Le champ magnétique des étoiles est engendré par les mouvements convectifs turbulents du fluide conducteur présent dans leur cœur (par effet dynamo1). Celui du Soleil se renverse tous les onze ans, phénomène qui s’accompagne de phénomènes éruptifs très énergétiques, pouvant dégrader des systèmes électriques et de communications sur Terre ou à bord de satellites. D’autres étoiles présentent aussi des cycles magnétiques, d’une année à plusieurs dizaines d’années.
Une collaboration internationale incluant le CEA, le CNRS et l’Université Paris Diderot2 a simulé en 3D l’intérieur d’étoiles semblables au Soleil afin d’expliquer l’origine des cycles de leur champ magnétique. Les scientifiques ont mis en évidence l’existence d’une rétroaction forte entre le champ magnétique de l’étoile et les écoulements qui l’animent, dont un important « profil de rotation interne ». Les modulations temporelles de cette rotation interne déterminent en définitive la période du cycle. La découverte de cette loi d’échelle sur la période du cycle magnétique d’une étoile à partir de simulations 3D turbulentes auto-cohérentes (voir encadré) est une première mondiale. Ces résultats, obtenus grâce aux grands calculateurs GENCI, PRACE et ComputeCanada, sont publiés dans la revue Science.
La force des simulations auto-cohérente
En physique, une simulation auto-cohérente, ou modèle ab initio, garantit un modèle basé sur les principes premiers de la physique ne faisant intervenir aucun paramétrage ad-hoc. En particulier, les champs magnétiques et les écoulements à l'intérieur de l'étoile évoluent ici de façon conjointe et sont interdépendants, ce qui a permis aux chercheurs de mettre en lumière ce mécanisme nouveau à l’origine des cycles magnétiques stellaires.Les simulations du magnétisme des étoiles de type solaire permettront de préparer l’exploitation scientifique des missions Cosmic Vision de l’ESA Solar Orbiter et PLATO, dont les lancements sont respectivement prévus en 2018 et 2024. Elles renouvellent l’interprétation théorique des cycles magnétique stellaires et replacent l’étude du Soleil au cœur de notre compréhension de la dynamique des étoiles.
Une dynamo fondamentalement non-linéaire
1 L'effet dynamo consiste en la génération spontanée d’un champ magnétique au sein d'un liquide conducteur en mouvement.
2 Au sein du laboratoire Astrophysique, instrumentation, modélisation (AIM) à Paris-Saclay.
3 C’est-à-dire le long des méridiens.
4 C’est-à-dire le long des parallèles.
5 Le nombre de Rossby mesure le rapport entre les forces d’inertie et la force de Coriolis qui s'applique à un fluide dans un repère tournant. Un faible nombre de Rossby correspond à une situation où l’effet de la rotation (Coriolis) domine l'advection du fluide, comme dans le cas par exemple de la circulation océanique globale sur Terre.
Si on zoome sur le cœur du Soleil, on observe aussi au sein du fluide conducteur, en plus de mouvements à grande échelle, un écoulement turbulent multi-échelles, issu de l’instabilité de la convection. Celui-ci est localisé dans la coquille sphérique externe de notre étoile, de 0,7 rayon solaire jusqu’à la surface. L’ensemble de ces deux types d’écoulements, à grande échelle et multi-échelles, joue un rôle essentiel dans la restructuration périodique du champ magnétique via ses composantes poloïdales3 et toroïdales4. Un mécanisme complexe, aujourd’hui bien compris, permet ainsi « d’auto-entretenir » un champ magnétique global de grande échelle. Dans certains cas, comme pour le Soleil, ce champ magnétique global oscille sur une période décennale. Grâce à leurs simulations, les chercheurs ont pu montrer que la rotation de l’étoile influence l’efficacité du transfert d’énergie (non-linéaire) entre certains écoulements à grande échelle et le champ magnétique. Ce phénomène détermine ultimement la période du cycle, qui décroit avec le nombre de Rossby5, un nombre sans dimension très utilisé en dynamique des fluides géophysiques.
Observation du champ magnétique azimutal, en fonction de la latitude et du temps. On observe que le champ magnétique se renverse régulièrement et oscille entre des phases symétriques (même signe de part et d’autre de l’équateur par exemple entre 100 et 140 ans) et antisymétriques (signe opposé par exemple entre 240 et 320 ans) par rapport à l’équateur. © DAp/CEA-AIM-Université de Montréal
Simulation du champ magnétique autour du Soleil. Voir également plus bas pour une simulation en réalité virtuelle de l'intérieur d'une étoire de type solaire montrant les mouvements de convection qui l'animent.
Le cycle magnétique des étoiles de type solaire
Grâce à différents programmes d’observations, les chercheurs disposent aujourd’hui d’informations sur la durée des cycles magnétiques d’étoiles de type solaire, dont ils connaissent souvent la luminosité avec une bonne précision, en plus de leur rotation et de leur cycle magnétique. En observant de plus en plus d’étoiles, les astrophysiciens espèrent affiner ce nouveau scénario de l’origine du cycle magnétique des étoiles.
Ratio de la période du cycle magnétique et de la période de rotation en fonction du nombre de Rossby dans les simulations 3D turbulentes (à gauche). Une loi de puissance qui décroit avec le nombre de Rossby est obtenue du fait de la forte non-linéarité de la dynamo opérant dans ces simulations. A droite, on observe le même ratio en fonction de la luminosité de l’étoile (normalisée à la période de rotation de l’étoile). Dans ce diagramme sont ajoutés le Soleil (cercle mauve avec un point en son centre) et d’autres étoiles de type solaire (étoiles cyan, losanges orange) pour lesquelles un cycle magnétique a été observé. Les étoiles jumelles du Soleil sont surlignées en mauve. Les simulations (disques bleu) croisent le point solaire sans ajustement de paramètres. Les lignes brisées verticales correspondent à des étoiles pour lesquelles deux périodicités magnétiques ont été identifiées. © DAp/CEA-AIM-Université de Montréal