Comme tout bon maître des lieux, Philippe Watteau, directeur de Y.SPOT, tient à nous faire visiter le bâtiment flambant neuf. Premier
centre d’innovation ouverte et collaborative du CEA situé sur la presqu’île scientifique de Grenoble, Y.SPOT est un lieu lumineux, contemporain où tout semble avoir été pensé pour que chercheurs, innovateurs et industriels se croisent, échangent et collaborent. Objectif : concevoir ensemble les innovations de rupture pour la société du futur. Un lieu convivial et inspirant à la croisée des mondes, à l’image de son directeur aux yeux rieurs.
Arrivé en septembre 2021 à la tête de Y.SPOT, Philippe Watteau y est comme un poisson dans l’eau. «
Depuis toujours, ma boussole c’est l’innovation et l’avancée technologique. J’aime être là où on prépare l’avenir. Mon obsession est que l’industrie et les scientifiques travaillent main dans la main pour y arriver, en adressant ensemble les questions d’usages et les dimensions sociétales. Au sein de Y.SPOT, mon rôle sera de créer des ponts entre ces différents mondes qui ont longtemps avancé sans vraiment se parler. Aujourd’hui, les conditions de l’alchimie sont réunies », glisse-t-il enthousiaste.
Y.SPOT © F. Ardito / CEA
Un innovateur au carrefour entre l’industrie et le CEA
Philippe Watteau n’a pas atterri dans le milieu scientifique et technologique par hasard. Fils d’un professeur de mathématiques et d’une mère commerciale, il se passionne très jeune pour les sciences et la technologie. Au point de transformer sa chambre d’adolescent en véritable laboratoire. «
Mon bureau était une paillasse où je soudais des circuits électroniques tout en écoutant France Culture… J’aimais expérimenter, bricoler et apprendre. Mais ma carrière d’apprenti-scientifique s’est arrêté assez vite face à mes premières désillusions scientifiques », raconte-t-il hilare.
Philippe Watteau ne deviendra pas ingénieur ou chercheur. Qu’à cela ne tienne, cela ne l’empêchera pas d’œuvrer pour l’innovation et embrasser une carrière qui pourra assouvir sa curiosité. Il se tourne alors vers le commerce «
pour pouvoir travailler dans différents domaines ». Diplômé de l’Ecole de commerce EDHEC Business School et titulaire d’un bachelor de droit européen, il démarre sa carrière au sein du groupe Renault-Nissan-Mitsubishi, avant de rejoindre le CEA où il participera activement à la création de la direction des partenariats industriels à partir de 2010. Par la suite, il a été détaché chez Air Liquide - un des plus grands groupes mondiaux de gaz industriels - ou plus récemment au sein de la société spécialisée dans la mobilité électrique et autonome Védecom.
De nouveaux horizons avec le CEA comme port d’attache
Ces
aller-retours entre l’industrie et le monde académique sont essentiels pour Philippe Watteau. C’est pour lui une façon de rester connecté au réel. «
En réalité, je ne quitte jamais vraiment le CEA. Il reste mon port d’attache. Mais ces incursions dans le privé me permettent de garder le contact avec les enjeux industriels, d’appréhender les besoins en innovation mais aussi de faire connaître aux entreprises l’avancée des recherches scientifiques et technologiques », explique-t-il. «
Philippe est un peu un explorateur scientifique. Il a besoin de découvrir de nouveaux horizons, étudier et collecter toujours plus d’informations. Et à chaque fois, ce savoir l’a enrichi et lui a permis de capter de nouvelles opportunités et créer des conditions favorables à l’innovation au CEA », estime un de ses plus proches collègues, Pierre-Michael Micaletti, de la direction de l’institut du CEA List.
Cette riche expérience lui permet ainsi de
comprendre les attentes et les problématiques de l’entreprise comme des chercheurs et de les faire coïncider. «
Philippe a une compréhension transverse des sujets et a su au fil des ans nouer des relations de confiance avec de nombreux partenaires industriels. Son tempérament de pionnier est aussi un atout. Il aime lancer des projets et fédérer. Dans ce bouillonnement de créativité qu’est Y.SPOT, il est vraiment à sa place », témoigne Corinne Hueber-Saintot, directrice de la valorisation qui travaille avec lui depuis plus de 10 ans.
Philippe Watteau © F. Ardito / CEA
Un innovateur éclairé
Prendre la tête de ce centre unique en France apparaît comme le prolongement logique de son parcours. C’est aussi, pour Philippe Watteau, l’opportunité de concrétiser encore davantage sa volonté d’apporter des réponses innovantes plus en phase avec les grands enjeux de société que représentent la santé,
le numérique (et notamment les univers virtuels,
le métavers) et
l’environnement. Et que ces innovations de demain soient plus responsables et plus pérennes. Une vision holistique et éthique qui s’est progressivement imposée à lui, mais qui est désormais pour lui cruciale. L’élément déclencheur ? Ses travaux sur l’intelligence artificielle lorsqu’il était directeur du CEA-List en 2016. «
A l’époque, j’ai réalisé que nous avions développé cette technologie sans forcément anticiper toutes ses applications. Or, aujourd’hui, il est impératif que les innovateurs que nous sommes aient une vision plus complète des technologies et que nous sachions anticiper leurs possibles répercussions », juge-t-il. Des valeurs partagées par toute l’équipe de Y.SPOT. «
Ici, personne n’est là par hasard. Nous sommes tous convaincus qu’il est possible d’innover dans un cadre vertueux et que Y.SPOT peut être un outil de transformation pour aller dans le bon sens. La dimension sociétale est la porte d’entrée pour conduire tous nos projets », assure Philippe Watteau.
Et pour y parvenir, Philippe Watteau veut, avec ce centre unique,
créer de nouvelles passerelles entre les disciplines, ouvrir le monde de la recherche fondamentale et technologique en s’appuyant sur l’expertise de sociologues, d’économistes, et de philosophes. Animé par cette envie de faire vivre l’intelligence collective, le directeur de Y.SPOT souhaite stimuler la créativité tout en anticipant la rencontre du public et des futures innovations. Dans cet esprit, les artistes auront également toute leur place dans le cadre de l’atelier Arts-Science, une initiative conjointe du CEA et de l’Hexagone Scène Nationale Arts Sciences – Meylan. Un projet que Philippe Watteau souhaite voir se renforcer avec la création d’un projet de campus « Arts, sciences et société ». Frappé «
par la puissance prémonitoire de l’art », ce descendant du peintre Antoine Watteau y voit « une source d’inspiration mais aussi une occasion de confronter et d’enrichir nos points de vue. C’est une ouverture indispensable sur la société. »
Propos recueillis par Anne-Laure Lebrun