Cette étape très importante est la dernière d’un processus de
près de cinq ans qui aura vu Euclid, née d’une idée française, franchir
avec succès toutes les étapes de sélection pour être retenue, parmi
plus de 50 propositions à l’origine, comme deuxième mission du programme
Vision Cosmique de l’ESA. La France, à travers le CNES (l’agence
spatiale française), le CNRS et le CEA, a initié ce projet et contribue
de manière déterminante à sa réalisation. Le lancement est prévu au
second trimestre 2020.
L’expression « énergie noire » est
née en 1998 suite à une découverte surprenante : alors que l’expansion
de l’Univers prévue dans le cadre de la « théorie du Big Bang » est bien
confirmée par l’observation des galaxies qui s’éloignent les unes des
autres, cette expansion semble se faire de plus en plus rapidement avec
le temps, alors que l’on imaginait jusqu’alors un ralentissement de
cette expansion, à cause de la gravitation. En outre, cette mystérieuse
composante représenterait 73% du contenu de l’Univers, en sus de 23%
d’une non moins mystérieuse « matière noire » dont on observe les effets
à grande échelle.
Cette découverte, qui vaudra à ses auteurs le
prix Nobel en 2011, a suscité un intérêt considérable dans une très
large communauté scientifique embrassant la physique théorique,
l’astrophysique ou encore la cosmologie. Plusieurs idées ont alors été
mises en œuvre pour tenter de comprendre ce qu’est l’énergie noire.
Euclid s’appuiera sur au moins deux d’entre elles, appelées
respectivement méthode du cisaillement gravitationnel (Weak Lensing – WL
en anglais) et méthode des oscillations acoustiques baryoniques
(Baryonic Acoustic Oscillations – BAO).
La première consiste à
mesurer la distorsion des images des galaxies provoquée par la présence
de matière noire sur la ligne de visée. En réalisant l’opération sur des
galaxies situées à diverses distances de la Terre, on peut «
cartographier » la matière noire en trois dimensions et voir ainsi
l’évolution de cette répartition dans le temps, évolution déterminée par
les propriétés de l’énergie noire.
La méthode des BAO s’appuie
quant à elle sur une cartographie en trois dimensions des grandes
structures visibles de l’Univers (galaxies, amas de galaxies). Là
encore, c’est la comparaison entre structures lointaines (anciennes) et
proches (récentes) qui renseignera sur les effets précis de l’énergie
noire.
Il se trouve que matière et énergie noires contribuent de
façon différente à l’histoire de l’expansion de l’Univers et de
l’évolution des structures cosmiques. Ces différences peuvent être
identifiées et caractérisées avec Euclid, permettant aux physiciens et
astrophysiciens de comprendre la nature de l’énergie noire et de révéler
des propriétés de la matière noire. Avec Euclid les physiciens seront
donc en mesure de dire si l’accélération de l’expansion de l’Univers
provient d’une composante nouvelle, l’énergie noire, ou bien de la
manifestation d’effets gravitationnels non prévus par la théorie
standard de la gravitation, la relativité générale.
Pour réaliser
ces mesures, Euclid effectuera un relevé d’une grande partie du ciel
avec deux instruments très précis, placés au foyer d’un télescope de 1,2
m de diamètre. Une caméra de 576 millions de pixels observant dans le
domaine visible fournira les images d’environ deux milliards de galaxies
avec une très haute résolution, équivalente à celle du télescope
spatial Hubble. Un spectro-imageur opérant dans l’infrarouge produira
une cartographie des grandes structures de l’Univers et mesurera la
distance aux galaxies imagées par la caméra. Enfin, un ensemble de
supercalculateurs et de logiciels spécifiques sera nécessaire pour
traiter les données reçues du satellite (soit plusieurs millions de
gigaoctets).
Les données scientifiques d’Euclid constitueront un catalogue unique de
plusieurs milliards d’étoiles et galaxies distribuées sur l’ensemble du
ciel situé de part et d’autre de la Voie Lactée. Ceci ouvrira notamment
une fenêtre sur la formation des premières galaxies, il y a plus de 12
milliards d’années, et représentera une source unique et
quasi-inépuisable d’informations pour la communauté astronomique
mondiale pendant les prochaines décennies.
Si l’ESA est en charge de
la mission dans son ensemble, c’est un consortium de laboratoires et
d’instituts européens (le plus important jamais rassemblé autour d’une
mission spatiale en Europe), dirigé par Yannick Mellier, de l’Institut
d’Astrophysique de Paris (Université Pierre et Marie Curie/CNRS), qui
fournira les instruments et le système de traitement des données. Les
laboratoires français soutenus par le CNES constituent les initiateurs
et le fer de lance de ce consortium et ont largement contribué par des
études approfondies à la sélection d’Euclid. Ils auront notamment en
charge la fourniture du spectro-imageur infrarouge, du plan focal de la
caméra visible, de l’architecture globale du système de traitement des
données, de nombreux logiciels ainsi que d’un centre de calcul de grande
capacité.
Vue d'artiste - mission Euclid. © ESA C. Carreau
Les laboratoires participant au consortium Euclid sont les suivants:
Astrophysique Instrumentation et Modélisation (Université Paris Diderot /CEA-Irfu/CNRS)
AstroParticules et Cosmologie (Université Paris Diderot / CNRS/CEA / Observatoire de Paris)
Centre de Physique des Particules de Marseille (Aix-Marseille Université/CNRS)
Institut d’Astrophysique de Paris (Université Pierre et Marie Curie/CNRS)
Institut d’Astrophysique Spatiale (UIniversité Paris-Sud/CNRS)
Institut de Physique Nucléaire de Lyon (Université Claude Bernard Lyon 1/CNRS)
Institut de Recherche en Astrophysique et Planétologie (Université Toulouse 3 - Paul Sabatier/CNRS)
Institut de Recherche sur les lois Fondamentales de l’Univers (CEA/Saclay)
Laboratoire d’Astrophysique de Marseille (Aix-Marseille Université/CNRS)
Laboratoire Lagrange (Observatoire de la Côte d’Azur/CNRS/Université de Nice Sophia Antipolis)
Laboratoire de Physique Nucléaire et de Hautes Energies (UPMC/Univ Paris-Diderot/CNRS)
Centre de Calcul de l’Institut National de Physique Nucléaire et de Physique des Particules (CNRS)