Plusieurs maladies génétiques rares provoquent un vieillissement précoce et accéléré. Aucun traitement n’est disponible à ce jour pour ces pathologies, dont l’étude peut également renseigner sur les mécanismes du vieillissement normal. Une de ces maladies, le syndrome de Cockayne (CS), a une incidence d’environ 2,5 par million de naissances, et est associé à une durée de vie de moins de sept ans pour la forme la plus sévère. Les enfants atteints du syndrome de Cockayne ont des signes graves de vieillissement précoce comme la perte de poids, de cheveux, de l’audition et de la vue, ainsi que des déformations faciales et une neurodégénérescence.
Le syndrome de Cockayne est causé par des mutations dans deux gènes impliqués dans la réparation des dommages de l’ADN dus aux rayons ultraviolets (UV). Les patients CS sont en effet hypersensibles à la lumière du soleil (fréquents coups de soleil). Depuis des décennies, on pensait que le défaut de réparation de l’ADN était le responsable majeur du vieillissement précoce dans cette maladie.
En comparant les cellules de patients CS et celles d’un autre syndrome apparenté mais pour lequel les patients sont uniquement hypersensibles aux UV, l’équipe de Miria Ricchetti (Institut Pasteur) avec Laurent Chatre (CNRS, à l’Institut Pasteur), en collaboration avec Alain Sarasin (CNRS, à l’Institut Gustave Roussy) et Denis Biard (CEA), ont découvert que les défauts des cellules CS sont dus à une production excessive d’une protéase (HTRA3) induite par le stress oxydatif des cellules. Dans les cellules CS, HTRA3 dégrade un élément clé de la machinerie responsable de la réplication de l’ADN des mitochondries, les centrales énergétiques de la cellule, perturbant ainsi l’activité mitochondriale.
Jusqu’à présent la neurodégénérescence et le vieillissement étaient en grande partie attribués aux dommages infligés aux cellules par les radicaux libres produits par les mitochondries. Cette nouvelle étude démontre que les radicaux libres activent aussi l’expression d’une protéine HTRA3, dévastatrice pour les mitochondries. Cette attaque au cœur des mitochondries est un élément clé de la dégénérescence des cellules issues de malades atteints de vieillissement précoce.
Reconstruction 3D d'un fibroblaste primaire provenant de la peau d'un patient atteint du syndrome de Cockayne : les mitochondries sont colorées en vert, le noyau en bleu et le réseau d'actine (« squelette » de la cellule) en rouge. © Institut Pasteur
Grâce à deux nouvelles stratégies thérapeutiques, utilisant un inhibiteur de cette protéase HTRA3 ou un antioxydant à large spectre qui capture les radicaux libres, les scientifiques ont réussi à restaurer un niveau normal de cette protéase. Ainsi, la fonction mitochondriale dans les cellules des patients CS est restaurée. Cette avancée ouvre la voie à de nouvelles approches thérapeutiques, qui pourront être testées prochainement chez les patients, et apporte de nouveaux outils de diagnostic.
Une demande de brevet a été déposée par l’Institut Pasteur, le CNRS, le CEA et l’IGR visant des méthodes de diagnostic et de thérapie du vieillissement précoce mettant en œuvre la protéase HTRA3.
Ces mécanismes défectueux pourraient aussi se produire, à une vitesse plus lente, dans les cellules saines, conduisant ainsi au vieillissement physiologique. Le développement de stratégies thérapeutiques ciblant les maladies du vieillissement précoce pourrait donc ouvrir de nouvelles perspectives de recherche pour des thérapies préventives des pathologies liées au vieillissement.
Ces travaux ont bénéficié du soutien de l’Institut Pasteur, de l’Agence Nationale de la Recherche et de l’Association Française des Myopathies.