Photos, statues... Où que l’on aille au Laboratoire des rayonnements appliqués (Labra), on ne cesse de croiser le visage de Ramsès II. Il orne même les tenues de travail des équipes. Pourquoi le pharaon égyptien est-il donc devenu la mascotte du Labra ? Parce que la momie de Ramsès II s’est rendue en personne (ou presque) au laboratoire en 1977, à la suite d’un accord diplomatique entre la France et l’Egypte, pour une petite séance d’irradiation afin d’être débarrassée des champignons et bactéries qui la dégradaient. «
Les rayons gamma permettent de détruire tout type de germes et bactéries, et donc d’arrêter le processus de destruction, raconte Eric, chef de l’installation.
La momie a été irradiée pendant 12 heures à une dose de 18000 grays (Gy)1, une désinfection qui lui permis de retrouver sa jeunesse éternelle ! »
Au Labra, Ramses II est présent partout, y compris sur les tenues de travail des équipes ! © CEA
Si cet événement historique et hors du commun a marqué les esprits - les équipes du Labra en parlent encore aujourd’hui avec fierté et on les comprend ! -, l’irradiation de momies d’Egypte ne constitue pas le cœur de métier du laboratoire.
Au service du parc électronucléaire français
La spécialité du Labra, c’est avant tout de faire de l’irradiation gamma pour la qualification de composants (pompes, vannes, câbles, moteurs, capteurs, dosimètres...) du parc électronucléaire afin de contrôler que ces matériels et matériaux résistent à de forts rayonnements. «
Cette activité représente à peu près 70 % du volume d’activité du laboratoire, souligne Thierry, chef du Labra.
Nous apportons aux acteurs de la filière nucléaire notre expertise sur le comportement et le vieillissement des matériaux, dans la perspective de prolonger la durée de vie du parc actuel de réacteurs français. Pour qualifier du matériel utilisé dans le parc électronucléaire français, nous l’irradions selon différentes conditions de dose et de débit2 de dose : de 1 Gy/h à 25 kGy/h dans
l’irradiateur Pagure, de 1 à 10 kGy/h pour
l'irradiateur Poseidon, et de quelques centaines de kGy/h pour
l’accélérateur d’électrons Vulcain. »
Labra - Irradiateur Poséidon. © P. Stroppa / CEA
Stérilisation de dispositifs médicaux
Le Labra radio-stérilise aussi des dispositifs médicaux comme des prothèses de hanches, des ligaments, des tendons, des plaques et des vis qui sont implantés en milieu chirurgical aux patients. Ces éléments doivent être impérativement stériles. Le rayonnement gamma va donc là aussi permettre de tuer tous les germes et bactéries qui peuvent être présents sur ces dispositifs. «
L’avantage de l’irradiation gamma est qu’elle permet de ne pas avoir à manipuler les produits à stériliser, le rayonnement gamma les traversant, explique Thierry.
Tandis qu’avec les stérilisations par autoclave par exemple, il est nécessaire de sortir le matériel de son enveloppe, de le stériliser, puis de le remettre dans une enveloppe et ambiance stériles. Ce qui est beaucoup plus chronophage et onéreux. »
Le Labra réceptionne les dispositifs dans des colis en carton qui sont disposés directement dans l'irradiateur Poseidon, sans les ouvrir. Une fois l’irradiation terminée, les cartons sont récupérés par les fournisseurs puis acheminés directement vers les hôpitaux, principalement franciliens. «
Nous effectuons entre 2 et 3 stérilisations par semaine et cela représente 20 % de notre volume d’activité. », ajoute Thierry.
Tout ce process est contrôlé avec rigueur par Ana-Paula, technicienne de maintenance et correspondante qualité du Labra. « Je veille à ce que les colis que nous recevons soient disposés au bon endroit, puis que toutes les étapes du parcours soient conduites dans le bon ordre et dans le respect de la procédure. »
Radiostérilisation - Colis contenant des dispositifs médicaux à irradier. © P. Stroppa / CEA
En soutien aux travaux de R&D du CEA
Les 10 % restants de l’activité du Labra sont destinés aux travaux de R&D du CEA. «
Nous travaillons notamment avec des laboratoires menant des études sur des matériaux organiques, comme les polymères par exemple, pour voir comment ils vont se comporter sous irradiation, s’ils vont se dégrader, voire relâcher de l’hydrogène ou d’autres gaz de radiolyse, et évoluer au cours du temps, précise Thierry.
Nous travaillons également avec le Laboratoire d'études du comportement des bétons et des argiles (Lecba) du CEA sur l’étude du comportement du béton sous irradiation, notamment celui qui est utilisé pour le stockage des déchets nucléaires. »
Des industriels issus des domaines de la défense et de l’électronique, tout comme des chercheurs ou sociétés travaillant dans le domaine du spatial (irradiation d’étoupilles pyrotechniques destinées à permettre le mouvement d’un élément pour un satellite envoyé dans l’espace et soumis au rayonnement cosmique), font par ailleurs appel au Labra pour un contrôle de leurs matériels exposés aux rayonnements ionisants.
Le Labra effectue des études sur mesure, adaptés aux besoins des industriels qui le sollicitent. «
Nous accompagnons nos clients depuis la prise en compte de leurs besoins (rayonnements, conditions d’irradiation, débit de dose...) jusqu’à la facturation », expose Philippe, chef de projet et point d’entrée des clients du Labra pour les demandes d’irradiation. Le carnet de commandes du Labra est constamment plein, tant la qualité des tests et contrôles menés par le laboratoire est reconnu par ses clients !
Au Labra, l'irradiateur Pagure permet de réaliser des irradiations de vieillissement de petits matériels. © P. Stroppa / CEA
Encadré
Des équipements de pointe
Le Labra possède un panel d’équipements de pointe, dont deux irradiateurs gamma, appelés Poséidon et Pagure, ainsi qu’un accélérateur d’électron, nommé Vulcain, en activité depuis sa création en 1969. Comme dans toute installation nucléaire de base (INB), les irradiations sont conduites au Labra dans des conditions de sûreté et de sécurité très strictes.
Poséidon est un irradiateur industriel de type piscine doté d’un caisson étanche et immergeable, appelé Caline, permettant des irradiations longues dans les conditions de tests demandés par les industriels du parc électronucléaire.
Caline est une cellule étanche, de dimensions 2,60 x 1,90 x 1,58 m, qui peut être immergée dans la piscine de l'irradiateur Poseidon. © P. Stroppa / CEA
Caline permet une irradiation en simultané de celles réalisées en casemate. Dans la casemate de Poséidon, il est possible d’irradier des matériels à de très forts débits de dose, ce qui est idéal pour tester leur résistance et leur vieillissement. C’est donc Poséidon qui est utilisé pour qualifier le matériel du parc électronucléaire français et effectuer la radio-stérilisation des dispositifs médicaux. Pour ce faire, des sources scellées de cobalt 60 sont disposées sur un chariot porte-sources, au fond de la piscine. Le chariot porte-sources va ensuite sortir de l’enceinte immergeable pour irradier le matériel situé dans la casemate surmontant la piscine, puis redescendre une fois l’irradiation terminée. «
Cette piscine, qui fait 5,5 mètres de profondeur, permet de garantir qu’il n’y a pas de rayonnement radioactif sortant à la surface, l’épaisseur d’eau apportant une protection biologique, complète Thierry.
Le niveau d’eau est donc constamment surveillé. L’autre protection biologique est l’épaisseur des murs (entre 1,80 mètre et 2 mètres d’épaisseur) de la casemate de l’irradiateur. Aucun rayonnement ne peut sortir de la casemate lors de l’irradiation. »
1Un gray représente l'énergie d'un rayonnement ionisant apportant une énergie d'un joule à un milieu homogène d'une masse d'un kilogramme. Le gray est notamment utilisé pour apprécier les effets déterministes de fortes irradiations sur l'homme. (source : Wikipedia).
2Quantité par seconde de dose reçue.