À première vue, l’effet photoélectrique expliqué par Albert Einstein en 1905 paraît simple. Un atome absorbe un photon ultra-violet (UV) ou X et répond à cette excitation par l’émission quasi-instantanée d’un électron (appelé photoélectron). Or pour certaines énergies, il existe des états électroniques où les deux électrons de l'atome d'hélium sont excités. Ceci fait qu'il existe alors deux « chemins » énergétiques en compétition, conduisant à l'émission du photoélectron. A ces énergies, le spectre d'absorption de la lumière par l'hélium comporte un pic au profil asymétrique, dont la largeur indique la durée complète de la photoionisation : 17 femtosecondes (10-15 s). Le physicien italien Ugo Fano a décrit ce phénomène et donné son nom à ce profil caractéristique.
Observer le phénomène en temps réel est donc un véritable défi expérimental. Les chercheurs de la collaboration ont relevé ce défi en excitant des atomes d’hélium avec des impulsions ultracourtes d'un faisceau laser infrarouge intense. Ils ont ainsi pu mesurer le spectre en énergie des photoélectrons émis, à la résolution temporelle des impulsions du laser : la femtoseconde. Le profil du spectre montre initialement un pic unique (ionisation par le chemin le plus direct), qui se dédouble après un retard de 7-8 femtosecondes, révélant l'interférence entre les deux chemins d'ionisation. Le « film » de la photoionisation de l’atome d'hélium est ainsi reconstitué par une trentaine d’ « images », séparées chacune d’une femtoseconde.
Le procédé mis en œuvre pourrait être appliqué à d’autres atomes, à des molécules de tailles diverses (biomolécules) et à des nanostructures. Complété par la mesure de la distribution spatiale des électrons éjectés, il doit permettre de réaliser le film complet en 3D de l’éjection d’un électron avec la même précision temporelle.
Dispositif expérimental : on distingue, devant l’expérimentatrice, l’enceinte où les atomes d’hélium sont photoionisés. Les électrons éjectés sont guidés par un champ magnétique vers un détecteur situé dans la cellule de gauche. Entre les deux, le long temps de vol de 2 mètres de long permet d’analyser en énergie les électrons émis avec une résolution de ~0.2 électron-volt. © M. Turconi/CEA
1 Le Laboratoire interactions, dynamiques et lasers (CNRS/CEA/Université Paris Sud) et le Laboratoire de chimie physique - matière et rayonnement (CNRS/UPMC).