Les lauréats,
Stanislas Dehaene,
Giacomo Rizzolatti et
Trevor Robbins, respectivement de France, d'Italie et du Royaume-Uni, ont été annoncés le lundi 10 mars 2014 à Copenhague.
Les trois scientifiques ont révélé des perspectives extraordinaires concernant l'interprétation des compétences, de la capacité mathématique, de la motivation du comportement, et des interactions sociales. Ils sont célèbres pour leur travail d'interprétation de connaissances tirées de la recherche fondamentale pour obtenir une meilleure compréhension des troubles cognitifs et comportementaux humains, ainsi que de leurs traitements. Chacun des chercheurs a réalisé des découvertes révolutionnaires concernant des mécanismes complexes liés à l'éducation, la santé mentale, et l'interaction sociale.
Des nombres à la conscience
Grâce à d'importantes recherches sur des patients ayant subi des lésions cérébrales, mais aussi par l'observation et l'imagerie cérébrale humaine,
Stanislas Dehaene, directeur de l'unité Inserm-CEA de neuro-imagerie cognitive à Gif-sur-Yvette, a découvert que les techniques de soustraction et de multiplication font appel à différents réseaux du cerveau. Il a découvert les mécanismes neuronaux liés à la perception des lettres et des mots, mais aussi l'origine des troubles de la lecture engendrés par des lésions cérébrales. Il a également développé d'ingénieuses méthodes visant à démontrer que la perception consciente d'un événement sensoriel est liée à une activité dans un réseau spécifique de régions des cortex frontal et pariétal. Dehaene a inventé un logiciel pour traiter les difficultés infantiles d'apprentissage des mathématiques et un test de perception pour les patients à différents stades de coma.
Neurones miroirs et cognition sociale
Giacomo Rizzolatti et ses collègues ont fait la découverte fondamentale de « neurones miroirs » dans les régions des lobes frontal et pariétal chez les singes. Ces neurones sont actifs lorsque l'animal exécute un mouvement particulier ou lorsqu'il voit (ou entend) un autre animal faire le même mouvement. Rizzolatti en a déduit que les neurones miroirs sont fondamentaux pour la compréhension des buts et des intentions d'autrui. Ses collaborateurs et lui-même ont utilisé des techniques spécifiques pour obtenir la preuve que les neurones miroirs existent aussi dans le cerveau humain. La découverte de neurones miroirs a dynamisé le nouveau domaine de la neuroscience sociale et amélioré la compréhension des troubles du spectre de l'autisme.
Le fondement de l'addiction, du TDAH et des TOC
Dans son travail très respecté sur les désordres cognitifs,
Trevor Robbins a utilisé des méthodes pharmacologiques, anatomiques et comportementales pour modeler la régulation du comportement chez l'animal. Il prouva que l'abus de drogues repose sur la formation d'une habitude, et pas simplement sur une privation de récompense et des mécanismes de plaisir dans le cerveau. Il montra les réseaux spécifiques du cerveau antérieur qui régulent la formation des habitudes et l'addition aux drogues, et expliqua également comment les perturbations de ce circuit peuvent mener à un trouble du déficit de l'attention avec hyperactivité et un trouble obsessionnel compulsif. Robbins possède un ferme engagement dans la recherche transnationale et il joua un rôle clé dans l'invention de la batterie informatisée de tests psychologiques CANTAB, largement utilisée pour l'évaluation clinique des troubles cognitifs.
Les lauréats
Stanislas Dehaene (48 ans) est professeur au Collège de France à Paris et directeur de l'unité Inserm-CEA de neuro-imagerie cognitive à Gif-sur-Yvette. Il a d'abord étudié les mathématiques et l'informatique mais son intérêt s'est depuis lors porté sur la neuroscience cognitive.
Giacomo Rizzolatti (76 ans) est né à Kiev, en Ukraine, et a étudié la médecine, se spécialisant en neurologie, à l'Université de Parme. Il a passé trois ans à l'Institut de physiologie de Pise, deux ans en Amérique du Nord et le reste de sa carrière à l'Université de Parme.
Trevor Robbins (64 ans) est le chef du Département de psychologie expérimentale à l'Université de Cambridge, où il a obtenu son diplôme de premier cycle et son doctorat. Il a brièvement travaillé à la Harvard Medical School et à l'Institut Salk, mais il a passé le reste de sa carrière à Cambridge.
A propos de la recherche cognitive et comportementale
La recherche cognitive et comportementale a pour objectif de percer à jour les fonctions cérébrales supérieures, ce qui inclut l'alphabétisation, la numératie, la pensée, l'interaction sociale, l'empathie et des comportements motivés complexes. La recherche dans ce domaine est particulièrement importante car les troubles du développement cognitif, incluant (le TDAH), la dyslexie du développement, les déficits dans le développement des capacités mathématiques (dyscalculie), et les troubles du spectre de l'autisme, représentent un lourd fardeau pour la société et les institutions éducatives. Des lésions cérébrales apparaissant plus tard dans la vie aboutissent également à des troubles du langage (aphasie), de la lecture (dyslexie) et des mathématiques (acalculie) aussi bien qu'à des déficits de l'attention. La recherche cognitive et comportementale reste extrêmement ambitieuse, nécessitant la synthèse de preuves élaborées à partir d'imagerie cérébrale et d'études comportementales réalisées à la fois sur des humains dits « normaux » et des patients, un travail pertinent sur les animaux, ainsi qu'une modélisation mathématique et informatique.
A propos du Brain Prize
Le Brain Prize est décerné par la Fondation européenne Grete Lundbeck pour la recherche sur le cerveau. Le Brain Prize est le prix le plus prestigieux pour la recherche sur le cerveau et il s'agit de sa quatrième attribution. Les trois scientifiques viennent au Danemark pour recevoir le prix commun d'1 million d'euros lors de la cérémonie du 1er mai. Le prix est décerné pour la quatrième année consécutive, il est attribué cette année pour la recherche pionnière sur les mécanismes cérébraux supérieurs qui déterminent des fonctions humaines aussi complexes que l'alphabétisation, la numératie, la motivation du comportement et la cognition sociale, et pour les efforts engagés pour comprendre les troubles cognitifs et comportementaux. Le Brain Prize est un prix personnel, décerné à un ou plusieurs scientifiques qui se sont distingués par une remarquable contribution à la recherche européenne sur le cerveau.