Outre la digestion des protéines de nos aliments, les protéases sont
des enzymes utilisées par notre organisme pour coordonner un grand
nombre de fonctions physiologiques en contrôlant l’activité des
protéines par hydrolyse. La MMP-12, ou « métalloélastase à zinc du
macrophage » [1], est une protéase produite par le macrophage dans
diverses situations inflammatoires. Jusqu’alors, son rôle lors d’une
infection virale n’avait jamais fait l’objet d’aucune étude.
Des fonctions-clés inédites pour une protéase
Dans
cette étude, les chercheurs ont découvert que cette protéase a un
fonctionnement unique, directement lié à la réponse immunitaire à toute
infection virale :
- lors de l’infection de notre organisme par un virus, les macrophages secrètent la MMP-12 dans le milieu extracellulaire ;
- la MMP-12 pénètre très rapidement dans le noyau des cellules infectées par le virus ;
- une fois dans le noyau, elle va à la fois déclencher l’expression de certains gènes et bloquer l’expression d’autres gènes.
La résultante de ce programme de transcription mise en œuvre par la
MMP-12 est la sécrétion de l’interféron-alpha. Via cette cytokine [2]
connue depuis très longtemps pour participer à la défense de
l’organisme, la MMP-12 participe donc à la réaction immunitaire pour
lutter contre les virus.
Ce mécanisme de régulation, avec pour élément-clé une protéase, est inédit.
Plus
étonnant encore, lorsqu’elle est à l’extérieur de la cellule, la MMP-12
dégrade l’interféron-alpha. Cette protéase a donc deux effets
antagonistes, apparemment contradictoires :
- lorsqu’elle pénètre dans une cellule infectée par un virus, elle lui permet de se défendre en sécrétant l’interféron-alpha ;
- dans le milieu extracellulaire, elle contrôle le niveau optimal
d’interféron alpha, dégradant l’excès qui pourrait être toxique.
La piste d’une nouvelle stratégie thérapeutique antivirale
Les
chercheurs du CEA-IBITECS [3] ont alors utilisé un inhibiteur de la
MMP-12, préalablement développé dans leur laboratoire, capable de
bloquer l’action de la MMP-12 dans le milieu extracellulaire. Lors d’une
infection virale, ils ont démontré que l’utilisation de cet inhibiteur
permet d’atteindre un niveau optimal d’interféron et donc une meilleure
réponse thérapeutique, sans effet toxique.
[1] Globule blanc du système immunitaire
[2] Les cytokines sont des molécules produites par l’organisme lors d’une infection, constituant la première réponse du système immunitaire et permettant aux cellules comme les lymphocytes ou les globules blancs d’arriver sur les lieux de l’infection.
[3] Institut de Biologie et de technologies de Saclay
Des observations
complémentaires réalisées sur des cellules humaines infectées par un
virus semblent valider en outre la conservation du rôle de la MMP-12
chez l’Homme. Les inhibiteurs de MMP-12, qui ont fait l’objet d’un dépôt
de brevet, pourraient ainsi constituer une nouvelle génération de
traitements antiviraux génériques, « dopant » l’immunité du patient lors
d’une infection virale. Ils vont prochainement être testés lors d’une
campagne d’essais précliniques.
Ces inhibiteurs ouvrent une
nouvelle voie thérapeutique pouvant s’avérer très utile pour lutter
contre des épidémies de virus émergents, contre lesquels aucun vaccin
n’existe.
Illustration du fonctionnement de la MMP-12 (en rouge) sur
l’interféron-alpha : la MMP-12 rentre dans le noyau de la cellule (en
bleu), interagit avec l’ADN (en gris). À l’extérieur de la cellule,
l’inhibiteur de la MMP-12 bloque le site actif de la MMP-12 modulant le
taux d’interféron-alpha (en jaune). © CEA