Le noyau atomique est généralement décrit comme
une goutte de liquide quantique de l’ordre du millionième de
milliardième de mètre de diamètre. Ce comportement de type liquide
explique notamment la fission nucléaire, et s’applique
préférentiellement aux noyaux lourds, c’est-à-dire ceux contenant
beaucoup de nucléons (les neutrons et les protons). En revanche, les
noyaux légers[2] peuvent se comporter comme de minuscules « molécules » -
ou agrégats - composés de neutrons et de protons à l’échelle du noyau.
Cet aspect moléculaire permet de comprendre la synthèse stellaire du
carbone-12 ou d’éléments plus lourds, nécessaires à l’apparition de la
vie[3].
Jusqu’à présent, les deux visions «
noyau-molécule » et « noyau-liquide » co-existaient. Aujourd’hui, une
équipe de l’Institut de physique nucléaire d’Orsay (Université
Paris-Sud/CNRS) et du CEA, en collaboration avec des chercheurs de
l’Université de Zagreb, livre une vision unifiée de ces deux aspects. En
résolvant des équations de physique quantique à l’échelle du noyau (et
notamment l’équation de Schrödinger), les chercheurs ont démontré que,
si un noyau léger peut présenter un comportement de type moléculaire
(qui tend vers l’état cristallin), il adopte, lorsqu’il s’alourdit, un
comportement de type liquide. Pour établir cette nouvelle théorie, les
physiciens se sont inspirés des étoiles à neutrons. Plus on s’enfonce à
l’intérieur de ces étoiles, plus on passe d’un milieu cristallin à un
milieu liquide. Grâce à cette analogie, les physiciens ont identifié un
mécanisme de transition de l’état liquide vers l’état cristallin du
noyau. Lorsque les interactions entre neutrons et protons ne sont pas
assez fortes pour les fixer au sein du noyau, celui-ci est alors dans un
état de type liquide quantique où neutrons et protons sont délocalisés.
À l’inverse, dans un état cristallin, neutrons et protons seraient
fixés à intervalles réguliers dans le noyau. La molécule nucléaire est
interprétée comme un état intermédiaire entre le liquide quantique et le
cristal. À long terme, il s’agit de comprendre de manière unifiée les
différents états du noyau.
[1] Le cœur d'une étoile massive qui s'effondre durant une explosion en supernova acquiert une densité si importante que protons et électrons peuvent se combiner pour former des neutrons. L'astre qui se forme devient ainsi une sorte de noyau atomique géant composé majoritairement de neutrons, d'où le nom de cette étoile.
[2] Comme l’oxygène-16 (16O) qui contient 8 neutrons et 8 protons.
[3] Ainsi, l’état de Hoyle du carbone-12, crucial pour la nucléosynthèse, est décrit comme une molécule nucléaire composée de trois particules alphas ; une particule alpha est un agrégat de deux neutrons et de deux protons.