. La structure interne de la Terre est répartie en plusieurs enveloppes successives, dont les principales sont la croûte terrestre, le manteau et le noyau. Au début de l’histoire de la sismologie, pour repérer ces couches, les sismologues ont utilisé les ondes sismiques et une loi : un changement rapide et brutal des caractéristiques d’une onde sismique est un indice fort indiquant qu’il y a changement de milieu, donc de couche. Cette méthode a permis de déterminer l’état de la matière à des profondeurs que l’homme ne peut atteindre, le plus profond sondage géologique étant à ce jour de 12 km.
Chaque couche a ainsi pu être modélisée en termes de vitesse et d’atténuation des ondes sismiques et participe ainsi à une représentation de la Terre qui est intégrée aux méthodes de localisation. Toutes les stations de mesures sont dotées d’une référence horaire GPS qui permet de dater avec une grande précision les signaux transmis aux analystes. Les temps d’arrivée des ondes sont mesurés en
temps universel. Ensuite,
connaissant la position des capteurs sismiques sur la Terre, l’origine de l’événement peut être calculée selon plusieurs méthodes, comme la triangulation.
Les événements artificiels comme les tirs de carrière se produisent à la surface du globe (ou pas très loin). En revanche, les séismes, eux, peuvent être beaucoup plus profonds. On distingue usuellement :
- les séismes peu profonds, dits de surface, qui se situent entre 0 et 60 km;
- les séismes intermédiaires qui se produisent entre 60 et 300 km ;
- les séismes profonds qui se localisent entre 300 et 700 km.
La magnitude, mesure de l’énergie
La magnitude mesure l’énergie dégagée lors d’un séisme ou d’une explosion. L’échelle de Richter, la plus connue et la plus utilisée, indique la magnitude à partir de la mesure de l’amplitude du mouvement du sol, déterminée d’après l’enregistrement obtenu sur un sismomètre d’un type particulier (Wood-Anderson) à 100 kilomètres de l’épicentre. Créée en 1935 par Charles Francis Richter et Beno Gutenberg, il s’agit d’une
échelle logarithmique: les ondes sismiques d’un séisme de magnitude 6 ont une amplitude dix fois plus grande que celles d’un séisme de magnitude 5 et un séisme de magnitude 6 libère environ trente fois plus d’énergie.
Contrairement à une idée reçue, l’échelle est ouverte et sans limite supérieure. Toutefois, les séismes de magnitude 9 sont exceptionnels, le plus fort jamais mesuré a atteint la valeur de 9,5 et s’est déclenché le 22 mai 1960 au Chili. Une magnitude 10 semble être une limite raisonnable si l’on tient compte de la solidité des roches et de la fragmentation des
failles. Pour les explosions, on traduit la magnitude en énergie ramenée en tonnes de TNT (explosif). Pour décrire les dégâts d’un séisme, on utilise des échelles dites d’intensité, comme l’échelle de Mercalli ou l’échelle MSK.
L’intensité, de I à XII
Dégâts provoqués par un séisme. © Photodisc
Station sismique installée dans les Alpes. © CEA
L’intensité décrit les effets dus à un séisme sur une échelle allant en général de I à XII. Elle dépend de la distance par rapport à l’épicentre. Pour une intensité égale à I, le séisme n’est pas ressenti. À VI, les cheminées des habitations tombent. À partir de IX, les dégâts sont très importants ; ce fut le cas lors du séisme de Kobé au Japon, en janvier 1995. À XI, la ruine est quasi totale, à XII toutes les constructions sont détruites et les paysages sont complètement bouleversés.
Séisme, explosion ou éruption ?
L’observation des ondes sismiques, la localisation de l’événement et sa magnitude vont permettre aux analystes d’en déterminer la nature. Ils ont pu ainsi dégager les principes suivants:
-
un séisme est la libération brutale, par un déplacement le long d’une faille, de l’énergie accumulée par les lents mouvements des plaques tectoniques. L’émission des ondes sismiques est conditionnée par l’orientation de ces failles, produisant ainsi, à distances égales, des amplitudes différentes en fonction de l’orientation de la station par rapport à la faille. Notons aussi que les très fortes magnitudes sont toujours d’origine sismique.
- une
explosion produit de l’énergie pendant un temps très bref, rayonnée dans toutes les directions. De plus, ce sont principalement des ondes de compression qui sont émises.
- la majorité des
éruptions volcaniques génère une énergie sismique très faible, bien qu’une éruption de type phréato-magnétique comme celle du mont Saint Helens (État de Washington) de 1980 ait pu être enregistrée par des appareils distants de plusieurs centaines de kilomètres. Mais la surveillance des volcans est en général réalisée par un ensemble de capteurs assurant des mesures variées (composition chimique des gaz, pression…) permettant parfois d’identifier des signes précurseurs et d’évacuer les populations concernées.
En fonction des cas, notamment pour des signaux extrêmement faibles, des analyses approfondies sont nécessaires pour aboutir à une détermination sûre.
MAGNITUDE | DESCRIPTION | EFFETS CONSTATES | FREQUENCE DANS LE MONDE |
moins de 2,0
| Micro
| Microséisme, non ressenti.
| 8 000 par jour |
2,0 à 2,9
| Très mineur
| Généralement non ressenti, mais détecté par les sismographes.
| 1 000 par jour
|
3,0 à 3,9
| Mineur | Sauvent ressenti, causant très peu de dommages.
| 50 000 par an
|
4,0 à 4,9
| Léger | Objets secoués à l'intérieur des maisons, bruits de chocs, quelques dommages.
| 6 000 par an
|
5,0 à 5,9
| Modéré | Dommages légers à majeurs selon les habitations.
| 800 par an
|
6,0 à 6,9
| Fort | Destructeur dans des zones jusqu'à environ 180 km de l'épicentre.
| 120 par an
|
7,0 à 7,9
| Majeur | Dommages sévères dans des zones plus vastes.
| 18 par an
|
8,0 à 8,9
| Important | Dommages sérieux dans des zones à des centaines de km de l'épicentre.
| 1 par an
|
9,0 et plus
| Exceptionnel | Dommages très sérieux dans des zones à des centaines de km de l'épicentre.
| 1 à 5 par siècle
|
Paysage dévasté par un séisme. © Photodisc
Paysage côtier suite au passage d’un tsunami.
© Photodisc
L’archivage des données
Toutes les analyses et tous les signaux sont archivés.
L’Institut de physique du globe de Strasbourg possède des données instrumentales et des intensités pour la France, l’Afrique du Nord et quelques pays étrangers depuis le début du XXe siècle. Au Département analyse, surveillance, environnement du CEA (Dase), la base de données remonte aux années 1960. Elle s’enrichit de 200 000 mesures par an, correspondant à environ 7 000 événements, dont 3 500 sont situés en France et en Europe proche, recueillies par le réseau de 40 capteurs répartis sur le territoire français. En croisant les données historiques comme les écrits et les témoignages, les scientifiques peuvent identifier des séismes bien plus anciens. Les informations ne sont pas aussi précises que celles enregistrées par un capteur, mais elles permettent d’évaluer le risque sismique dans des zones où ils ne surviennent que tous les cent ans, voire plus…
L’activité sismique française la plus forte se situe en Guadeloupe et en Martinique. En France métropolitaine, elle n’est pas aussi importante que dans d’autres régions du globe, comme le Japon, la Californie, la Grèce, la Turquie… C’est une région à sismicité faible. Cependant, les risques restent présents : le séisme de Lambesc (Provence) en 1909 a détruit plusieurs villages et a fait 40 morts. D’autres séismes importants ont eu lieu : Arette (Pyrénées-Atlantiques) en 1967, Oléron (Charente-Maritime) en 1972, Bonneville (Haute-Savoie) en 1994, Rambervilliers (Vosges) en 2003 ou encore Lourdes (Hautes-Pyrénées) en 2006. Ces séismes sont la conséquence du rapprochement entre l’Afrique et l’Eurasie.
Toutes ces informations sont utilisées pour de très nombreuses études, comme:
- l’amélioration de la localisation et la détermination de la magnitude des séismes actuels ;
- l’augmentation de la sensibilité des analyses pour permettre de mieux caractériser les détails des sources sismiques ;
- l’établissement de la carte des risques sismiques ;
- l’approfondissement des connaissances de la Terre.
Ce signal, dû au séisme de Sumatra, a été enregistré à la station de Flers, située dans l’Orne.