La lymphopoïèse décrit l'ensemble des processus cellulaires et moléculaires impliqués dans la production des globules blancs du système immunitaire, que sont les lymphocytes T, les lymphocytes B et les cellules NK.
Chez l'adulte, la lymphopoïèse a lieu dans la moelle osseuse (pour les lymphocytes B et les cellules NK) et dans le thymus (pour les lymphocytes T). Ces sites physiologiques de production des lymphocytes fonctionnent avec des niveaux d'oxygène faibles (de 0.1% à 5%,) qualifiés d'hypoxiques. Les progéniteurs des lymphocytes sont donc naturellement exposés à un environnement hypoxique dans l'organisme. Or l'étude et la manipulation hors du corps humain de ces cellules, rares et sensibles aux signaux provenant de leur microenvironnement, se fait traditionnellement dans des boîtes de culture à des concentrations d'oxygène atmosphérique proche de 21%, beaucoup plus élevées que le taux normal.
Ces taux d'oxygène, dits hyperoxiques, représentent une limite à l'étude des propriétés de ces progéniteurs lymphoïdes humains et à leur utilisation à des fins thérapeutiques.
L'oxygénation est un régulateur majeur de la physiologie cellulaire. Le prix Nobel de médecine, administré en octobre 2019, a par ailleurs récompensé les travaux de Kaelin, Semenza, Ratcliffe, travaux portant sur l'adaptation des cellules aux niveaux variables d'oxygène dans le corps et ouvrant des perspectives dans le traitement du cancer et de l'anémie.
Les chercheurs du Laboratoire des cellules Souches Hématopoïétiques et des Leucémies (LSHL) de l'IRCM, ont publié dans la revue Cell Reports une étude permettant d'une part d'analyser l'impact de concentrations physiologiques en oxygène sur la production des lymphocytes humains et d'autre part d'établir les conditions expérimentales nécessaires au maintien des propriétés fonctionnelles des progéniteurs lymphoïdes humains pendant une période de manipulation ex vivo.
L'équipe a travaillé sur des progéniteurs lymphoïdes humains isolés par cytométrie de flux à partir de sang de cordon ombilical en utilisant une chambre à hypoxie idéale pour obtenir des concentrations faibles en oxygène. L'étude fonctionnelle et l'analyse moléculaire de ces populations de cellules ont démontré le rôle majeur de l'hypoxie dans la régulation du métabolisme de ces progéniteurs et dans le maintien de leur fonction de producteurs de lymphocytes humains, à la fois en culture et in vivo chez la souris. Par ailleurs l'équipe a pu établir l'implication incontournable des protéines Hypoxia Inducible Factors (HIF), protéines induites par l'hypoxie, dans l'identité lymphoïde de ces progéniteurs. Ces résultats sont d'intérêt pour l'élaboration de protocoles de thérapies cellulaires et géniques à visée de greffe de moelle osseuse et pour le traitement de déficits immunitaires.
Ce travail réalisé en grande partie grâce aux plateformes technologiques de l'IRCM, apporte un éclairage nouveau quant à la participation de l'hypoxie dans le développement des lymphocytes humains et pourrait contribuer à lever certains verrous pour l'utilisation de ces progéniteurs en thérapeutique.