Au fil de l’utilisation d’une batterie d'accumulateurs, l'électrolyte, qui permet le transport des ions assurant le stockage de l’énergie sous forme chimique, se dégrade. Cela limite la durée d’utilisation de l’appareil. L’électrolyte est donc un composant clé pour des batteries sûres, fiables et performantes, dans les applications nomades (téléphonie), l'automobile (batteries de puissance) ou des installations de réseau électrique (a). En particulier dans l’industrie automobile, les véhicules hybrides et électriques nécessitent un système de stockage de l’énergie réversible particulièrement performant du fait de la puissance mise en jeu et du grand nombre de cycles de charge-décharge.
Les scientifiques étudient donc par différents moyens les processus chimiques qui dégradent l’électrolyte lors de son vieillissement. Or, les études de vieillissement par cycles répétés de charge-décharge sont longues et coûteuses.
Des études plus rapides
Une collaboration CEA-CNRS-Université Paris-Sud s’est intéressée plus particulièrement aux batteries lithium-ion omniprésentes dans les systèmes électroniques portables, les véhicules (vélos, automobiles, …) ou la gestion des réseaux d'énergie à source intermittente (b).
« Pour accélérer le vieillissement, nous avons soumis des électrolytes à des rayonnements ionisants en utilisant les outils de la "chimie sous rayonnement" ou radiolyse », explique Sophie Le Caër (chercheur CNRS au laboratoire NIMBE), qui a dirigé l’étude. Le grand avantage de la radiolyse est de faire vieillir l’électrolyte de façon contrôlée, en quelques minutes ou quelques heures, alors qu’en utilisant des cycles de charge-décharge électrique de la batterie, il faut des semaines, voire des mois pour obtenir les mêmes effets. « Nous avons soumis du diéthylcarbonate, solvant représentatif de ceux utilisés dans les électrolytes d'accumulateurs lithium-ion, à une irradiation, poursuit Sophie Le Caër. Et nous avons observé la formation des mêmes molécules qu’après électrolyse ». L’électrolyte comprend en effet un sel dans un solvant ou un mélange de solvants. La chimie sous rayonnement permet également d’étudier spécifiquement le solvant avec et sans le sel, et donc de comprendre en détails la réactivité de chaque partie du système.
Suivre pas à pas la dynamique de dégradation de l’électrolyte
Au-delà de cette démonstration publiée dans Nature Communications, la radiolyse, couplée à des techniques de chimie analytique performantes, permet de mettre en évidence la formation de molécules, même minoritaires. « Nous pouvons ainsi comprendre finement le système et mettre en évidence des mécanismes qui contribuent in fine à la diminution de la durée de vie de la batterie, souligne Sophie Le Caër. Par ailleurs, des études d’évolution du système en fonction temps sont possibles, et vont permettre de suivre le système sur des échelles de temps très larges, depuis la picoseconde, échelle de la réaction chimique locale, jusqu'à la journée (soit sur 17 ordres de grandeur !) L’ensemble de ces travaux ouvre ainsi la voie à des expériences de criblage par chimie sous rayonnement qui permettront de trouver les meilleurs électrolytes pour les accumulateurs du futur. »
Cet accélérateur linéaire d’électrons, à Saclay, est l’un des outils utilisés pour accélérer le vieillissement des électrolytes présents dans les accumulateurs par irradiation. Il permet notamment de générer un vieillissement important du système en quelques dizaines de minutes. Les espèces chimiques qui se forment sont ensuite analysées par chromatographie en phase gazeuse et spectrométrie de masse. Les chercheurs utilisent aussi des irradiateurs munis de sources radioactives au Césium 137.