La lumière est une forme d’énergie qui nous est très familière même si
certaines de ses propriétés ne sont pas facilement accessibles. L’une
d’entre elles - la polarisation - est une source d’informations pour les
chercheurs. Dans l’espace, la lumière émise par les étoiles, le gaz ou
la poussière peut être polarisée de plusieurs façons. En mesurant cette
polarisation, les astronomes peuvent étudier les processus physiques qui
sont à son origine, en particulier les propriétés des champs
magnétiques dans le milieu interstellaire de notre Galaxie [1].
Le champ magnétique de la Voie Lactée vu par le satellite Planck. Les régions les plus sombres correspondent à une émission polarisée plus forte et les stries indiquent la direction du champ magnétique projeté sur le plan du ciel. © ESA - collaboration Planck
La carte présentée ici a été obtenue en utilisant des détecteurs du
satellite Planck, agissant un peu à la manière des lunettes de soleil
polarisées, en version astronomique. Les tourbillons, boucles et arches
de cette image tracent la structure du champ magnétique de notre
Galaxie. Cette image dévoile l’organisation à grande échelle d’une
partie du champ magnétique galactique. La bande sombre correspond au
plan galactique : l’émission polarisée y est particulièrement intense.
La structure générale révèle un motif régulier où les lignes du champ
magnétique sont majoritairement parallèles au plan de la Voie Lactée.
Les
observations révèlent également des variations de la direction de
polarisation dans les nuages de matière proches du Soleil vus de part et
d’autre de la bande sombre. Celles-ci témoignent de changements de la
direction du champ magnétique dont les astrophysiciens étudient
l’origine.
Les zones à haute latitude galactique ont été masquées.
Le signal y est plus faible et un travail supplémentaire est requis
pour mesurer et séparer la polarisation de notre Galaxie de celle du
rayonnement fossile micro-onde.
Au-delà de notre Galaxie
L’intensité
du rayonnement fossile de l’Univers a été cartographiée avec une
précision sans précédent par Planck et aujourd’hui les chercheurs
scrutent ces données pour mesurer la polarisation de ce rayonnement.
C’est l’un des objectifs principaux de la mission Planck car cette
polarisation pourrait révéler la présence d’ondes gravitationnelles
primordiales générées juste après la naissance de l’Univers.
En
mars 2014, les scientifiques de la collaboration BICEP2 ont annoncé la
première détection d’un tel signal dans les données collectées par un
télescope au sol observant une petite fraction du ciel (1%) à une seule
fréquence. Leur résultat repose sur l’hypothèse que la polarisation de
l’émission d’avant-plan de notre galaxie est négligeable dans cette
région.
D’ici la fin de l’année 2014, la collaboration Planck
livrera ses données obtenues à partir des observations du ciel complet
dans les sept bandes en fréquence où les détecteurs sont sensibles à la
polarisation de la lumière. Ces mesures multifréquences devraient
permettre aux astrophysiciens d’estimer et de séparer le signal polarisé
primordial et le signal d’avant-plan de notre Galaxie. Cette étude
permettra une investigation bien plus détaillée du début de l’histoire
du cosmos, depuis son expansion quand l’Univers était âgé d’une toute
petite fraction de seconde jusqu’à la naissance des premières étoiles,
plusieurs centaines de millions d’années plus tard.
La mission Planck en bref
Lancé
en 2009, Planck, le satellite de l’Agence spatiale européenne (ESA) a
observé l’ensemble de la voûte céleste dans neuf bandes de fréquence
dans le domaine submillimétrique, entre l’infrarouge lointain et la
radio. Les données de l’instrument haute fréquence HFI ont été
essentielles pour ce résultat sur le champ magnétique. Cet instrument
HFI, conçu et assemblé sous la direction de l’Institut d’astrophysique
spatiale (CNRS/Université Paris-Sud) avec un financement du CNES et du
CNRS a pris des données scientifiques du 13 août 2009 au 14 février
2012.
[1] La connaissance du champ magnétique de notre galaxie est fondamentale car celui-ci est soupçonné de gouverner ou d’influer sur de nombreux phénomènes, tels que la trajectoire des particules chargées électriquement (les rayons cosmiques) et la formation des étoiles.
La contribution de la recherche française dans la mission Planck
La
France est leader de l’instrument haute fréquence Planck-HFI dont les
données sont essentielles pour les résultats cosmologiques mais
également pour de nombreux résultats galactiques et extra-galactiques.
Sa construction a coûté 140 millions d’euros et mobilisé 80 chercheurs
de dix laboratoires du CNRS, du CEA et d’Universités. La France a assuré
plus de 50% du financement de cette construction ainsi que 100% de
celui du traitement de ses données : ce financement provient pour moitié
du CNES, pour moitié du CNRS, du CEA et des Universités. Elle contribue
également au financement de la mission elle-même via sa contribution
financière au programme scientifique de l’ESA, soit 15% du coût de la
mission.
L'expérience "Pilot"
En 2015, un ballon stratosphérique géant
du CNES emportera à près de 40 km d’altitude une expérience de près
d’une tonne développée par le CNRS, le CEA et le CNES, avec des
contributions des Universités de Rome et de Cardiff. Cette expérience,
appelée Pilot, cartographiera l’émission polarisée du disque de notre
galaxie avec des détails encore plus fins (près d’un vingtième de degré)
et à une longueur d’onde complémentaire de celles de Planck.