Il y a dix ans, Gert-Jan, un hollandais de 40 ans, devenait paraplégique à la suite d’un accident de vélo. Aujourd’hui, il a retrouvé le contrôle naturel de ses jambes et peut marcher en actionnant leur mouvement uniquement par la pensée ! Cette réussite est le fruit du travail commun des équipes du CEA (au sein du centre de recherche biomédicale Clinatec, à Grenoble, associant le CEA/Fonds de dotation Clinatec/CHUGA/UGA), associées à celles de l’EPFL1, du CHUV2 et de l’UNIL3, en Suisse.
Gert-Jan, paraplégique, a retrouvé le contrôle naturel de ses jambes et peut marcher en actionnant leur mouvement uniquement par la pensée. © Jimmy Ravier
Deux implants dans un pont digital
Ensemble, elles ont conçu un « pont digital » qui restaure la communication entre le cerveau et la région de la moelle épinière commandant le mouvement des jambes. Celui-ci est constitué de deux dispositifs médicaux implantables.
Le premier s’appelle WIMAGINE® et est développé par l’institut Leti du CEA depuis une dizaine d’années. Positionné à la surface du cortex cérébral moteur droit et gauche, il capte et numérise les signaux électriques engendrés par l’intention de mouvement du patient.
Grâce à des algorithmes d’intelligence artificielle, ces informations sont décodées en prédictions de mouvement des jambes, puis converties en séquences de stimulation électrique de la moelle épinière, le tout en temps réel.
Un second implant mis au point par l’EPFL prend alors le relais. C’est un neurostimulateur connecté, via une matrice d’électrodes, à la zone de la moelle épinière qui contrôle les jambes. Celui-ci reçoit via une transmission sans fil les séquences de stimulation qu’il transmet à la moelle, qui à son tour active les muscles des jambes.
Une marche aussi naturelle que possible
A peine quelques semaines après l’opération, Gert-Jan avait retrouvé le contrôle naturel de ses jambes. Et huit mois plus tard, il était de retour à son domicile. Afin qu’il puisse être totalement autonome, les équipes ont intégré les éléments périphériques du système (batteries, ordinateur, etc.) sur un déambulateur.
Aujourd’hui, le patient peut se lever, se tenir debout, marcher, monter un escalier, tout en contrôlant l’amplitude et le rythme de ses pas uniquement en y pensant. Mieux, après six mois d’entraînement, les chercheurs ont noté qu’il a progressivement récupéré des fonctions neurologiques liées à la marche et à l’équilibre ! Ces résultats suggèrent que la synchronisation de l’activité cérébrale et du mouvement, rendue possible par le pont digital, a sans doute favorisé la formation de nouvelles connexions nerveuses.
Les équipes continuent les développements en vue d’un transfert de technologie auprès d’un industriel, et explorent d’autres applications, comme la restauration des mouvements des bras et des mains. Le développement d’une nouvelle génération d’interface cerveau-moelle épinière miniaturisée et basse consommation a également été initiée, en particulier grâce aux technologies d’électronique intégrée du CEA. Ceci afin d’améliorer la portabilité et l’autonomie du dispositif, pour un usage simplifié et performant dans la vie quotidienne.
Positionné à la surface du cortex cérébral moteur droit et gauche, l'implant WIMAGINE®, développé par le CEA, capte et numérise les signaux électriques engendrés par l’intention de mouvement du patient. © Jimmy Ravier
Neuroprothèse : 10 ans d’expertise au CEA au sein de Clinatec
L’implant WIMAGINE®, une interface cerveau-machine implantable unique au monde développée par le CEA, est le fruit de
plus de 10 ans de R&D. Il repose sur environ
25 brevets et avait déjà permis
une première mondiale en 2019 : un patient tétraplégique équipé de la neuroprothèse WIMAGINE® se déplaçait en pilotant un exosquelette 4 membres uniquement par la pensée. WIMAGINE® permet de capter les signaux électriques au niveau de la zone cérébrale dédiée à l’activité motrice, grâce à 64 électrodes en contact avec la dure-mère, une membrane fibreuse entourant le cerveau.
Le dispositif est constitué de circuits intégrés de mesure et de numérisation des signaux neuronaux avec de très bonnes performances en niveau de bruit ; d’une électronique et d’antennes de transmission sans fil en temps-réel et de télé-alimentation ; le tout inséré dans un packaging médical hermétique, biocompatible et sûr sur le long terme.
Le décodage des enregistrements électriques cérébraux, qui permet de traduire les intentions de mouvement du patient, a nécessité le développement d’algorithmes sophistiqués basés sur des méthodes d’intelligence artificielle (machine learning).
L’ensemble permet un enregistrement stable de l’activité cérébrale sur plusieurs années.
1 Ecole polytechnique fédérale de Lausanne
2 Centre hospitalier universitaire Vaudois
3 Université de Lausanne