L'industrie spatiale fait face à une vague de changements importants et à un essor des activités spatiales qui s'accompagne d'une augmentation des besoins en énergie photovoltaïque pour les orbites géostationnaires.
Les missions spatiales nécessitent en effet, de plus en plus souvent, une alimentation électrique supérieure à 25 kW pour la propulsion électrique solaire ou encore la communication à haut débit. Et donc les exigences en matière de puissance augmentent en Watt/kg, Watt/m² et Watt/m3. Le volume des lanceurs spatiaux reste lui restreint et limite le nombre et l'encombrement des panneaux solaires rigides embarquables. Face à cette contrainte, la réponse aux besoins de puissance croissants ne réside ni dans l'empilement de nombreux panneaux solaires rigides, ni dans des améliorations marginales de l'efficacité des cellules solaires, mais plutôt dans des solutions novatrices telles que les panneaux photovoltaïques (appelés PVA ou photovoltaic arrays dans le secteur) minces et flexibles.
Les PVA spatiaux classiques sont fabriqués avec une architecture épaisse et rigide, qui utilise une structure aluminium en nid d'abeille, sur laquelle sont collées des cellules protégées individuellement par des verres (coverglass). Ces PVA ont généralement une épaisseur supérieure à 20 mm, ce qui limite leurs performances en Watt/kg et Watt/m3. Cette limitation peut être résolue en passant à des PVA fins et flexibles.
Figure : Schéma de la composition standard des panneaux
solaires spatiaux rigides, avec des cellules et coverglass individuels collés
sur substrat en nid d'abeille
Il y a trente ans déjà, l'Agence spatiale européenne (ESA) avait développé les premiers PVA flexibles pour le télescope spatial Hubble. Aujourd'hui, cette piste est poursuivie activement aux États-Unis, avec par exemple les PVA Ultraflex sur le vaisseau Cygnus d'Orbital ATK en 2011 ou ROSA (Roll-Out Solar Array Experiment) testé en 2017 et monté sur la Station spatiale internationale en 2021.
Le projet H2020 ALFAMA développe une solution européenne de PVA flexible.
Le travail réalisé par le CEA à l'INES, dans ce cadre, se concentre sur la conception et la fabrication des architecture PVA minces et flexibles, dédiés à des tests de vibration et de déploiement.
Les contraintes de l'environnement spatial imposent la sélection de matériaux appropriés pour concevoir une architecture robuste. Les matériaux doivent être résistants au vide, aux cycles thermiques et aux irradiations. Plusieurs conceptions ont été étudiées, dans le cadre du projet, avec différentes masses et épaisseurs. Le projet visant également l'utilisation de procédés innovants et peu coûteux issu de l'industrie photovoltaïque terrestre, nos chercheurs ont développé un procédé de lamination pour les différents concepts étudiés.
Le CEA à l'INES vient de réaliser deux démonstrateurs grande taille de voiles solaires (panneaux solaires photovoltaïques spatiaux pliables de grande surface), de la conception à la fabrication, soit une montée en TRL du concept au niveau 4.
Ces démonstrateurs utilisent les bases de procédés éprouvés et à faible coût, issus l'industrie photovoltaïque terrestre, comme la lamination grande surface, et leur extrême finesse (< 1 mm) permet d'augmenter les cibles de puissance spécifique.
Le premier grand générateur solaire d'une surface de 3,7 m², fin et pliable, a été réalisé pour effectuer un test de vibration qui simule l'environnement d'un lanceur spatial. Il a passé avec succès ce test de vibration réalisé dans les installations de l'ESTEC (Centre européen de technologie spatiale).
Un deuxième démonstrateur plus grand, d'une surface supérieure à 5m², a été fabriqué a été réalisé afin de valider la fonction pliable du concept par un test de déploiement (à venir). L'inspection visuelle et l'imagerie par électroluminescence confirment l'intégrité mécanique et électrique de ces grands coupons innovants.
Figure : Étape de pliage après la fabrication d'une partie du générateur solaire dédié au test de vibration (Gauche) et d'une des quatre voiles du grande PVA réalisée pour le test de déploiement - Une voile pèse au total 1,30 kg, mesure 1,69 m² et fait 4 cm d'épaisseur une fois pliée. Un sous-module composant cette voile pèse, avec cellules fonctionnelles, environ 140 g.
Dans les mois à venir, les quatre grandes voiles du deuxième démonstrateur seront couplées avec le mécanisme télescopique développé par ADS NL ce qui permettra d'achever le test de déploiement.
Les travaux futurs se concentreront ensuite sur l'amélioration de la fiabilité du concept et des processus de fabrication, sur leur adaptation pour les futures générations de cellules ultra-minces, ainsi que sur des tests de vieillissement de ces PVA en environnement représentatifs sur terre et dans l'espace.