Pour concilier les besoins en eau des filières agricole et agroalimentaire avec ceux de la société en général, et s’assurer d’un cycle de l’eau le plus vertueux possible, trois axes sont explorés : rationnaliser l’usage de l’eau,
améliorer sa qualité, la revaloriser ou la réutiliser chaque fois que possible. Le CEA est partie prenante de ces recherches, à la fois grâce à ses travaux sur la
biodiversité et en biologie fondamentale à différentes échelles – de la molécule à l’organisme et jusqu’aux écosystèmes – mais aussi avec les dispositifs technologiques qu’il développe dans le champ du numérique au bénéfice des industriels, notamment via les start-up qu’il crée ou soutient.
Faire bon usage de l'eau
Alors que l’eau est indispensable à la production agricole et agroalimentaire, rationaliser sa consommation est crucial pour préserver l’environnement, améliorer l’efficacité économique et assurer la disponibilité de cette ressource vitale dans les années
qui viennent et pour les générations futures.
En optimisant l’utilisation de l’eau, nous protégeons les écosystèmes aquatiques, réduisons les coûts de production et renforçons la résilience du secteur face aux changements climatiques. C’est un engagement responsable envers notre planète et notre avenir »,
note Florine Varin, responsable des partenariats dans les secteurs de l’agriculture et l’agroalimentaire pour le CEA.
Pour les agriculteurs, cela signifie réduire leurs besoins en irrigation et faire évoluer leurs pratiques.
Mais comment inscrire cette sobriété dans la durée ?
Différentes solutions existent :
- opter pour des cultures plus économes en eau
- gérer de manière responsable celles qui en sont particulièrement gourmandes, comme le maïs ;
- mettre en place de nouveaux modes de production, en améliorant par exemple les systèmes d’irrigation existants grâce la mise en place de technologies plus efficaces pour réduire les pertes d’eau notamment dues à l’évaporation,
- ajuster les besoins en eau en fonction des conditions météorologiques et de celles des cultures.
pour optimiser la gestion d'eau, un des leviers : ajuster les besoins en eau en fonction des conditions météorologiques et de celles des cultures. © Dusan Kostic - Adobe Stock
Quatre leviers d'action
Pour répondre à ces problématiques, le CEA explore quatre leviers d’action :
la gestion des flux, l’amélioration des procédés, l’optimisation des sols et des plantes, et la production d’eau.
Dans le premier cas, il s’agit de mettre en œuvre une approche globale permettant d’identifier les meilleurs compromis en matière de combinaison de solutions techniques pour faire des économies d’énergie et d’eau. Sur les procédés, une première voie consiste à développer le
jumeau numérique d’une installation pour aider à identifier ses sources de consommation et les optimiser ensuite.
Une deuxième est basée sur des modèles d’IA permettant la reconnaissance d’images pour détecter des fuites d’eau, quand la troisième vise à concevoir des briques numériques pour le suivi de culture, par exemple la récupération d’énergie des écoulements d’air à bas débit et des écoulements d’eau à faible perte de charge.
Pour les sols et les plantes, l’objectif est double : d’une part,
renforcer la résistance des plantes à la sécheresse et au stress hydrique, d’autre part
améliorer l’efficacité de leur photosynthèse, grâce à des molécules spécifiquement mises au point pour limiter leurs besoins en eau et le recours aux engrais de synthèse. C’est tout le travail de la
start-up BioIntrant qui bénéficie de l’expertise du CEA et du CNRS.
Enfin, de l’eau peut être produite en adaptant des technologies éprouvées, comme celles initialement conçues pour le traitement des boues hydrothermales ou pour le dessalement d’eau de mer à partir d’une source de chaleur vers 70 °C – c’est l’objectif du projet Solmed.
Solmed : dessaler l'eau à moindre coût
Produire de l’eau douce à partir d'eau de mer avec un impact environnemental minimum, c’est l’ambition du projet Solmed, porté par le CEA. En utilisant des matériaux polymères combinés à une source d’énergie solaire, le prototype en cours de développement est basé sur un procédé de distillation de
l’eau de mer pour obtenir de l’eau « propre ». Les premiers résultats montrent un très bon niveau de pureté de l’eau produite.
Préserver la pureté de l'eau
Comme la quasi-totalité des activités économiques, l’agriculture a un impact sur la qualité de la ressource en eau. Si des changements de pratiques s’imposent, des techniques innovantes permettent aussi de préserver la qualité et la quantité d’eau utilisée.
Au sein de la plateforme TeQPA, nous développons des capteurs et protocoles de mesures en s’appuyant sur des briques technologiques issues des instituts de recherche du CEA, pour les besoins spécifiques des professionnels de l’agriculture et de l’agroalimentaire », souligne
Marie Jaspart-Uloa, responsable du développement des partenariats industriels du CEA en Bretagne pour la filière agri-agro.
Ainsi, en exploitant les propriétés uniques du diamant – optiques, mécaniques, thermiques, acoustiques et physico-chimiques, les équipes du CEA développent des capteurs électrochimiques à la fois robustes et très sensibles, capables de
détecter par exemple des traces de métaux lourds ou de polluants pour la surveillance de la qualité de l’eau.
Des technologies qui bénéficient des procédés de fabrication issus de l’industrie de la microélectronique que le CEA maîtrise de longue date. C’est le pari que fait la
start-up grenobloise Diamsens, avec une nouvelle gamme de capteurs tirant parti des propriétés uniques du diamant.
Sonde multicapteurs pour le traitement des eaux. © Diamsens
Autre solution développée dans les laboratoires du CEA et aujourd’hui portée par Captôt : des capteurs membranaires pour détecter les polluants dans l’eau – et même dans l’eau de mer –
comme des métaux toxiques tels que le mercure et le plomb qui font partie des dix produits chimiques les plus recherchés par l’OMS dans les milieux naturels. Ces capteurs sont formés d’un réseau de tubes à l’échelle nanométrique qui permet d’adsorber l’eau telle une éponge et de piéger les ions contenus dans l’eau par affinité chimique. Un dispositif portable, simple et robuste qui offre la possibilité d’analyse sur site ou d’échantillonnage passif pour une postanalyse rapide en laboratoire.
Autant d’innovations pour préserver un bien unique : l'eau.
Prévenir la pollution des sites naturels
Brevetée dès 2008, la technologie Captôt exploite un procédé mis au point au CEA pour l’analyse de traces de métaux lourds et toxiques, sur site et en temps réel. Basée sur une détection
électrochimique, ce procédé permet de déterminer, en moins de trois minutes et de façon fiable, la nature et la teneur des ions présents dans l’eau. Un logiciel dédié permet à un utilisateur non spécialisé de l’utiliser facilement à l’aide d’un PC portable, d’une tablette ou d’un smartphone.
«
Notre ambition est de proposer, aux industriels et aux par-
ticuliers, un suivi de la qualité de leurs eaux qui soit abordable,
simple d’utilisation, fiable et suffisamment précis pour s’as-
surer que la teneur en métaux toxiques respecte les seuils
règlementaires », souligne Marie-Claude Clochard, du Labo-
ratoire des solides irradiés (CEA/École polytechnique/CNRS).
Dépolluer, recycler, réutiliser
43,3 % * des masses d’eau de surface affectées par des pollutions diffuses dont les nitrates et les pesticides et 25,4 % par des pollutions
ponctuelles, près de 80 % des points de mesures des réseaux de surveillance de la qualité des eaux souterraines concernés par
la présence d’au moins un pesticide… Ces chiffres ont de quoi donner le tournis, mais soulignent surtout l’urgence de préserver
le cycle de l’eau puisqu’il n’est pas possible de consommer davantage d’eau douce que ce que la planète est en capacité de produire.
C’est donc en produisant mieux, en consommant mieux et en valorisant les eaux usées que les ressources en eau pourront être
renouvelées en faisant s’éloigner le spectre de la pénurie. D’où la priorité mise sur la récupération des polluants qui se mêlent à
l’eau pendant son utilisation pour assurer son recyclage et sa réutilisation.
Dans cette perspective, le CEA travaille sur
trois axes complémentaires.
Le premier concerne la réduction des intrants,
notamment les produits phytosanitaires. Une équipe CEA/CNRS teste ainsi une solution de biocontrôle à base d’imogolite, un minéral argileux de la famille des aluminosilicates, capable d’encapsuler
les principes actifs de l’eau oxygénée, un biocide largement utilisé dans la protection des plantes en raison de ses propriétés fongicides et bactéricides.
Deuxième axe :
la détection de micro-organismes dans l’eau pour prévenir les contaminations. Différents dispositifs ont été mis au point dans les laboratoires du CEA comme des micro-nano capteurs de détection biologique d’Escherichia coli ou encore le monitoring de la qualité des eaux et des sols durant les phases de production de biomédicaments.
Troisième et dernier axe :
la « capture » de polluants,
en utilisant des microalgues pour traiter les eaux usées urbaines et industrielles. Il s’agit ici d’exploiter leurs capacités naturelles, d’une part à capter le CO2 ainsi que les nutriments azotés et phosphorés, d’autre part à détoxifier des polluants aquatiques comme les métaux lourds ou les composés organohalogénés (Substances chimiques organiques contenant une ou plusieurs liaisons carbone-chlore).
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Les différentes microalgues sont cultivées sur milieu gélosé dans des boîtes de Pétri, à l’intérieur de Chambres climatiques éclairées et contrôlées. © L. Godart/CEA
Les bactéries photosynthétiques sont un autre candidat prometteur pour dépolluer, de façon écologique, les effluents agricoles ;
c’est la solution proposée par la start-up
Adequabio et basée sur un procédé mis au point au CEA.
* Source
Assemblée nationale