En anglais, on appelle ça un « game changer ». Autrement dit, un battement de cartes, un bouleversement, une révolution. Tôt ou tard, la venue au monde d’un
ordinateur quantique semble inéluctable. Son arrivée offrira des opportunités nouvelles, inaccessibles aux ordinateurs classiques. Il permettra aussi de casser les clés de chiffrement sur lesquelles reposent la sécurité de certaines de nos communications et opérations bancaires actuelles (pour ne citer qu’elles). Au point que certains gouvernements sauvegardent déjà les messages cryptés qu’ils interceptent aujourd’hui, dans l’attente d’avoir le moyen de les décoder demain. «
C’est quand même une première, nos communications cryptées actuelles sont sous la menace d’une technologie qui n’existe pas encore ! », commente Nicolas Sangouard chercheur au CEA-IPhT.
Boîtes noires et autres clés quantiques
Quand l’ordinateur quantique verra-t-il le jour ? Difficile d’apporter une réponse tranchée, mais les efforts qui y sont consacrés sont en pleine accélération. «
Rendez-vous compte,
le plan quantique dévoilé par le président en janvier 2021 s’élève à 1,8 milliard d’euros d’investissement. C’est gigantesque pour un sujet si spécifique. Ajoutez à cela le milliard injecté en 2018 par la Commission européenne pour les technologies quantiques. IBM, Google, Microsoft ont des centres dédiés. Les connaissances se développent à une vitesse impressionnante » décrit Nicolas Sangouard. Pour le CEA, de tels efforts augurent d’un soutien fort aux équipes en place, déjà nombreuses. Qu’il s’agisse des recherches sur l’ordinateur quantique ou sur les communications quantiques. Car ce que la physique quantique prend d’une main, elle le rend de l’autre.
En exploitant certaines propriétés quantiques, telle que l’intrication quantique, une cryptographie dont les garanties de sécurité sont démontrables contre des attaques utilisant un ordinateur quantique devient possible. C’est d’ailleurs l’objet des recherches menées à l’IPhT : développer des protocoles pour la cryptographie quantique avancée qui déboucheront sur des communications sécurisées. En 2020, ces travaux ont permis de breveter un protocole de distribution de clés quantiques sûr, et ne nécessitant aucune hypothèse sur les appareils utilisés. «
Une sorte de boîte noire, résume Nicolas Sanguard.
Ne pas dépendre des instruments implique qu’on peut les faire fabriquer chez n’importe qui, même chez ceux en qui l’on n’a aucune confiance ». Capital.
La battle de l’ordinateur et de la cryptographie quantique
Qui de l’ordinateur et de la
cryptographie quantique emportera la course ? «
Dans des versions assez basiques, la distribution de clés quantiques est déjà disponible, faisant en passant le succès de plusieurs startups », rassure Nicolas Sangouard. Ainsi se dessinent les premiers contours d’un internet quantique, vaste et 100% sécurisé.