Rien ne prédisposait cet ingénieur matériaux de l’École des mines de Nancy à devenir un expert dans ces domaines. « J’ai toujours été attiré par ce que je ne connaissais pas », confie Fabien Quéré. Il complète son cursus par de la physique des solides puis entreprend une thèse à Saclay sur la dynamique des électrons dans les solides qui lui fait découvrir l’optique et les lasers à impulsions femtoseconde (10-15 s). En post-doc au Canada en 2001, il s’oriente vers le nouveau domaine de la science attoseconde (10-18 s). « Les chercheurs pensaient avoir déjà produit des impulsions attoseconde, mais impossible de le prouver ! Il fallait trouver le moyen d’en mesurer la durée. Or des impulsions aussi courtes ont nécessairement une composante ionisante dans leur spectre, située dans l’extrême UV, voire les rayons X. La solution a donc consisté à utiliser l’ionisation pour les transformer en paquets d’ondes électroniques, plus faciles à manipuler. »
De retour à Saclay à l’Iramis, il montre que cette approche permet, bien au-delà de l’évaluation de la durée des impulsions attoseconde, de déterminer l’évolution temporelle du champ électrique. En parallèle, les intensités laser ont continué de progresser, dépassant les 1018 W/cm². « J’ai alors choisi d’étudier l’interaction entre les lasers les plus intenses et une cible solide, c’est-à-dire ce qu’on appelle les miroirs plasmas. Cela combinait tout ce que j’avais appris auparavant. Je voulais comprendre comment des impulsions attoseconde peuvent être produites grâce aux miroirs plasmas. Aujourd’hui, on s’intéresse aussi aux faisceaux d’électrons qui sont générés lors de ces interactions. »
Fabien Quéré a décroché plusieurs bourses ERC, notamment une Starting Grant en 2010 et une Advanced Grant en 2016. « Au cours de la 1ère ERC, nous avons fait de l’optique avec des plasmas de façon à générer des harmoniques du laser et à comprimer temporellement les impulsions. L’objectif de la 2e ERC est de mettre en forme un champ laser dans l’espace et le temps pour induire de nouveaux effets lors des interactions laser – plasma », résume Fabien Quéré. Mais pour mener à bien ces recherches, il faut un outil de caractérisation du faisceau laser qui ne soit pas uniquement spatial ou temporel mais vraiment spatio-temporel. Pour ces lasers hors-normes, il apparaît des distorsions qu’il faut éliminer pour progresser dans la course à la puissance. Ce nouvel outil développé par Fabien Quéré et son équipe est désormais disponible pour le laser UHI100 de Saclay et pourra également bénéficier au futur laser Apollon de l’Université Paris – Saclay, et plus largement à tous les lasers femtoseconde.
Fabien Quéré (Institut rayonnements matière du CEA, Saclay) propose de « façonner » des faisceaux laser ultra intenses dans l’espace et le temps, pour mieux contrôler le mouvement des particules de haute énergie avec la lumière, dans le cadre du projet ExCoMet sélectionné par l’European Research Council en 2010 et bénéficie d’un financement de 1,14 M€ sur cinq ans. Entre 2010 et 2014, il avait déjà bénéficié d’un financement ERC Starting Grant portant sur l’utilisation d’optiques plasmas pour manipuler les lasers de très haute intensité.