L’énergie nucléaire est utilisée depuis les années 1950 pour produire de l’électricité bas-carbone. C'est en effet l'une des énergies qui émet le moins de gaz à effet de serre avec seulement 12 g/KWh contre 820 g/KWh pour une centrale à charbon (chiffres du Giec sur les émissions de CO2 des différentes sources d'électricité). En comparaison, les panneaux solaires sur les toits émettent 41 g/KWh. La fumée qui s’échappe des centrales est trompeuse, ce n’est que de la vapeur d’eau !
Depuis sa création, le CEA travaille sur les différents types de
réacteurs nucléaires et le
cycle du combustible associé pour mieux comprendre les phénomènes en jeu, innover et soutenir les industriels du secteur.
L'ÉNERGIE NUCLÉAIRE DE GÉNÉRATION EN GÉNÉRATION
La première génération de réacteurs nucléaires
À la fin des années 1930, la découverte de la
réaction de fission marque le début des recherches sur l’énergie nucléaire, aux Etats-Unis, en Russie, France et Grande-Bretagne.
La France a lancé un programme de développement de l’énergie nucléaire dès 1945,
avec la création du Commissariat à l’Énergie Atomique (CEA) par le Général de Gaulle. Son objectif était de pouvoir répondre à la demande croissante d’électricité, en toute indépendance et à faible coût. Les centrales nucléaires de première génération, utilisant une technologie à l’uranium naturel et au graphite, et refroidies au gaz (UNGG), ont été mises en service dès 1956 et la dernière a été arrêtée en 1994. Leur puissance allait jusqu’à 540
Mégawatts électriques (MWe).
Les réacteurs de 2e et de 3e générations
2e génération : la technologie à eau sous pression (REP)
Après le choc pétrolier de 1973, le gouvernement lance la construction d’une seconde génération de réacteurs avec la technologie à eau sous pression (REP), technologie américaine adaptée par EDF. Au total, 56 réacteurs de ce type sont mis en service entre 1977 et 1999 : 32 réacteurs de 900 MWe, 20 réacteurs de 1 300 MWe et 4 de 1 450 MWe, portant la puissance installée à 62,4 GWe.
En 2019, en France, ces réacteurs nucléaires fournissaient 71 % de l’électricité ; demain l’objectif fixé par la programmation pluriannuelle de l’énergie est d’atteindre 50 % en complément des énergies renouvelables.
Comment fonctionne
une centrale nucléaire ?
Pour produire de l’électricité, une
turbine transmet de l’énergie mécanique à un alternateur qui la transforme en énergie électrique. La turbine peut être entraînée de différentes manières : dans une centrale hydroélectrique, c’est l’eau, chutant du barrage, qui la met en mouvement ; dans une centrale thermique comme dans une centrale nucléaire, c’est la
vapeur sous pression qui la fait tourner. Cette vapeur est générée par une source de chaleur, mais tandis qu’une centrale thermique brûle du charbon, du pétrole ou du gaz, un réacteur nucléaire produit de la chaleur par des
réactions de fission de noyaux atomiques tels que l’uranium.
Centrale de Chooz © F. Rhodes / CEA
La chaleur ainsi produite est ensuite transportée par un fluide caloporteur. Dans les centrales nucléaires actuelles, ce fluide est tout simplement de l’eau. Dans les systèmes nucléaires du futur, le rôle de caloporteur pourra être assuré par un métal liquide, comme le sodium ou le plomb, ou par un gaz, l’hélium.
Fonctionnement d'une centrale nucléaire de type REP © C. Beurtey / CEA
Le saviez-vous ?
LE SAVIEZ-VOUS ?
Chaque mois, un réacteur de 900 MWe produit en moyenne la consommation de 500 000 foyers.
La 3e génération de réacteurs nucléaires
Au cours de ces années, les progrès technologiques ont permis des améliorations, comme une production électrique plus importante et une sûreté accrue, tout en baissant le coût de l’électricité produite.
Les réacteurs nucléaires de
troisième génération sont dans la continuité de la génération précédente. En France, il s’agit par exemple des EPR (European Pressurized Reactor).
Toutes les étapes de production d’énergie sont optimisées et l’accent est mis sur la sûreté. Leur conception vise à :
En 2018 et 2019, deux EPR sont entrés en fonctionnement en Chine ; en 2020, quatre sont en construction : un en Finlande, un en France et deux au Royaume-Uni.
Les SMR, des réacteurs modulaires et compacts
En complémentarité avec les centrales nucléaires de forte puissance, une nouvelle gamme de réacteurs fait son apparition : les SMR (Small Modular Reactor). Plus petits, ces réacteurs de faible puissance (entre 50 et 500 MWe) ont la particularité d’être modulaires : les différentes parties sont en effet conçues pour être fabriquées en série et en usine avant d’être assemblées sur site.
Vue d’artiste d’un SMR © TechnicAtome
Par leur faible puissance, les SMR peuvent s’insérer dans des réseaux électriques à l'échelle locale et sont particulièrement adaptés aux sites isolés.
Ils pourraient aussi à plus long terme produire de la chaleur, de l’hydrogène en les couplant avec des
électrolyseurs haute température ou encore de l’eau douce par dessalement de l’eau de mer.
En France, le projet NUWARDTM lancé en septembre 2019 regroupe plusieurs partenaires : EDF, TechnicAtome, Naval Group et le CEA. Dédié à l’export, ce concept vise en particulier le remplacement des centrales à charbon fortement émettrices de CO2. D’une puissance de 340 MWe, NUWARDTM se compose de deux réacteurs de technologie REP à l’architecture compacte et standardisée. La commercialisation est visée pour la prochaine décennie.
Les réacteurs de 4e génération
Visant un déploiement après 2050, une quatrième génération de réacteurs est actuellement en phase d’études et de développement, en rupture technologique avec les précédentes.
Les pays membres du forum GenIV
L’Afrique du Sud, l’Argentine, l’Australie, le Brésil, le Canada, la Chine, les Etats-Unis, la France, le Japon, la République de Corée du Sud, le Royaume-Uni, la Russie et la Suisse ainsi que la Communauté européenne Euratom.
Menées dans le cadre du Forum international Génération IV (GenIV), ces recherches visent à répondre au besoin de produire en grande quantité l’énergie électrique nécessaire à notre mode de vie tout en réduisant la quantité de déchets produits, en économisant les ressources et en garantissant une sûreté et une fiabilité maximales.
Fin 2002, 6 concepts ont été sélectionnés :
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Trois sont des réacteurs à neutrons rapides (RNR) : RNR sodium, RNR gaz et RNR plomb.
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Les autres sont les
réacteurs à eau supercritique, à très haute température et à sels fondus.
Zoom sur...
un réacteur à neutrons rapides
Un réacteur à neutrons rapides (RNR) est un réacteur dont le flux de neutrons n’est pas ralenti (vitesse approximative 20 000 km/s), contrairement aux réacteurs actuels (2 km/s). Ces réacteurs nucléaires présentent un intérêt majeur dans la gestion des matières nucléaires : combinés au traitement des combustibles usés et au recyclage des matières nucléaires, ils permettraient d’utiliser en quasi-intégralité l’uranium naturel, jusqu’à devenir indépendant de son extraction.
En France, le CEA travaille sur la filière des réacteurs à neutrons rapides refroidis au sodium (RNR-Na). Il assure aussi une veille sur d’autres technologies comme les réacteurs à sels fondus, potentiellement bien adaptés au recyclage des matières nucléaires et à la réduction des déchets générés.
Plateforme Papirus – Circuits essais sodium. Installation d'étude des réactions sodium/eau pour le développement de procédés de lavage. Préparation d'un essai (CEA Cadarache) © P.F. Grosjean / CEA
LE SAVIEZ-VOUS ? Dans un réacteur, les matériaux sont soumis à des conditions extrêmes : hautes températures, fortes pressions, irradiation. Il est donc indispensable de connaître et d’anticiper leur comportement dans ces conditions et sur le long terme. Dans ce but, le CEA dispose de nombreux moyens expérimentaux et pilote en particulier la réalisation du
réacteur Jules Horowitz (RJH).
Zoom sur
la simulation numérique
La
simulation numérique est une composante incontournable pour la conception des installations nucléaires. Elle permet de prédire leur fonctionnement en régime normal, mais aussi en situation accidentelle. Grâce à la puissance des
supercalculateurs, les codes décrivent avec toujours plus de précision les phénomènes physiques au cœur des réacteurs.
LE Cycle du combustible
Le cycle du combustible, qu'est-ce que c'est ?
Le combustible utilisé dans les réacteurs actuels est composé majoritairement d’oxyde d’uranium. Un kilo d’uranium produit 10 000 fois plus d’énergie qu’un kilo de charbon ou de pétrole.
Les étapes du cycle du combustible nucléaire © Com Ci Com Ca/CEA
Le cycle du combustible regroupe l’ensemble des opérations industrielles, en amont et en aval de son utilisation en réacteurs :
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Extraction, purification et enrichissement de l’uranium ;
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Fabrication du combustible ;
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Traitement du combustible usé afin d’extraire les matières énergétiques recyclables ;
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Fabrication du combustible MOX utilisant le plutonium extrait des combustibles usés ;
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Conditionnement et stockage des déchets ultimes.
Le CEA mène des actions de R&D sur l’ensemble des procédés du cycle du combustible nucléaire. Ces études visent à optimiser l’utilisation des matières nucléaires tout en minimisant les quantités de déchets produits et leur impact sur l’environnement.
Atalante - Télémanipulation d’une aiguille de combustible irradié (CEA Marcoule) © P.Stroppa / CEA
Recycler le combustible nucléaire : la stratégie française en plusieurs étapes
La France, à l’instar du Royaume-Uni, des Pays-Bas, de la Russie et du Japon a, dès le début, fait le choix de
retraiter le combustible usé pour aller vers un
cycle fermé du combustible. À terme, l’objectif est de ne plus avoir recours à l’uranium extrait des mines.
Atalante
une installation unique au monde pour les recherches sur le combustible
Sur le site de Marcoule,
Atalante est unique en son genre : avec ses 25 000m2 de locaux et ses 17 laboratoires, elle regroupe l’ensemble des recherches sur les procédés du cycle du combustible, en particulier pour
le traitement et le recyclage des combustibles nucléaires. Les recherches menées ont pour objectif de développer des nouveaux procédés plus efficaces, compacts, économiques et respectueux de l’environnement. Des études sont aussi effectuées sur les actinides mineurs, ces déchets nucléaires les plus toxiques issus du traitement du combustible. Elles visent à les séparer le plus efficacement possible des matières valorisables et à limiter le volume et la radio-toxicité des déchets ultimes.
Les réacteurs actuels ne consomment que l’uranium 235 (235U) et un peu de plutonium. Cela signifie que l’uranium 238 (238U), qui forme 99,3 % de la masse de l’uranium naturel, est pratiquement inutilisé.
Afin d’utiliser le stock d'uranium appauvri (340 000 tonnes en France) et ne plus avoir recours à l’uranium extrait des mines, la France envisage plusieurs étapes sur lesquelles travaille le CEA :
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D’abord, élargir l’utilisation des combustibles MOX issus du retraitement du combustible usé à tous les réacteurs du parc actuel.
-
Ensuite, à plus long terme, utiliser l’uranium appauvri dans des réacteurs à neutrons rapides de 4e génération qui permettent de produire de l’énergie avec tous les isotopes de l’uranium.
Les déchets radioactifs
Comme toute activité industrielle, l’énergie nucléaire produit des déchets. À titre de comparaison, les déchets radioactifs représentent2 kg des 14 000 kg de déchets industriels produits par habitant et par an en France. Dans ces 2 kg, seuls 20 g sont hautement radioactifs. Les
déchets nucléaires sont répartis en 6 catégories en fonction de leur radioactivité et de leur durée de vie. Ils sont traités, conditionnés, entreposés ou stockés définitivement selon des critères adaptés à chacune. Le CEA mène des
recherches sur le traitement et le conditionnement des déchets ainsi que sur le comportement à long terme des colis et des matériaux du stockage.
Laboratoire de mesures physico-chimiques sur matériaux cimentaires (CEA Saclay) © F. Rhodes / CEA
En France, c'est l'Andra, l'agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, qui est chargée de la gestion à long terme des déchets radioactifs.
LE Démantèlement DES CENTRALES NUCLEAIRES
Arrivées en fin de vie, les centrales nucléaires sont démantelées, c’est-à-dire
vidées de leur matières radioactives, démontées et le site assaini.
Une fois la déconstruction achevée, le site doit être déclassé par l’autorité nationale de sûreté (ASN) avant d’envisager de nouveaux usages industriels. Le démantèlement d’une centrale nucléaire peut durer plusieurs décennies en fonction de la complexité des opérations et du type de réacteur à démanteler. Le CEA gère le démantèlement de ses propres installations nucléaires et développe de la R&D spécifique à ce domaine.
Assainissement-démantèlement du laboratoire d'analyse des matériaux actifs. État final d'un couloir après écroutage des surfaces et contrôles radiologiques (CEA Grenoble) © E.Stanislas / CEA