Aux prémices du projet Mars Science Laboratory (MSL), la Nasa a lancé
un appel d’offres international pour recenser les meilleures
technologies existantes afin de répondre aux nombreuses interrogations
que réserve la planète Mars. Parmi les défis à relever : l’analyse à
distance de la composition des roches martiennes. Les chercheurs du
Département de physico-chimie (Direction de l’énergie nucléaire au CEA)
ont ainsi été sollicités, dès 2001, par l’Institut de Recherche en
Astrophysique et Planétologie (IRAP) de Toulouse, afin d’adapter une de
leurs technologies pour concevoir l’instrument qui équipera, dix ans
plus tard, le rover Curiosity.
La technologie LIBS
Le département de physico-chimie (DPC) travaille notamment sur l’analyse
des matériaux dans le domaine du nucléaire. Une des contraintes dans ce
domaine est de pouvoir contrôler et analyser des zones non accessibles
directement par l’homme, soit parce que cela représente un danger
potentiel, soit parce que l’étude nécessite une analyse in situ. C’est
pourquoi le DPC a mis au point, dès les années 80, la technique LIBS
(Laser-induced breakdown spectroscopy) :
-
un rayonnement laser pulsé est focalisé sur une partie du matériau à analyser pour le vaporiser ;
-
un plasma (gaz ionisé) se forme et est ensuite analysé grâce à un
spectromètre, pour déterminer la composition chimique du matériau.
L’intérêt
de la LIBS repose sur sa rapidité de mesure, sa simplicité de mise en
œuvre et la possibilité de se trouver à distance du matériau à analyser.
Utilisée aujourd’hui dans de nombreux domaines industriels
(métallurgie, industrie pétrolière…), cette technique est développée et
mise en œuvre au CEA pour la recherche nucléaire.
Adapter cette technologie aux conditions spatiales
Des
adaptations de la LIBS ont été nécessaires, d’une part pour répondre aux
conditions environnementales de Mars, d’autre part pour correspondre
aux critères (dimension et poids) d’un instrument destiné à aller dans
l’espace. Les chercheurs ont recréé, dans leur laboratoire, une chambre
de tests qui reproduisait les conditions atmosphériques martiennes. Ils
ont effectué leurs premières expériences dans le but de réaliser le
cahier des charges de l’instrument et faire la démonstration de
principe. Sur la base de ces résultats, la Nasa a choisi, fin 2004,
l’équipe française pour développer, en collaboration avec le laboratoire
américain du Los Alamos National Laboratory, l’instrument ChemCam qui
équipe aujourd’hui le rover Curiosity.
L’implication du CEA dans la mission de Curiosity
L’appareillage qui compose la technologie LIBS © CEA
Reconnus
comme experts français pour la technique LIBS, les chercheurs du DPC
ont suivi l’ensemble des étapes de conception et de fabrication de
l’instrument embarqué. Les équipes françaises de l’IRAP ont été en
charge de développer la partie optique de l’appareil de mesures.
Celle-ci se compose du laser et de son électronique, ainsi que d’un télescope dont la fonction est triple :
- réaliser une image haute définition des roches grâce à une caméra
- focaliser le rayonnement laser sur les zones d’intérêt
- collecter l’émission du rayonnement induit par l’interaction laser-surface.
Ce rayonnement sera ensuite véhiculé par fibres optiques jusqu’aux trois
spectromètres situés dans le corps principal du rover et dont le
développement a été à la charge des équipes de Los Alamos. La
réalisation du laser a été confiée à Thales Laser. Ce laser peut
produire un plasma jusqu’à 7 mètres de distance, fournir une énergie de
l’ordre de 30 mJ, une durée d’impulsion de 7 ns et une bonne qualité de
faisceau.
Les résultats collectés seront envoyés via un signal
transmis directement aux centres de commande situés à Pasadena
(Californie). Deux chercheurs du DPC participeront aux premiers
dépouillements des résultats et aux éventuels réglages nécessaires. Les
séquences de mesures des roches martiennes seront ensuite programmées la
veille pour le lendemain. En fonction des résultats obtenus sur un
site, dans une zone de 7 mètres de diamètre, il sera décidé ou non de
faire bouger le rover. D’où l’avantage de l’analyse à distance qui
permettra d’anticiper la direction à prendre en fonction de l’intérêt
d’analyse du site.
C’est grâce à leur expertise dans un domaine
situé à des « années lumières » de l’exploration spatiale, que des
chercheurs du CEA ont pu ainsi envoyer un peu d’eux-mêmes sur Mars (qui
n’est jamais qu’à une distance située entre 56 et 400 millions de
kilomètres de la Terre, suivant sa position).
Comportement lumineux de différents plasmas, selon les atomes qui les composent © CEA