Les
nanocomposants sont fabriqués de deux manières :
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La voie descendante, ou top-down. C'est la voie suivie par l'électronique depuis quarante ans, les dimensions du composant que l'on veut fabriquer ont été réduites au maximum, comme pour tous les circuits intégrés sur puce.
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La voie ascendante, ou
bottom-up. Des molécules et des assemblages atomiques complexes sont assemblés avant d'être intégrés dans de plus grands systèmes. C'est l'une des voies d'avenir à plus ou moins long terme pour dépasser les limitations de la loi de Moore : fabriquer plus petit, moins cher, avec une qualité accrue, et surmonter ainsi les obstacles de la miniaturisation.
Dépôt de couches minces d'oxydes ferromagnétiques et antiferromagnétiques pour la spintronique. © P.Stroppa/CEA
TOP-DOWN
Nanoélectronique
Les outils de miniaturisation de découpe, sculpture, gravure… ont permis d'atteindre des dimensions inférieures au micromètre. En 1999, un premier transistor de 20 nm est réalisé. Aujourd'hui, un nouveau transistor à base de nanofils silicium et silicium-germanium permet l'augmentation des performances des circuits intégrés et la réduction de la puissance dissipée. Le système d'hétérojonctions permet d'envisager une plus grande miniaturisation des composants, et de passer ainsi sous le nœud technologique de 5 nm.
Pour offrir une alternative à la réduction des dimensions de circuits, dont le coût devient prohibitif, et afin d'être encore plus petites et plus fonctionnelles, les puces sont disposées les unes sur les autres, et non plus côte-à-côte, sur des wafers de 300 mm. L'une des technologies développée au CEA superpose et interconnecte des transistors FDSOI avec une précision d'alignement lithographique de l'ordre du nanomètre. Elle permet ainsi de disposer plus de 10 millions de contacts 3D au mm2 , contre 100 000 pour des solutions classiques.
Salle blanche de fabrication de puces 3D sur des wafers 300 mm. © L. Godart/CEA
Électronique quantique
Une boîte quantique (ou
quantum dot en anglais) est une nanostructure de semi-conducteurs qui confine les électrons (et les trous) dans les trois dimensions de l'espace. Du fait de ces propriétés physiques, elles font l'objet d'études poussées depuis une vingtaine d'années, et trouvent leur principale application dans les transistors.
De plus, les points quantiques pourraient avoir une application dans l'informatique où des qubits, unités de stockage d'information quantique, remplaceraient le système actuel. Alors qu'un bit ne peut prendre que les valeurs 0 et 1, et une seule à la fois, un qubit n'a pas cette restriction. Concrètement, avec 4 bits, un ordinateur classique peut traiter un état parmi 24 soit 16 états différents : 0000, 0001, 0010, 0011... Dans un
ordinateur quantique, les quatre qubits pourraient être dans une superposition de tous ces états et ces 16 états pourraient être traités simultanément. Il calculerait donc 4 fois plus vite qu'un ordinateur classique ! À noter, aujourd'hui, ces dispositifs ne fonctionnent qu'à très basse température (20 mKelvin).
BOTTOM-UP
Le Focus-Ion-Beam : un scalpel à l'échelle nanométrique. Extraction d’une lamelle (20 microns de longueur, 100 nm d’épaisseur) contenant un transistor de circuit intégré. © CEA
La voie bottom-up fait appel à des connaissances fondamentales de physique et de chimie ; elle permet de concevoir les composants entièrement nouveaux de l'électronique moléculaire.
Mais si la fabrication atome par atome de nanocomposants est possible, elle est inenvisageable industriellement car elle prendrait un temps infini. À défaut de construire un circuit complet, les chercheurs envisagent la conception d'entités moléculaires dotées de fonctions électroniques capables de s'organiser seules. Pour les fabriquer, ils disposent de quatre briques de base : les molécules de synthèse, les biomolécules comme l'ADN, les nanoparticules métalliques ou semi-conductrices et les nanotubes de carbone.
En 1974, la première diode moléculaire a été réalisée sur une couche de molécules individuelles. Non plus faite en silicium, elle a été obtenue par la mise en contact de deux morceaux de semi-conducteurs : l'un comportant de nombreux électrons, alors que le deuxième en est extrêmement pauvre. Des molécules qui présentent cette même asymétrie ont ensuite été conçues ; puis un transistor dans lequel le canal était formé d'une de ces molécules. Ce dispositif a donné des preuves flagrantes du comportement quantique des électrons.
Mais la voie de l'auto-assemblage est difficile : il faut réussir à contrôler le positionnement des briques.
DE NOUVELLES TECHNOlogieS
Spintronique, photonique, électronique moléculaire… autant de technologies à l'étude pour miniaturiser davantage les transistors et développer de nouvelles fonctions.
Spintronique, marier l'électronique et le magnétisme
Alors que l'électronique actuelle exploite la charge électrique de l'électron, la spintronique repose sur une autre de ses propriétés quantiques : le spin, qui correspond au moment magnétique élémentaire porté par l'électron. Cette propriété permet d'obtenir des fonctionnalités nouvelles pour coder, traiter ou transmettre une information.
Des dispositifs innovants, combinant des matériaux magnétiques qui servent de polariseur ou d'analyseur en spin et des matériaux conducteurs, isolants ou semiconducteurs, peuvent ainsi être réalisés. Certains sont déjà utilisés dans les disques durs d'ordinateurs. Ces capteurs, dont la résistance électrique varie en fonction du champ magnétique appliqué, permettent de relire l'information magnétique enregistrée sur le disque magnétique. La spintronique permet d'envisager de pousser la capacité de stockage au-delà du térabit (1015 bits) par pouce carré, c'est-à-dire 155 milliards de bits/cm2.
D'autres applications industrielles sont en train de voir le jour : des mémoires magnétiques MRAM (Magnetic Random Access Memory), qui ne disparaissent pas en cas de coupure d'alimentation, sont très rapides (écriture et lecture ne durent que quelques nanosecondes) et insensibles aux rayonnements ionisants, et des composants radiofréquence pour les
télécommunications et les réseaux sans fil par exemple.
Photonique, la lumière pour coder l'information
Tous les systèmes actuels (une puce d'ordinateur, un circuit intégré, un transistor) sont basés sur le transport, le confinement et les propriétés physiques de l'électron. Mais si, pour aller plus vite, il était remplacé par le photon ? Celui-ci, outre qu'il se déplace à la vitesse de la lumière (300 000 km/s), provoque peu de dissipation de chaleur lors de son déplacement.
Mais le silicium, vedette de la microélectronique, est une piètre source de lumière… à l'état macroscopique. Soumis aux lois étranges du monde quantique, un cristal de silicium nanostructuré (une dizaine de nm seulement) voit ses performances d'émission fortement modifiées ! Un cristal photonique guide ensuite ces photons. Constitués en perçant de minuscules trous de manière périodique dans un semi-conducteur, ces cristaux réfléchissent et dirigent la lumière. Ils peuvent aussi la filtrer, en agissant sur des longueurs d'onde particulières et permettent de la confiner dans un volume extrêmement faible (quelques centaines de nm3).
Pour aller vers l'ordinateur à photons, de nombreuses recherches sont en cours pour la modulation, le
multiplexage et le décodage des signaux.
Le spin
Les électrons ont trois particularités physiques : leur
masse, leur charge et leur spin. Pour cette dernière caractéristique
intrinsèque, tout se passe comme si le moment magnétique de l'électron
s'apparentait au sens de rotation interne de celui-ci autour d'un axe
fixe imaginaire. Pour les électrons, le spin ne peut prendre que deux
valeurs : +1/2 spin dit « up » ou -1/2 spin dit « down », correspondant
ainsi au fait qu'il ne peut tourner que dans un sens ou dans l'autre. Il
est ainsi possible de coder une information en langage binaire (0 ou
1).
DES LABORATOIRES AUX START-UPS
STMicroelectronics et Soitec
Substrat 4 pouces pour la fabrication de MEMS.
© P.Gripe/Signatures/CEA
Wafer contenant les matrices de bolomètres infrarouges non-refroidis. © Artechnique/CEA
En France, l'aventure du silicium sur isolant (Silicon On Insulator) a démarré en 1974, pour répondre à des applications militaires qui exigent une électronique « durcie », résistant aux effets des rayons ionisants. L'Institut Leti du CEA est alors devenu un des rares endroits au monde – avec quelques entreprises américaines travaillant pour la défense des États-Unis – où de tels circuits étaient développés. Depuis 1992, en fournissant les substrats supports des composants, Soitec joue un rôle clé dans l'industrie de la microélectronique. STMicroelectronics conçoit et produit des matériaux semiconducteurs innovants, offre des solutions inédites et compétitives pour que se poursuivent la miniaturisation des puces, l'augmentation de leurs performances et la réduction de leur consommation d'énergie. Ces produits sont utilisés dans les smartphones, les tablettes, les ordinateurs, les serveurs informatiques ou les data centers. On les retrouve aussi dans les composants électroniques des automobiles, les objets connectés, les équipements industriels et médicaux.
Du thermomètre au bolomètre
Au début des années 1980, la production à grande échelle des premiers capteurs de pression MEMS (Micro Electro Mechanical Systems) a donné un nouvel essor à une technologie de détection du rayonnement infrarouge : la détection thermique. Le CEA et la DGA (Direction générale de l’armement) ont lancé, à partir de 1992, le développement d'une filière nationale de détecteurs infrarouge non refroidis à base de microbolomètres. Cette technologie a été transférée en 2000 à Sofradir, qui a créé en 2002 la filiale Ulis grand public chargée de son industrialisation.
À l'origine, les produits concernaient des systèmes de vision nocturne pour la surveillance et la sécurité, ou des caméras de thermographie pour des applications haut de gamme (contrôle de procédé, maintenance d'installations, caméra pour pompiers). La réduction des coûts de fabrication a permis de les intégrer dans un nombre croissant d'applications grand public : bâtiments connectés, voitures, téléphones portables...
Movea capture les mouvements
Des laboratoires du CEA travaillent depuis plusieurs décennies à la miniaturisation des capteurs de mouvements et leur intégration dans des circuits électroniques. La start-up Movea est née en 2007 de l'idée d'embarquer ces capteurs – et leurs logiciels d'exploitation – dans des objets grand public, pour des applications dans les domaines des loisirs, de la santé ou du sport.
Isorg et l'électronique imprimée
En s'appuyant sur une technologie issue du CEA, la société Isorg a acquis une expertise industrielle unique au monde dans l'impression de matériaux semi-conducteurs en solution, à température et air ambiants, mais également dans la mise au point de photodiodes organiques sur des surfaces allant de quelques millimètres carrés à plusieurs décimètres carrés.
Feuillet d'électronique imprimée. © D.Guillaudin/CEA
Elle conçoit et fabrique des photodétecteurs organiques souples et imprimables sur tout type de surface. Ces nouveaux capteurs photosensibles, minces, légers et conformables, offrent des avantages uniques par rapport aux capteurs traditionnels, tels que le coût de fabrication, la gamme spectrale, l'intégration mécanique et la résistance aux chocs. Cette technologie de rupture permet de transformer des surfaces de toutes natures, comme par exemple en plastique ou en verre, en surfaces intelligentes capables de vision ou d'interactivité. Avec ses produits, la société vise les marchés de la santé (imagerie par rayons X), de l'industrie (capteurs pour l'industrie du futur et objets connectés, comme par exemple la métrologie et la logistique) et de l'électronique grand public (écrans interactifs).