La découverte de plus de 4 000 planètes en dehors de notre système solaire soulève l’excitante promesse d’en découvrir certaines capables d’abriter la vie. C’est pourquoi les chercheurs s’intéressent tout particulièrement aux planètes dont la masse est comprise entre une et quelques masses terrestres : les super-Terres. Elles sont supposées être rocheuses, avec un cœur de fer et nickel et un manteau (partie entourant le cœur) constitué de silicates.
L’existence d’un champ magnétique est considérée comme l’une des conditions nécessaires à la présence de la vie. Il peut être généré à l’intérieur d’une planète lorsqu’elle possède un fluide conducteur animé de mouvements de convection. Le champ magnétique terrestre, par exemple, est produit par la partie liquide du noyau de fer. Mais dans le cas des super-Terres, le cœur de fer est probablement entièrement cristallisé en raison des pressions colossales, ce qui empêcherait l’existence d’un champ magnétique. D’après les scientifiques, celui-ci pourrait être généré dans les manteaux constitués de silicates fondus et électriquement conducteurs.
Pour déterminer si cette hypothèse est valable, il est nécessaire d’étudier les propriétés des silicates, et en particulier leur conductivité électrique, à des conditions de température et de pression propres aux manteaux des super-Terres (quelques millions d’atmosphères et quelques milliers de degrés).
Comment reproduire en laboratoire, à petite échelle, des phénomènes spatiaux inaccessibles à l’expérimentation ?
Reproduire expérimentalement les conditions extrêmes de la matière est très complexe. Pour mieux les appréhender, les chercheurs ont recours à l’astrophysique de laboratoire, c’est-à-dire qu’ils reproduisent à petite échelle les conditions dans lesquelles se forment ou évoluent différents phénomènes.
Une équipe de recherche incluant le CEA, plus précisément sa direction des applications militaires, a ainsi cherché à étudier les propriétés de conductivité des silicates en reproduisant expérimentalement les conditions extrêmes qui règnent au cœur des super-Terres.
Des échantillons de quartz (SiO2) ont été comprimés en générant deux ondes de choc successives à l’aide du laser LULI2000 du laboratoire LULI. Ce schéma de compression innovant permet d’étudier les propriétés de la matière comprimée sur un vaste ensemble de conditions thermodynamiques jusqu’à maintenant inexplorées. À la différence de la compression par un simple choc qui engendre de très hautes températures, la technique de double choc permet de générer des hautes pressions, tout en gardant des températures relativement modérées, plus pertinentes pour les intérieurs de super-Terres.
Salle d’expériences de l’installation LULI2000. © École Polytechnique – J. Barande
En couplant ces données expérimentales à des calculs ab initio fournis par le CEA, une nouvelle approche pour estimer la conductivité électrique a été développée, sans avoir à recourir à des modèles, certes couramment utilisés, mais dont la validité dans ce contexte est remise en question. Le CEA a ainsi aidé à déterminer des conductivités électriques à partir de propriétés optiques mesurées durant les expériences.
Les résultats de cette étude indiquent que le SiO2 à haute pression a une conductivité électrique suffisamment élevée pour générer des champs magnétiques à l’intérieur des super-Terres. Cette confirmation permettra aux astrophysiciens d’améliorer leurs modèles et de mieux orienter l’étude d’exoplanètes potentiellement habitables.